Le Vent de la Chine Numéro 33 (2019)
Le compte à rebours avant le 70ème anniversaire de la République Populaire de Chine le 1er octobre, a commencé. La capitale vit sous une chape de plomb depuis quelques semaines. Les commerces n’ont plus le droit de vendre des couteaux, marteaux, et ciseaux. Tous les colis sont scannés au rayon X avant livraison, et les amateurs ayant commandé sur internet un drone ou une maquette d’avion télécommandé devront attendre après la fête nationale pour le recevoir. Cerfs-volants, lanternes, et vols de pigeons sont proscrits, les bouches d’égout sont scellées. Au Stade des Travailleurs, des chars à thème (« faucille et marteau » ou « grands leaders communistes ») sont garés en attendant le jour J. A tous les coins de rues, des calicots à la gloire du pays et de ses réalisations sont fièrement exhibés pour faire vibrer la corde nationaliste des passants. A Tangshan, ville voisine productrice d’acier, les quotas de production ont été réduits pour s’assurer un ciel azur des grands jours. Le contrôle de l’internet se fait également plus strict : la censure est renforcée et l’accès aux VPN presque impossible… Hu Xijin, le rédacteur en chef du Global Times (quotidien pourtant bien en ligne avec l’idéologie nationale) se plaint que « même » son journal soit affecté, alors qu’il défend régulièrement dans ses colonnes le concept de souveraineté numérique chinoise.
Chaque week-end, Pékin se fige le temps d’une répétition générale. Cela donne lieu à des situations ubuesques : des touristes interdits de quitter ou de regagner leur hôtel pendant presque 24h, ou des habitants bloqués au nord de ville, sans moyen de regagner leur domicile au sud… La nuit du 14 septembre, certains résidents avaient la surprise de voir défiler sous leurs fenêtres, à grand vrombissement, tanks, missiles, et autres véhicules amphibies…
En effet, au programme du 1er octobre, pas d’excès de liesse populaire spontanée, mais un défilé de 100 000 militaires et un gala chorégraphié rassemblant 60 000 personnes dans la soirée. 42 médailles seront décernées. Parmi les huit personnalités qui recevront celle de la République, Yuan Longping, le père du riz hybride, Tu Youyou, la scientifique ayant reçu le prix Nobel pour avoir découvert l’artémisine, traitement antipaludéen, et Tung Chee-hwa, le tout premier Chef de l’Exécutif de Hong Kong. Quatre Lei Feng des temps modernes recevront le titre de « héros du peuple », dont un policier ayant trouvé la mort dans une attaque suicide au Xinjiang et un autre soldat tué au Mali. Parmi les six étrangers recevant la Médaille de l’Amitié, l’ancien Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin, la princesse thaïlandaise Maha Chakri Sirindhorn, le cubain Raul Castro, la canadienne Isabel Crook, témoin des grandes mutations chinoises depuis 1915.
On l’aura compris, cette célébration « doit être parfaite et se dérouler sans aucun accroc » selon le Secrétaire de Pékin, Cai Qi. Au Hebei, les mines de charbon sont inspectées pour éviter tout accident qui pourrait gâcher la fête. Au Xinjiang aussi, le patron de la région Chen Quanguo appelle les forces de l’ordre à « rester sur leurs gardes, et maintenir la pression ». Dans le Shaanxi, tous les policiers se voient interdire de consommer la moindre goutte d’alcool, à domicile ou hors service ! A Hong Kong, on fait profil bas : les feux d’artifices sont annulés, et il n’y aura ni défilé, ni concert comme en 2009. Mieux vaut annuler les festivités sur place plutôt que de prendre le risque de s’y retrouver dans l’embarras. Aussi, des dizaines de dignitaires hongkongais les plus proches du régime dont la chef de l’Exécutif Carrie Lam, sont invités à Pékin ce jour-là.
