Politique : Le contrôle resserré de l’avant-Congrès

A cinq semaines du XIX. Congrès, l’écart entre les grands titres anodins de la presse et les soubresauts perceptibles au sein des grands corps de l’Etat et de l’armée, sont stupéfiants.

Au sein de la « nouvelle grande muraille » (我们的心长城) – l’Armée populaire de Libération – le chambardement avait débuté en 2015 par une coupe dans les troupes : 300.000 soldats limogés dans les services non-combattants, les régions militaires remodelées, et des masses d’officiers arrêtés pour corruption (passe-droits sur les usines, lots de sol, de mer ou d’espace aérien de l’APL)… Deux patrons de l’APL plongeaient en 2016 : Xu Caihou et Guo Boxiong (l’un condamné à perpétuité, l’autre mort en détention, d’un cancer du pancréas), qui se trouvaient incidemment avoir été proches de Bo Xilai et de Zhou Yongkang, rivaux du Chef de l’Etat.

Mais voilà que parmi les 303 délégués de l’APL au Congrès, Fang Fenghui l’ex-Commissaire politique de l’APL, et Zhang Yang, l’ex-chef d’Etat-major, deux membres de la Commission Centrale Militaire (CMC), manquent à l’appel. Fang était en avril assez en cour pour accompagner Xi Jinping lors de sa visite à Donald Trump aux Etats-Unis. Désormais, tous deux sont sous enquête. 

Une charrette d’autres officiers supérieurs les suit : Jia Tingan, Du Hengyan et Wu Changde, ex-bras droits de Fang Fenghui, Du Jincai l’ex-chef anti-corruption à l’APL, Cai Yingting, l’ancien président de l’académie militaire. Au total, sur les 11 membres de la CMC sortante, entre limogeages et départs en retraite, 7 pourraient disparaître, dont 6 non remplacés. La CMC n’aurait plus qu’un président (Xi Jinping) et 4 vice-présidents. Lesquels ? Ils font sans doute partie des 5 chefs de l’APL nommés depuis janvier : Li Zuocheng chef du département interarmes, Miao Hua commissaire politique, Han Weiguo, patron de l’infanterie, Ding Lahang, celui de l’aviation et Shen Jinlong, commodore de la marine. Ces nouveaux chefs ont la confiance de Xi, et trois point communs : leur âge (59 à 63 ans), une expérience d’active (Li Zuocheng est vétéran de la guerre sino-vietnamienne de 1978), et de ne pas être membres du Comité Central. Pour la désignation des leaders de l’armée, Xi vient ainsi d’imposer à la caste dirigeante, l’abandon du vieux principe de cooptation de « fils de familles ». Récompensant le mérite, il se met ainsi à l’écoute des hommes de terrain.

On peut aussi deviner, dans cette CMC à voilure réduite, une stratégie constante de Xi, face aux organes de l’Etat qu’il dirige depuis 2012 : il les « phagocyte ». Le Conseil d’Etat et les groupes de travail du Comité Central perdent leurs dossiers, repris par les Commissions Centrales créées par Xi. La prochaine étape pourrait être l’élimination pure et simple du Comité Central, et d’autres réductions des compétences du Premier ministre, du Conseil d’Etat.

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Ce tour de vis de l’exécutif sur l’armée, se retrouve dans les organes de pouvoir et la société civile. L’administration des églises voit son règlement, vieux de 12 ans, remis à jour au nom des changements forts en cours dans le domaine de la foi.

On comprend bien le problème du régime, face à l’échec de sa gestion des églises dont les vocations explosent, contrairement à celles du PCC. Les seuls protestants, selon le chercheur Yang Fenggang, de l’Université Purdue (USA) se comptent désormais entre 93 et 115 millions (plus que les 82 millions de membres du Parti). Mais de cet immense troupeau de fidèles, à peine 30 millions fréquentent l’église officielle, les autres se rendent dans les églises de l’ombre. Un fonctionnement qui ne va pas sans prolifération de sectes, ni de scandales et abus. Le problème tient à l’absence d’autonomie des églises, indispensable pour leur permettre de débusquer leurs faux prophètes, et assurer au grand jour une formation solide du clergé, ce que la clandestinité a plus de mal à faire.

Hélas, le futur cadre réglementaire, d’active dès février 2018, aura bien du mal à atteindre les objectifs de l’Etat. Basé sur les mêmes outils que le précédent cadre, il promet plus de contrôles tatillons et de répression, policière ou fiscale—qui n’ont pas fonctionné jusqu’alors. Prédicateurs et cadres des églises de l’ombre risqueront jusqu’à 200.000¥ d’amende. L’Etat veut taxer ces paroisses grises, mais sans oser les décapiter : elles sont trop nombreuses et de plus, le régime est bien forcé de reconnaître qu’elles assurent leur part de la stabilité sociale, en prêchant leur morale et en conduisant leurs œuvres… Aussi la police se borne à frapper les paroisses trop voyantes. A contrario, elles réagissent en étalant les cultes sur la semaine, et subdivisant de grands groupes WeChat en sous-groupes de 50 membres.

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Pas par hasard, l’administration cybernétique (CAC) ordonnait le 7 septembre aux réseaux sociaux d’octroyer à tout abonné une note morale. Couplé à l’obligation (depuis août) aux usagers de s’inscrire sous leur véritable identité pour accéder aux forums de discussion, ce mécanisme permettra de punir tout dissident par une baisse de la note, suivie d’un refus de service. Par exemple, l’internaute trop critique sur WeChat pourra perdre son droit à utiliser cette application pour payer. Par extension, on peut s’attendre à ce que tout comportement déviant sur un seul réseau social, entraîne la radiation de tout les services de e-paiement.

Ainsi, voit-on apparaître les bases d’un crédit social régissant la vie des citoyens selon leur obédience. A moins que ce système totalement inédit, ne se révèle intenable à l’usage.

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1 Commentaire
  1. severy

    La Grande Muraille du coeur… (ligne 8) fera craquer le système trop étriqué que le régime veut imposer à ses citoyens. Je n’en doute pas.

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