Le Vent de la Chine Numéro 31 (2017)

du 17 au 23 septembre 2017

Editorial : Corée du Nord – Coup de couteau dans l’eau

Le 11 septembre au siège de l’ONU, les membres du Conseil de Sécurité se félicitaient après leurs sanctions à la Corée du Nord, suite à son méga-test nucléaire (3 septembre). S’arrachant à leur paralysie, ces nations si différentes estimaient avoir enfin réussi à trouver un accord « solide » et unanime.

Toutes sanctions cumulées (anciennes et nouvelles), Pyongyang perdait 90% de ses exportations de textile (un marché de 726 millions de $) et son droit à exporter de la main d’œuvre. Elle subissait également un embargo partiel et progressif sur le pétrole brut et produits dérivés (-30%), et total sur le gaz naturel. Elle ne recevrait plus que 2 millions de baril par an, via le pipeline chinois Dandong-Sinuiju, exempté de l’embargo sous la pression de Pékin et Moscou. En effet, il fallait éviter de pousser Pyongyang au désespoir. En même temps, Chine et Russie réitéraient leur hostilité bien connue à tout changement de régime, toute attaque militaire, tout réunification immédiate et tout franchissement de la Zone Démilitarisée.  En arrachant l’exemption de son oléoduc, Pékin obtenait un avantage considérable : devenant le fournisseur exclusif d’or noir à Pyongyang, elle augmentait considérablement son bras de levier potentiel sur le Pays du Matin Calme.

Quelles seront les conséquences du blocus ? Il va évidemment bloquer l’essentiel de, voire toute la croissance nord-coréenne—à condition que tous les pays membres de l’ONU le respectent, et que la Corée ne trouve pas moyen de le contourner—par exemple en réétiquetant ses cotonnades comme « made in China ». Sans nul doute, le pays va souffrir, surtout sa population qui aura plus de mal à s’éclairer, faire sa cuisine ou se déplacer.

Par contre, les espoirs de D. Trump de contraindre Kim Jong-un à renoncer à la bombe, relèvent plus du rêve que de la réalité. Fanatisée, la population est prête à tous les sacrifices. En outre depuis 30 ans, le pays a évolué vers plus d’autonomie : les bus roulent au gazogène, les balcons portent des panneaux solaires, et le pays investirait dans la liquéfaction du charbon (une ressource abondante). De la sorte, selon l’AIE, la demande électrique nord-coréenne a baissé de moitié par rapport aux années ‘90. 

Pékin est surement sincère dans son appel contre la guerre et le chaos. Outre le risque nucléaire sur son propre sol, elle risquerait de voir Pyongyang, avec ses 70 mini-sous-marins, bloquer la route du pétrole arabe vers Chine, Corée du Sud et Japon, 34% du marché mondial.

Mais contestant la thèse officielle chinoise, le professeur Jia Qingguo, de l’Université Beida, plaide qu’il est temps de se préparer avec les Etats-Unis à une guerre inévitable, de négocier le partage des tâches. Quelle armée pénétrerait en Corée du Nord ? L’APL, l’US Army, ou les deux ? Comment prévenir l’afflux de réfugiés ? Jia parle de faire créer par l’APL des camps dans une zone-tampon en Corée du Nord. Et surtout, quel régime en Corée du Nord pour remplacer l’actuel ? Questions qu’il laisse sans réponse… Quoique improbable, la coopération qu’appelle Jia, exprime les doutes à travers la Chine, sur la valeur d’une alliance avec la Russie, sur le dossier coréen. Jia rappelle, au fond, que sur l’influence future sur la Corée du Nord, qui est le nœud du problème, Pékin et Moscou sont moins alliés, que rivaux !

Néanmoins, les nouvelles sanctions votées au Conseil de Sécurité le 11 septembre ne semblent pas avoir eu grand effet. La preuve : 100 heures après (15 septembre), Pyongyang lançait un nouveau missile sur une trajectoire de 3700km vers le Pacifique – à portée de l’île américaine de Guam. C’est de plus en plus clair, un pays puissance nucléaire, armé jusqu’aux dents et n’ayant rien à perdre, ne se laissera pas « pacifier » comme cela. Inutile de le dire, la paix est encore loin.