Finalement, cette fête qui s’annonce comme fastueuse et triomphaliste, ne viserait-elle pas plutôt à regonfler la confiance du régime en lui-même, au moment où il doute le plus ? Car si tout allait pour le mieux, pourquoi ce besoin irrépressible de tout verrouiller…
Le 3 septembre, c’était la rentrée à l’Ecole centrale du Parti, qui recevait à cette occasion cinq invités de marque, dont le Président Xi Jinping, le chef de l’Idéologie Wang Huning, et le patron du département de l’Organisation Chen Xi. Dans son discours, Xi galvanisait quelques centaines de cadres, promis à de hautes fonctions, et les exhortait à faire face aux nombreux défis auxquels le pays est confronté. En cette période charnière, chahuté par les événements, le Parti semble se refermer sur lui-même pour trouver des solutions à ses soucis.
A 56 reprises, Xi utilisait le terme de « bataille » (斗争, dòuzhēng) – du jamais-vu ! Enfin, pas tout à fait… Lors de la « Révolution culturelle » (1966-1976), Mao avait appelé la jeunesse à « se battre » contre les intellectuels, les cadres politiques, les élites qui entraînait le pays sur le chemin du capitalisme. Après avoir plongé la Chine dans le chaos pendant une décennie, Mao avait réussi à reprendre le contrôle du Parti.
Cet emploi par Xi Jinping du terme « bataille » ou de « grande bataille » est donc loin d’être anodin. Xi en a fait sa marque de fabrique depuis son arrivée au pouvoir, et cela en dit long sur l’état d’esprit actuel du Premier Secrétaire.
Au niveau interne, ce terme reflète les luttes qui agitent le Parti . Xi Jinping appelle à « ne faire qu’un, au moment de prendre des décisions, mais aussi lorsqu’il faut en assumer les conséquences (…) il faut unir nos forces » derrière un leader fort, à savoir lui-même. Sous cette lumière, le fait pour le Quotidien du Peuple de l’avoir désigné le 25 août, « leader du peuple », titre autrefois réservé au Grand Timonier, n’a rien d’une coïncidence.
Au niveau externe, ce mot évoque la longue liste des défis posés au Parti : le ralentissement économique, la guerre commerciale avec les Etats-Unis, la résistance des nations au grand plan chinois d’équipements en infrastructures (BRI), sans parler des tensions en mer de Chine du Sud, ou à Taiwan. D’ailleurs pour la première fois, le Président mentionnait la crise que traverse Hong Kong. A ce sujet, il déclarait que « nous ne ferons aucune concession sur des questions de principes ( à savoir, la souveraineté et la sécurité nationale, le maintien des autorités centrales et de la Basic Law, et aucune tentative de subversion ne sera tolérée), mais nous saurons nous montrer flexible sur les stratégies à employer ». Cela veut dire que Pékin ne cédera en aucun cas sur le suffrage universel, mais qu’il pourrait tolérer une commission d’enquête sur les violences policières, en sus du retrait de la loi d’extradition. Finalement, il appelait les cadres à être vigilants à tout vent de changement, et de savoir « reconnaître l’arrivée de l’automne à la couleur des feuilles » !
Alors que certains problèmes peuvent être réglés par une meilleure gouvernance (comme le trio de la prévention des risques financiers, de la réduction de la pauvreté et de la lutte contre la pollution), ceux relatifs à la « pensée politique, la culture et la société en général » ne seront résolus que lorsque que le peuple et les membres du PCC auront parfaitement absorbé les valeurs du Parti. Voilà pourquoi cette remise au point était nécessaire selon Xi. Dans la même ligne, la loyauté de 10.000 journalistes chinois sera testée par un examen de leurs connaissances sur la « pensée de Xi Jinping » via l’application mobile « Xuexi Qiangguo ». Ceux ratant leur examen ne recevront pas leur carte de presse.
L’Ecole centrale du Parti va bientôt recevoir d’autres visiteurs : les inspecteurs de l’anti-corruption (CCID). Elle n’est pas seule à être dans le viseur, 36 autres organes seront inspectés lors de la 4ème tournée depuis le 19ème Congrès de 2017. Parmi eux, l’Académie des Sciences (CAS), le Département du Front Uni, celui des Affaires Internationales du Comité Central, le Ministère des Affaires étrangères, et la Cour Suprême (récemment secouée par un scandale). C’est le patron de la CCID, Zhao Leji, n°6 du Parti, qui l’annonçait trois jours après le discours de Xi.
