Politique : La rentrée idéologique de Xi

Le 3 septembre, c’était la rentrée à l’Ecole centrale du Parti, qui recevait à cette occasion cinq invités de marque, dont le Président Xi Jinping, le chef de l’Idéologie Wang Huning, et le patron du département de l’Organisation Chen Xi. Dans son discours, Xi galvanisait quelques centaines de cadres, promis à de hautes fonctions, et les exhortait à faire face aux nombreux défis auxquels le pays est confronté. En cette période charnière, chahuté par les événements, le Parti semble se refermer sur lui-même pour trouver des solutions à ses soucis.

A 56 reprises, Xi utilisait le terme de « bataille » (斗争, dòuzhēng) – du jamais-vu ! Enfin, pas tout à fait… Lors de la « Révolution culturelle » (1966-1976), Mao avait appelé la jeunesse à « se battre » contre les intellectuels, les cadres politiques, les élites qui entraînait le pays sur le chemin du capitalisme. Après avoir plongé la Chine dans le chaos pendant une décennie, Mao  avait réussi à reprendre le contrôle du Parti.

Cet emploi par Xi Jinping du terme « bataille » ou de « grande bataille » est donc loin d’être anodin. Xi en a fait sa marque de fabrique depuis son arrivée au pouvoir, et cela en dit long sur l’état d’esprit actuel du Premier Secrétaire.

Au niveau interne, ce terme reflète les luttes qui agitent le Parti . Xi Jinping appelle à « ne faire qu’un, au moment de prendre des décisions, mais aussi lorsqu’il faut en assumer les conséquences (…) il faut unir nos forces » derrière un leader fort, à savoir lui-même. Sous cette lumière, le fait pour le Quotidien du Peuple de l’avoir désigné le 25 août, « leader du peuple », titre autrefois réservé au Grand Timonier, n’a rien d’une coïncidence. 

Au niveau externe, ce mot évoque la longue liste des défis posés au Parti : le ralentissement économique, la guerre commerciale avec les Etats-Unis, la résistance des nations au grand plan chinois d’équipements en infrastructures (BRI), sans parler des tensions en mer de Chine du Sud, ou à Taiwan. D’ailleurs pour la première fois, le Président mentionnait la crise que traverse Hong Kong. A ce sujet, il déclarait que « nous ne ferons aucune concession sur des questions de principes ( à savoir, la souveraineté et la sécurité nationale, le maintien des autorités centrales et de la Basic Law, et aucune tentative de subversion ne sera tolérée), mais nous saurons nous montrer flexible sur les stratégies à employer ». Cela veut dire que Pékin ne cédera en aucun cas sur le suffrage universel, mais qu’il pourrait tolérer une commission d’enquête sur les violences policières, en sus du retrait de la loi d’extradition. Finalement, il appelait les cadres à être vigilants à tout vent de changement, et de savoir « reconnaître l’arrivée de l’automne à la couleur des feuilles » !

Alors que certains problèmes peuvent être réglés par une meilleure gouvernance (comme le trio de la prévention des risques financiers, de la réduction de la pauvreté et de la lutte contre la pollution), ceux relatifs à la « pensée politique, la culture et la société en général » ne seront résolus que lorsque que le peuple et les membres du PCC auront parfaitement absorbé les valeurs du Parti. Voilà pourquoi cette remise au point était nécessaire selon Xi. Dans la même ligne, la loyauté de 10.000 journalistes chinois sera testée par un examen de leurs connaissances sur la « pensée de Xi Jinping » via l’application mobile « Xuexi Qiangguo ». Ceux ratant leur examen ne recevront pas leur carte de presse.

L’Ecole centrale du Parti va bientôt recevoir d’autres visiteurs : les inspecteurs de l’anti-corruption (CCID). Elle n’est pas seule à être dans le viseur, 36 autres organes seront inspectés lors de la 4ème tournée depuis le 19ème Congrès de 2017. Parmi eux, l’Académie des Sciences (CAS), le Département du Front Uni, celui des Affaires Internationales du Comité Central, le Ministère des Affaires étrangères, et la Cour Suprême (récemment secouée par un scandale). C’est le patron de la CCID, Zhao Leji, n°6 du Parti, qui l’annonçait trois jours après le discours de Xi.

Depuis 2013, cette campagne anti-corruption a quelque peu changé de visage : désormais, elle se concentre moins sur l’éradication de la corruption, que sur le fait de s’assurer que les politiques décidées en haut lieu soient effectivement mises en œuvre. Dans ce contexte, rien d’étonnant que l’imminent 4ème Plenum du Parti aura pour thème la gouvernance.

Depuis quelques mois d’ailleurs, un nouveau règlement régit le jeu des promotions des cadres, essentiel pour quiconque veut étendre son réseau d’influence. Il rendra plus difficile de promouvoir ses protégés : le Département de l’Organisation dirigé par Chen Xi (camarade de Xi Jinping à Tsinghua) devra approuver toutes les nominations, par exemple celle d’un « secrétaire » personnel (mìshū) ou avant un départ en retraite. Mais il ne faut pas s’y méprendre, cette stratégie vise, en réalité, à briser la kyrielle de cliques ou factions – toutes sauf celles sur lesquelles s’appuie Xi Jinping ! 

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