Automobile : Le grand pari de l’EV

Il  se passe de grandes choses en Chine dans le secteur de l’auto électrique (« EV »), filière d’avenir qui va redistribuer les cartes au niveau mondial. 

Bref rappel : voici 20 ans que l’administration et les constructeurs chinois se battent, sur leur propre marché, pour prendre la 1ère place aux leaders mondiaux d’Europe, d’Amérique, du Japon et de Corée, dans le secteur du moteur à explosion—en vain. Sur ce marché mature, les places sont prises, et les détenteurs défendent leurs prés carrés.

Changeant son fusil d’épaule, Pékin a alors opté pour cette autre politique : forcer sur son territoire un passage à la technologie EV, que les autres gardaient sous le boisseau, s’imposer en leader, puis exporter en position dominante. Les moyens ont consisté en un flot de primes à l’achat de modèles locaux, jusqu’à 55.000¥ par voiture électrique et 100.000¥ par hybride. Dès 2016, le but était atteint : le pays produisait et vendait plus de 500.000 EV, 53% des ventes mondiales. Mais, revers de la médaille, les acheteurs étaient souvent des administrations (ventes forcées), et la technologie, souvent bas de gamme. De même, un nombre de fraudes eurent lieu—c’était attendu.

À présent, une seconde phase se met en place par le biais de deux standards de régulation. Le premier, nommé « CAF-C », veut forcer les ténors étrangers à « siniser » leurs brevets et à produire sur place, pièces et voitures. De plus, en 2020, les primes seront épuisées. Cela forcera une montée en qualité, écartant progressivement les constructeurs amateurs.

De type « écologique », le second, « NEV », impose à tous les constructeurs en Chine de sortir de leurs chaînes au moins 10% de véhicules en version EV (donc 90% max en version essence) d’ici 2019. Si le constructeur n’atteint pas l’objectif, il devra racheter des crédits d’émissions au constructeur ayant fait mieux que lui,  à qui chaque point de dépassement du quota conférera des crédits. On l’a compris, les groupes chinois, cette fois, sont en avance : ce sont eux qui de facto se feront subventionner par les étrangers.

Dans cette situation entièrement nouvelle, les groupes étrangers sont arrachés à leur torpeur : Ford s’unit avec Zotye (Zhejiang), VW avec JAC (Anhui), et Daimler et GM avec BAIC (Pékin) et SAIC (Shanghai). Selon les experts, Ford et VW ont choisi un partenaire plus petit qu’eux, dans l’espoir de limiter au maximum le transfert de technologies…

Or, le 29 août, l’alliance Renault-Nissan semble aller à contresens de cette stratégie d’autodéfense. Avec Dongfeng, son partenaire en véhicules à essence, elle crée sa JV électrique, eGT, pour produire des plateformes (châssis, essieux, roues motrices et boites de vitesses…) SUV de segment A, pour petits 4×4 urbains ultra-connectés. L’investissement sera supporté à 25% par Renault, 25% par Nissan et 50% par Dongfeng, conformément à la loi chinoise. Le pari, ici, tient au fait pour les trois groupes, de mettre en commun leurs technologies EV. Autre caractéristique de la JV, inédite entre groupes occidentaux et chinois : Dongfeng, Nissan et Renault recevront ces plateformes dès 2019, et les carrosseront et habilleront selon leur propre style. « Chaque marque jouera sa carte », commente Ch. de Charentenay, le vice-président d’eGT.