Depuis 2013, cette campagne anti-corruption a quelque peu changé de visage : désormais, elle se concentre moins sur l’éradication de la corruption, que sur le fait de s’assurer que les politiques décidées en haut lieu soient effectivement mises en œuvre. Dans ce contexte, rien d’étonnant que l’imminent 4ème Plenum du Parti aura pour thème la gouvernance.
Depuis quelques mois d’ailleurs, un nouveau règlement régit le jeu des promotions des cadres, essentiel pour quiconque veut étendre son réseau d’influence. Il rendra plus difficile de promouvoir ses protégés : le Département de l’Organisation dirigé par Chen Xi (camarade de Xi Jinping à Tsinghua) devra approuver toutes les nominations, par exemple celle d’un « secrétaire » personnel (mìshū) ou avant un départ en retraite. Mais il ne faut pas s’y méprendre, cette stratégie vise, en réalité, à briser la kyrielle de cliques ou factions – toutes sauf celles sur lesquelles s’appuie Xi Jinping !
Six mois après l’explosion massive d’une usine chimique à Yancheng (Jiangsu), qui coûta la vie à 78 personnes et en blessa 600 autres, les rapports de l’enquête n’ont toujours pas été rendus. Ce délai inhabituellement long pourrait suggérer que l’accident ait provoqué des dégâts plus lourds que les premières constations ne le laissaient envisager, ou que son origine soit peu avouable. La déflagration aurait été causée par le stockage, probablement excessif, de déchets dangereux qui se seraient enflammés, puis propagés à la citerne à gaz attenante.
Selon le Ministère de la gestion des situations d’urgences (MEM) le 19 septembre, 103 personnes ont déjà trouvé la mort cette année lors de trois accidents chimiques. Alors comment enrayer la loi des séries ? Dans le cas de Yancheng, le magazine Caixin révélait que l’usine avait été souvent prévenue de la visite des inspecteurs de la sécurité du travail et de l’environnement, en collusion avec les autorités qui avaient intérêt à maintenir leurs chiffres de croissance. De plus, les inspections étaient plus ou moins strictes selon les régions : sévères aux alentours des grosses villes comme Shanghai ou Canton, mais plus laxistes dans le Henan, Hebei, Shandong, et le long du fleuve Yangtze. Une différence de traitement qui ne devrait plus perdurer à l’avenir…
Depuis plusieurs années déjà, le gouvernement s’est engagé dans une vaste campagne de nettoyage du secteur chimique. Dès 2017, l’Etat voulait relocaliser 80% de ses capacités de production de produits dangereux loin des zones résidentielles avant 2020. Suite à l’accident de Yancheng, plus aucune usine n’était autorisée à opérer à moins d’un kilomètre du Yangtze, pour éviter d’aggraver la pollution du fleuve. Les autorités veulent également contraindre les petites usines privées à s’installer dans des parcs industriels chimiques, où elles seront plus facilement contrôlées que si elles restaient éparpillées sur le territoire. Cette volonté de concentration vise à mettre un terme à un certain amateurisme dans le secteur. En effet, le niveau d’investissement minimum exigé par ces sites spécialisés avant de pouvoir s’y installer est souvent trop élevé pour les petites firmes qui travaillent sur des marchés de niche. Cela explique pourquoi seulement 20% des entreprises concernées s’étaient mises en conformité fin 2018, selon le Ministère de l’industrie et des technologies de l’information (MIIT).
Dans de nombreux cas, les parcs eux-mêmes ne sont pas conformes : d’après le MIIT, sur les 676 recensés à travers le pays, un tiers ne sont pas aux normes de sécurité, deux tiers ne disposent pas de système de retraitement des déchets dangereux, et près d’un sur dix n’a pas d’installation adéquate pour le traitement des eaux usées.
