Politique : Xi Jinping prépare son «ère»

Xi Jinping prépare son «ère»

Les dates sont tombées. Les 370 membres et suppléants du Comité Central se réuniront à l’occasion du 6ème plenum du XIXème Congrès du 8 au 11 novembre à l’immuable hôtel Jingxi, à l’ouest de Pékin.

Traditionnellement, les six sessions plénières sont étalées sur cinq ans et ont chacune leur propre agenda : le 1er plenum est chargé d’introniser l’équipe dirigeante, le 2nd choisit ceux qui prendront la tête des organes d’Etat, le 3ème  et le 4ème discutent de l’économie, le 5ème  avalise le prochain plan quinquennal, et le 6ème traite des questions idéologiques et marque le début du changement de garde entre deux équipes dirigeantes*.

Ce n’est pas le scénario qui se profile cette fois-ci. En temps normal, Xi Jinping aurait dû se préparer à passer la main – après deux mandats de cinq ans – à son vice-président à l’automne 2022, selon la règle mise en place par Deng Xiaoping en 1982.

Or, le leader chinois, intronisé « noyau » du Parti lors du 6ème plenum du XVIIIème Congrès en 2016, a fait abolir deux ans plus tard la limite de deux mandats pour le Président de la République, s’offrant ainsi un boulevard pour rester au pouvoir – à vie ?

Selon Li Ling, spécialiste en politique chinoise à l’Université de Vienne, Xi Jinping pourrait bien être sur les rails pour ressusciter le statut de Président du Parti lors du XXème Congrès – un titre honorifique seulement attribué à Mao puisqu’il a été retiré de la charte du Parti en 1982.

Pour asseoir sa légitimité et son « droit » à se maintenir au pouvoir, Xi Jinping devrait faire adopter lors de ce 6ème plenum, une résolution historique passant en revue les réalisations du Parti du siècle dernier et les perspectives pour les 100 ans à venir.

Depuis son arrivée aux affaires, Xi Jinping n’a cessé de souligner l’importance de promouvoir une « version correcte » de l’histoire. A l’occasion de son 100ème anniversaire du Parti en juillet dernier, le leader a épargné Mao de toute critique dans la nouvelle version des manuels d’histoire du PCC. Il a également fait supprimer les passages où Deng Xiaoping mettait en garde contre les dangers du retour au pouvoir solitaire et prêchait pour une montée en puissance « discrète » du pays. Plus récemment, Xi Jinping a affirmé que la réunification avec Taïwan était « historiquement » et « ethniquement » juste et nécessaire.

Si cette « résolution » est d’une telle importance, c’est qu’elle est seulement la troisième depuis la fondation du Parti en 1921. Les deux précédentes étaient de nature critique et marquaient l’ascension d’une faction politique donnée au sein de l’appareil.

La première résolution, adoptée en 1945, a signalé l’avènement de Mao comme leader incontestable du Parti, attaquant ses rivaux.

La seconde, rédigée en 1981 sous Deng Xiaoping, est venue condamner la Révolution culturelle menée par Mao et inaugurer la politique de réforme et d’ouverture du « Petit Timonier ».

Dans cette troisième résolution, il devrait plutôt être question d’auto-affirmation et d’auto-célébration. Il s’agit d’inaugurer « l’ère de Xi Jinping », marquée par un retour aux sources léninistes, une priorité donnée au secteur public au détriment du secteur privé, à la lutte contre les inégalités, et à une politique étrangère affirmée et ultranationaliste.

En résumé, Mao a fondé la « nouvelle Chine », Deng l’a rendu riche, et Xi veut être celui qui l’a rendu « forte », devenant ainsi la troisième grande figure « historique » du Parti.

Les critiques diront plutôt que cette résolution s’apparente à une tentative de détourner l’attention de ses échecs en politique intérieure et sur le fait que les relations de la Chine avec le reste du monde se sont sensiblement détériorées sous son leadership…

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* Le jeu des chaises musicales, en préparation du XXème Congrès, ont déjà commencé en province. Au moins cinq d’entre elles ont vu débarquer leurs nouveaux secrétaires du Parti. Au Heilongjiang, Xu Qin (许勤, 1961) vient remplacer Zhang Qingwei (张庆伟, 1961, issu de « la clique de l’aérospatiale »), qui lui prend la relève de Xu Dazhe, au Hunan. Au Jiangxi, Liu Qi, laisse sa place à Yi Lanhong (许勤, 1959). 

Au Jiangsu, c’est Wu Zhenglong (吴政隆, 1964), actuel gouverneur, qui succède à Lou Qinjian. Ce poste pourrait représenter un tremplin pour Wu puisque six de ses prédécesseurs ont rejoint par la suite le Politburo.

Enfin, au Tibet, ou plutôt dans le « Xizang » (西藏), selon la nouvelle consigne de propagande, c’est Wang Junzheng (王君正, 1963) qui vient remplacer Wu Yingjie, marchant ainsi sur les traces de l’ex-Président Hu Jintao, en poste de 1988 à 1992. Wang était jusqu’à présent le vice-secrétaire du Parti du Xinjiang et son chef de la sécurité entre 2019 et 2020. Bien qu’il ait été sanctionné en mars dernier par les Etats-Unis, l’Union Européenne et le Canada, cela n’a pas empêché Pékin de lui accorder une promotion, faisant de lui un modèle de compétence en matière de répression dans les régions « ethniques ».

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