À bien y réfléchir, les conséquences de ce choix de modèle de JV seront considérables dans l’opinion chinoise. Pour l’instant, les marques étrangères, perçues comme plus fiables ont la préférence des clients chinois. Mais toute voiture basée sur cette plateforme eGT sera de qualité identique, et sa « nationalité » passera au second plan. Elle sera une voiture « sure », et résultat d’une coopération internationale.
Une autre priorité pour eGT, est la traque des coûts – la JV veut reproduire le succès mondial de la Logan, sous la formule « équipement maximum, prix minimum ». 80 ingénieurs de eGT dessinent à Wuhan les sous-ensembles de la plateforme, qui seront ensuite commandés localement. « Sans transiger sur la qualité, prévient de Charentenay, nous sélectionnerons le moins cher. Nous visons une gamme de modèles attractifs, au plus bas coût, mais en aucun cas bas de gamme ». Dans la même recherche de réduction des coûts, l’usine se trouve à Shiyan dans le Hubei, province à bas salaire. À ce stade, Renault-Nissan comme Dongfeng restent muets sur les objectifs, pourtant déjà définis. Ce sera aux marques de présenter leurs modèles en 2019, dont eGT sortira à terme 120.000 unités/an.

Mais pourquoi donc l’alliance, à l’inverse de presque tous les acteurs étrangers, ose-t-elle mettre à disposition du partenaire sa technologie d’EV pour SUV du segment « A », ses années d’avance en recherche ?

Une réponse de l’Alliance, est que Dongfeng dispose déjà d’une technologie présentable, lui permettant de commercialiser dès maintenant un E-SUV d’une autonomie de 400km. D’autre part, ajoute de Charentenay, l’alliance Renault-Nissan n’a pas le choix : le 1er producteur mondial d’EV qu’elle est, avec plus de 400.000 unités sur les routes (hors hybrides), ne peut se permettre de rester hors de ce marché d’avenir.

Ainsi, pour le groupe français, rentrer en Chine par la voiture électrique, permettra un nouveau départ. Pour réussir, l’Alliance ne peut pas lésiner sur les moyens, ni hésiter à se faire bien voir de l’administration chinoise, au risque de passer dans la profession pour la victime consentante  d’une spoliation chinoise de la propriété intellectuelle mondiale. Mais l’Alliance répondra peut-être qu’Airbus, 10 ans plus tôt, faisait la même chose en créant sa chaîne de montage d’A320 à Tianjin, passant outre la déception de Boeing : aujourd’hui, le consortium européen ne s’en porte pas plus mal.


Politique : Le contrôle resserré de l’avant-Congrès

A cinq semaines du XIX. Congrès, l’écart entre les grands titres anodins de la presse et les soubresauts perceptibles au sein des grands corps de l’Etat et de l’armée, sont stupéfiants.

Au sein de la « nouvelle grande muraille » (我们的心长城) – l’Armée populaire de Libération – le chambardement avait débuté en 2015 par une coupe dans les troupes : 300.000 soldats limogés dans les services non-combattants, les régions militaires remodelées, et des masses d’officiers arrêtés pour corruption (passe-droits sur les usines, lots de sol, de mer ou d’espace aérien de l’APL)… Deux patrons de l’APL plongeaient en 2016 : Xu Caihou et Guo Boxiong (l’un condamné à perpétuité, l’autre mort en détention, d’un cancer du pancréas), qui se trouvaient incidemment avoir été proches de Bo Xilai et de Zhou Yongkang, rivaux du Chef de l’Etat.

Mais voilà que parmi les 303 délégués de l’APL au Congrès, Fang Fenghui l’ex-Commissaire politique de l’APL, et Zhang Yang, l’ex-chef d’Etat-major, deux membres de la Commission Centrale Militaire (CMC), manquent à l’appel. Fang était en avril assez en cour pour accompagner Xi Jinping lors de sa visite à Donald Trump aux Etats-Unis. Désormais, tous deux sont sous enquête. 