Avant même l’accident de Yancheng, la province du Jiangsu, n°1 en ce domaine, lançait une évaluation de ses parcs industriels chimiques, inspirée de l’imminent crédit social pour les entreprises : sur 100 points, tous les sites n’atteignant pas le nombre de 65 perdront leur statut de parc « chimique » et devront se reconvertir vers d’autres activités moins risquées. Sur la cinquantaine de parcs que comptent la province, 14 n’ont pas obtenu la note requise. Parmi eux, celui de Yancheng (Xiangshui), où l’accident du 21 mars s’est produit, ne récoltait que 55 points, mais n’était pas pour autant dernier du classement…
Ainsi pour ces parcs, se mettre aux normes est une question de survie. Les plus avancés n’ont pas attendu d’y être contraints pour le faire. Dans certains cas, le manque de personnel qualifié les pousse à faire appel à des experts étrangers pour leur formation, notamment le groupe français Suez. Et leurs exigences sont parfois plus élevées que celles des normes européennes ou américaines, comme dans des salles de contrôle qui mesurent en temps réel une flopée de données (consommation d’électricité, d’eau, relevés d’odeurs…). Cependant, cet élan volontariste se situe à mi-chemin entre les mesures réellement nécessaires et d’autres visant simplement à faire bonne figure. Quoi qu’il en soit, les firmes installées au sein de ces parcs chimiques seront certainement récompensées de leurs efforts par une augmentation de leurs cahiers de commandes, profitant de la disparition de nombreux concurrents ayant raté le coche.
On distingue une chimie chinoise à deux vitesses. Les grands groupes aux technologies dernier cri perçoivent bien l’intérêt à long terme des investissements sécuritaires requis par les autorités. Mais en face, les vieux parcs industriels constitués d’entreprises publiques et de petites firmes privées sont souvent obnubilés par le profit à court terme au mépris des règles élémentaires de sécurité et de l’environnement. Ce sont ces dernières qui sont dans le collimateur du gouvernement. Le seul risque est qu’elles échappent aux mailles du filet en délocalisant vers l’intérieur du pays, Ningxia, Gansu ou Mongolie Intérieure, provinces pauvres où les coûts sont moindres et qui cherchent à accueillir de nouvelles industries au nom de la croissance. C’est toutefois une stratégie risquée pour les gouvernements locaux, qui en cas de nouvel accident, risquent la sanction du pouvoir central !
En moins d’une semaine, la République Populaire de Chine, à la veille de son 70ème anniversaire, réussit deux jolis coups diplomatiques en récupérant dans son giron les îles Salomon et Kiribati. Désormais, Taiwan n’entretient de relations diplomatiques qu’avec 15 pays, dont le Guatemala, Honduras, Nicaragua, Paraguay, et le Vatican.
Le 16 septembre, comme pour sauver l’honneur, la République de Chine prenait les devants en rompant d’elle-même ses liens diplomatiques avec les Salomon, après 36 ans de relations. Cet ancien protectorat britannique de 611.000 habitants était de loin l’allié le plus important pour Taiwan dans le Pacifique. Juste avant la rupture avec Taipei, Pékin venait d’offrir 8,5 millions de $ en projets de développement. Suite à cette annonce, des manifestants sur l’archipel dénonçaient cette décision prise pour de « mauvaises raisons », et s’inquiétaient pour leur avenir : les généreux programmes taïwanais d’aides dans l’éducation, l’agriculture et la santé vont prendre fin, ce qui devrait impacter l’économie locale. Il faudra donc vite que l’aide chinoise prenne le relais.
Autre déficit à craindre pour les insulaires, celui en alliance avec les Etats-Unis : 48h plus tard, le vice-Président américain Mike Pence, annulait sa rencontre avec le Premier ministre des îles Salomon, « déçu » de ce revirement diplomatique. Même si les USA reconnaissent le principe « d’une seule Chine » comme 177 autres pays, ils sont un fervent soutien de Taiwan, notamment miliaire.
