Les 14-16 novembre, Singapour recevait le 13ème sommet de l’Asie orientale, puis les 21 membres de l’ASEAN. Le 1er ministre Li Keqiang y assistait, face au n°2 américain Mike Pence. Donald Trump, toujours hostile à la coopération multilatérale, restait absent. Pence ne rencontra pas Li pour discuter du litige entre leurs pays. Ce n’était pas bon signe pour sa rencontre du surlendemain avec Xi Jinping à Port Moresby (Papouasie nouvelle Guinée, PNG), ni pour le meeting Xi-Trump au G20 de Buenos Aires (1er décembre)…
A Singapour, un des sujets était le futur traité RCEP de libre-échange (Regional Comprehensive Economic Partnership), proposé par la Chine, pour créer une zone de libre échange entre ASEAN, Pacifique et Inde. Pékin espérait l’accord avant décembre. Mais un blocage intervint, empêchant toute signature avant 2019. Un des freins est l’Inde, inquiète de voir son marché accaparé par des consortia chinois épaulés par un Etat qui leur fournit à volonté fonds et technologies (le plan Made in China 2025). D’autre part, New Delhi supporte mal la pression de Pékin sur sa frontière himalayenne (l’Etat d’Arunachal, revendiqué par la Chine sous le nom de Sud-Tibet), l’installation de l’Armée Populaire de Libération dans l’océan Indien, la création d’un « collier de perles » (ports) chinois au Sri Lanka (Colombo, Hambantota), Pakistan (Gadwar) et Birmanie (Kyaukphyu).
Cette méfiance est exacerbée par la percée chinoise au Pacifique Sud. Le 15 novembre, Xi s’envolait pour la PNG, la plus pauvre des 21 nations de l’APEC, qu’elle recevait les 17-18 novembre. Là encore, Mike Pence assurait la présence minimale des Etats-Unis, et il fit un déballage de mésentente, sur le front de la guerre commerciale où il réitérait les attaques contre la Chine ayant « commercialement abusé des Etats-Unis depuis des années ». Il dénonçait aussi la Chine, presque nommément, pour ses nouvelles « routes de la soie », auxquelles il opposait la « stratégie indo-pacifique » des Etats-Unis soutenus par Australie et Japon. L’offre américaine, promettait-il, n’allait pas noyer les pays candidats « dans une mer de dettes ». Enfin, Pence accusait l’offre chinoise d’être « une ceinture qui étrangle, et une route à sens unique » : jamais la démarche chinoise n’avait été accusée de la sorte !
Curieusement, en simultané depuis Washington, Trump tweetait un son de cloche fort différent. Les palabres avec la Chine se portaient à merveille, suite à ses dernières offres qui répondaient à nombre de ses exigences. « Quatre ou cinq » restaient en plan, mais Trump se faisait fort d’obtenir satisfaction, et de signer bientôt un « bon accord ».
Les messages de Pence et de Trump, on le note, sont contradictoires, sur l’objectif de paix avec la Chine. À ce stade, impossible de prédire quelle tendance prévaudra, entre l’agressive et la conciliante. Mais dès maintenant, une conclusion logique semble se dégager. Même si Chine et Etats-Unis parviennent à s’entendre sur des règles équitables dans le jeu de leurs échanges à long terme, les deux puissances se retrouveront en rivalité débridée d’influence sur le monde indo-pacifique, et sur le monde tout court : leurs relations, et les équilibres géostratégiques auront changé. Abandonnant sa passivité débonnaire, les Etats-Unis désormais soutenus par des alliés régionaux, vont vouloir se battre pied à pied avec la puissance émergente chinoise.
Quelques jours avant à Pékin, Zheng Zeguang, vice-ministre, parlant des pays insulaires d’Océanie, avertissait : « aucun pays ne devait enrayer l’effort d’aide de la Chine à la région ». Chine et Océanie étaient une « famille », sous entendu au lien plus soudé qu’avec les colonisateurs d’hier. Autant dire que dans la région comme partout au monde, les ambitions chinoises sont sans limites, et vont se heurter à d’ex-puissances tutélaires, déterminées à défendre leur influence d’hier.
1 Commentaire
severy
20 novembre 2018 à 14:24La PNG n’est pas dans le Pacifique sud. Ceci dit, Les intérêts de la Chine dans cette région se heurteront peut-être aussi à ceux de la France, détentrice de pas mal d’archipels dans la région. L’humour anticipatif faisant allusion à la boutade »On signale des problèmes à la frontière franco-chinoise » risque de noircir.