En effet domino, les Kiribati annonçaient quatre jours plus tard, changer d’allégeance au profit de Pékin. Depuis Taipei, le ministre des Affaires étrangères Joseph Wu condamnait cette décision « qui ignore la sincère amitié entre les deux pays ».
Aux Tuvalu, la récente élection d’un nouveau premier Ministre pourrait représenter une autre occasion pour la Chine d’isoler davantage Taiwan. « Il ne faudrait pas grand-chose pour que l’Etat des Tuvalu revoie ses positions», affirme Jonathan Pryke du think tank australien Lowy Institute. Taiwan contribue au budget annuel de l’île à hauteur de 7,06 millions de $ : un montant que Pékin n’aurait aucune difficulté à dépasser.
Et la Chine ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : si la présidente Tsai Ing-wen du parti indépendantiste (DPP) est réélue aux présidentielles de janvier 2020, Pékin s’efforcera de faire fermer les 15 ambassades restantes. Depuis l’arrivée au pouvoir de Tsai en 2016, Pékin a intensifié ses efforts et a grossi le montant de ses chèques aux partenaires de Taiwan. Cela a porté ses fruits au Salvador, au Burkina Faso, en République dominicaine, à Panama et São-Tomé-et-Príncipe.
Mais cette stratégie chinoise visant à mettre la pression maximale sur Taiwan avant les élections ne serait-elle pas contreproductive pour Pékin ? En effet, en lui volant ses alliés, la Chine se rend impopulaire auprès des électeurs taïwanais, rendant ainsi la tâche difficile aux candidats partisans d’un rapprochement avec le continent ; qui déjà n’ont pas la cote au regard des événements à Hong Kong. De plus, la Chine risque d’envenimer un peu plus ses relations avec les États-Unis. L’Australie et la France, entre autres, s’inquiètent aussi de cette montée en puissance chinoise dans la région, qui pourrait être un tremplin pour son influence militaire dans le Pacifique.
Un mardi après-midi de février dans le district de Linqu (Shandong), Hu Guangzhou, fermier de 55 ans, passa en se déhanchant, comme sur une piste de danse, cigarette au bec et casquette kaki de travers, poussant une brouette. Il s’arrêta devant l’un des multiples chantiers du village : en le voyant, le contremaître soupira, sachant ce qui allait suivre. Comme pour le saluer lui et les maçons, Hu accentua son éternel sourire béat. Puis, tout en s’épongeant le front, il se mit à se servir en briques sur la pile de matériaux de construction, les entassant sur son une-roue. Il ajouta une série de voliges et poutres profilées, les soulevant facilement malgré leur poids, avec une force qu’on n’eût pas soupçonnée vu sa carrure émaciée. Le patron le laissait faire, faute de choix : en tant qu’idiot du village, Hu était aussi son protégé, et puis « une brouettée de briques, ça n’allait pas chercher loin ». L’intelligence simple de sa jeunesse avait quitté Hu 10 ans plus tôt, peu après la mort de ses deux frères lors d’un accident de la route, l’un tué sur le coup, l’autre quelques mois plus tard de complications.
Hu repartit d’un pas gaillard, conservant sa caractéristique démarche dansante, que la brouette faisait tanguer encore davantage. Sur son chemin, hommes et femmes le saluaient affablement – mais les enfants, derrière lui, se moquaient plus ou moins discrètement. Plus personne dans le village ne prenait la peine de lui demander l’objet de son innocente chapardise. Ils savaient que Hu Guangzhou répondrait, comme à chaque fois, que c’était pour la maison de ses frères, celle qu’il leur offrirait quand ils reviendraient : « il fallait qu’elle soit prête, pour les recevoir avec fastes lorsqu’ils rentreraient glorieux au village (衣锦还乡, yì jǐn huán xiāng) ».
Arrivé devant sa fermette, héritée de ses parents, il la prolongea vers une seconde construction – sa création, à la vision extraordinaire et fantasmagorique. Un corps principal en forme de soupente s’étirait, fait de briques et de moellons jointés de terre glaise, dont les portes et fenêtres protubéraient grossièrement des murs irréguliers. La technique précaire aurait émané une atmosphère inquiétante, sans le vieux lampion rouge de soie délavée et les multiples échelles faites de robustes branches de peupliers et de petits rondins, qui tenaient lieu d’escaliers. Car le bâtiment était flanqué d’une vaste tour faite de planches, madriers et tous les matériaux que Hu avait pu récupérer depuis le début des travaux, immédiatement après la disparition de ses frères. Avec des planchers et des plafonds aléatoires et jamais droits, chacun des sept étages s’inclinait dans un sens opposé et alterné, pour compenser la pente et retrouver l’équilibre. Poutres et solives non sciées aux extrémités pointaient aux quatre horizons, donnant l’effet d’un palais de fantôme et d’une architecture directement inspirée du Château Ambulant du célèbre Miyazaki. Sans s’en rendre compte, Hu avait créé une œuvre unique défiant les règles de l’architecture. Depuis lors, curieux et touristes venaient toujours plus nombreux, et le reportage du Qilü Wanbao, le journal local, à propos de cette surprenant bâtisse avait récolté plus de cinq millions de vues sur internet. La plupart s’amusent et se réjouissent de ce déploiement d’imagination défiant les règles, l’école et la norme, et suivant davantage les forces telluriques et le niveau à bulle interne de Hu dans sa douce démence.
Cependant, les villageois vivant autour de lui s’inquiétaient. Et si la maison s’écroulait, comme cela devrait inéluctablement arriver, et s’il devait y avoir des morts ? En tout cas, pour la petite commune, ce serait une perte de face assez lourde : elle deviendrait la risée de la région et pourrait perdre sa crédibilité en même temps que ses subventions. Ses plans de développement seraient alors remis en cause, la bretelle d’autoroute vers Qingdao, l’usine de conditionnement du riz… Bref, il était urgent de faire abattre l’ouvrage, avant que le malheur n’advienne…
C’est alors que le maire et le secrétaire du Parti, discrètement avertis par le contremaître du larcin de Hu ce matin-là, vinrent le voir – à bord de leur Audi grand standing – le chauffeur restant en bas, sortant son chiffon et son plumeau pour un petit lustre de passage. Gravissant les échelles, ils cueillirent ce pauvre bougre de Hu à son 5ème étage, en train de ravauder, avec sa truelle et une auge de béton, un mur, qui s’il tombait, ferait probablement chuter toute la maison. Suant sous l’effort dans son costume deux-pièces, le secrétaire l’admonesta : « écoute, Hu, pourquoi t’obstines-tu à ne pas reconnaître les faits ? Tes frères sont morts et ne reviendront pas. Toi, tu vis de notre charité, des 1050 yuans par mois de subvention, sans compter les « mantou » (petits pains étuvés) qui te sont donnés gratuitement, et ta prime de 300 yuans réunis par collecte publique, pour te permettre de passer dignement chaque nouvel an chinois,… Mais vois-tu, ta maison, elle nous fait du tort ».
« Mes frères sont en chemin, répondit sobrement le paysan simplet, je le sens. Je ne peux leur manquer de respect. Et puis je ne vis pas que de vous, je cultive aussi mes légumes, je repique tous les ans ma rizière, je ne travaille ici qu’à mes moments libres ».
« Et tu n’as pas envie de te reposer ? Nous avons une place pour toi au foyer du troisième âge… Là, tu serais nourri, soigné et bien traité. Cela nous rassurerait tous ! »
« Mais qu’est-ce que je ferais pendant tout ce temps ? Je m’ennuierais à mourir ! Et la maison, qui la tiendrait en état, pour qu’elle ne tombe pas ? »
Alors les deux édiles se regardèrent, un peu embarrassés. Car effectivement, c’était le plan, si Hu partait, la première chose que ferait le village, serait d’abattre la tour… De retour à la mairie, face à la presse, le maire bon enfant finit par dire : « on a tout essayé pour le dissuader, mais il n’y a rien à faire. Nous avons décidé que tant qu’il ne dépassera pas les bornes, nous ne laisserons œuvrer à son rêve ».
Qu’admirer le plus ? La fidélité obtuse du paysan envers ses frères disparus, couplée à son étrange instinct de bâtisseur, ou bien la magnanimité des autorités locales ? Cette jolie histoire jette en tout cas une lumière fraîche et savoureuse sur les liens forts unissant à travers la Chine, les communautés villageoises.
22 septembre – 6 octobre, Pékin : China Open de Tennis
24 – 26 septembre, Shanghai : Automotive Testing Expo China, Salon du test, de l’évaluation et de l’ingénierie de la qualité dans les composants automobiles
25 – 27 septembre, Shanghai : CHIC – China International Fashion Fair, Salon international de la mode
25 – 27 septembre, Shanghai : Intertextile, Salon international du vêtement et de l’accessoire
26 – 27 septembre, Shanghai : Interfilière, Salon international de la mode
25 – 27 septembre, Shanghai : Texcare International Asia, Salon mondial du traitement des textiles modernes
09 – 10 octobre, Pékin : Oil & Gas Council China Assembly, Assemblée générale du Conseil pour le pétrole et le gaz en Chine
09 – 11 octobre, Shanghai : Seatrade Cruise Asia Pacific, Salon asiatique entièrement consacré à l’industrie de la croisière
10 – 12 octobre, Shenzhen : CIE – China International Internet & E-Commerce Expo, Salon et Forum Internationaux sur l’internet et le e-commerce
10 – 12 octobre, Shenzhen : CILF – China International Logistics And Transportation Fair, Salon international de la logistique et du transport
10 – 12 octobre, Shanghai : CIHS – China International Hardware Show, Salon du bricolage, jardinage et outillage
10 – 12 octobre, Nanchang : API China / China-Pharm, Salon chinois de l’industrie pharmaceutique et cosmétique
10 – 13 octobre, Tianjin : China Helicopter Exposition, Salon International et convention d’affaires des hélicoptères civils
10 – 13 octobre, Shanghai : Music China, Salon international des instruments de musique et des services connexes
10 – 13 octobre, Shanghai : Prolight + Sound Shanghai, Salon international des technologies de l’événementiel et de la communication, de la production et du divertissement
11 – 13 octobre, Pékin : Beijing Beauty Expo, 35ème salon dédié à la cosmétique et à la santé
14 octobre, Lausanne (Suisse) : Conférence d’Éric Meyer : L’Europe face à la Chine , Comment vivre ensemble ou se défendre comme continent et individu, Inscription avant le 10 octobre en cliquant ICI
14-16 octobre, Tianjin : Ice Cream China, le 22ème salon international de la glace et des produits surgelés
15 – 17 octobre, Meishan (Chengdu) : NEPCON West China, Salon international de l’électronique et de la micro-électronique
15 octobre – 04 novembre, Canton : Canton Fair – China Import and Export Fair, Foire internationale qui se divise en trois phases :
- Phase 1, 15 – 19 octobre : produits électriques, électroniques, et industriels
- Phase 2, 23 – 27 octobre : produits d’épicerie, d’ornement, cadeaux, jeux et meubles
- Phase 3, 31 octobre – 4 novembre : produits d’habillement, chaussures, accessoires
16 – 18 octobre, Shanghai : Agrochemex, Salon international de l’agrochimie
16 – 18 octobre, Shanghai : China Kids Expo, Foire internationale des produits pour bébés et enfants
18 – 21 octobre, Foshan : CERAMbath, Salon de la céramique et des sanitaires
19 – 20 octobre, Pékin : Chine Education Expo, Salon international de l’éducation et des formations supérieures
19 – 22 octobre, Shanghai : CMEF-China Medical Equipment Fair/ICMD, Salon des équipements médicaux
20 – 23 octobre, Shenzhen : International Gifts And Home Products Fair, Salon international du cadeau et des produits pour la maison