Une charrette d’autres officiers supérieurs les suit : Jia Tingan, Du Hengyan et Wu Changde, ex-bras droits de Fang Fenghui, Du Jincai l’ex-chef anti-corruption à l’APL, Cai Yingting, l’ancien président de l’académie militaire. Au total, sur les 11 membres de la CMC sortante, entre limogeages et départs en retraite, 7 pourraient disparaître, dont 6 non remplacés. La CMC n’aurait plus qu’un président (Xi Jinping) et 4 vice-présidents. Lesquels ? Ils font sans doute partie des 5 chefs de l’APL nommés depuis janvier : Li Zuocheng chef du département interarmes, Miao Hua commissaire politique, Han Weiguo, patron de l’infanterie, Ding Lahang, celui de l’aviation et Shen Jinlong, commodore de la marine. Ces nouveaux chefs ont la confiance de Xi, et trois point communs : leur âge (59 à 63 ans), une expérience d’active (Li Zuocheng est vétéran de la guerre sino-vietnamienne de 1978), et de ne pas être membres du Comité Central. Pour la désignation des leaders de l’armée, Xi vient ainsi d’imposer à la caste dirigeante, l’abandon du vieux principe de cooptation de « fils de familles ». Récompensant le mérite, il se met ainsi à l’écoute des hommes de terrain.

On peut aussi deviner, dans cette CMC à voilure réduite, une stratégie constante de Xi, face aux organes de l’Etat qu’il dirige depuis 2012 : il les « phagocyte ». Le Conseil d’Etat et les groupes de travail du Comité Central perdent leurs dossiers, repris par les Commissions Centrales créées par Xi. La prochaine étape pourrait être l’élimination pure et simple du Comité Central, et d’autres réductions des compétences du Premier ministre, du Conseil d’Etat.

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Ce tour de vis de l’exécutif sur l’armée, se retrouve dans les organes de pouvoir et la société civile. L’administration des églises voit son règlement, vieux de 12 ans, remis à jour au nom des changements forts en cours dans le domaine de la foi.

On comprend bien le problème du régime, face à l’échec de sa gestion des églises dont les vocations explosent, contrairement à celles du PCC. Les seuls protestants, selon le chercheur Yang Fenggang, de l’Université Purdue (USA) se comptent désormais entre 93 et 115 millions (plus que les 82 millions de membres du Parti). Mais de cet immense troupeau de fidèles, à peine 30 millions fréquentent l’église officielle, les autres se rendent dans les églises de l’ombre. Un fonctionnement qui ne va pas sans prolifération de sectes, ni de scandales et abus. Le problème tient à l’absence d’autonomie des églises, indispensable pour leur permettre de débusquer leurs faux prophètes, et assurer au grand jour une formation solide du clergé, ce que la clandestinité a plus de mal à faire.

Hélas, le futur cadre réglementaire, d’active dès février 2018, aura bien du mal à atteindre les objectifs de l’Etat. Basé sur les mêmes outils que le précédent cadre, il promet plus de contrôles tatillons et de répression, policière ou fiscale—qui n’ont pas fonctionné jusqu’alors. Prédicateurs et cadres des églises de l’ombre risqueront jusqu’à 200.000¥ d’amende. L’Etat veut taxer ces paroisses grises, mais sans oser les décapiter : elles sont trop nombreuses et de plus, le régime est bien forcé de reconnaître qu’elles assurent leur part de la stabilité sociale, en prêchant leur morale et en conduisant leurs œuvres… Aussi la police se borne à frapper les paroisses trop voyantes. A contrario, elles réagissent en étalant les cultes sur la semaine, et subdivisant de grands groupes WeChat en sous-groupes de 50 membres.

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Pas par hasard, l’administration cybernétique (CAC) ordonnait le 7 septembre aux réseaux sociaux d’octroyer à tout abonné une note morale. Couplé à l’obligation (depuis août) aux usagers de s’inscrire sous leur véritable identité pour accéder aux forums de discussion, ce mécanisme permettra de punir tout dissident par une baisse de la note, suivie d’un refus de service. Par exemple, l’internaute trop critique sur WeChat pourra perdre son droit à utiliser cette application pour payer. Par extension, on peut s’attendre à ce que tout comportement déviant sur un seul réseau social, entraîne la radiation de tout les services de e-paiement.

Ainsi, voit-on apparaître les bases d’un crédit social régissant la vie des citoyens selon leur obédience. A moins que ce système totalement inédit, ne se révèle intenable à l’usage.


Agroalimentaire : La guerre du fromage

En juin, l’AQSIQ, l’autorité de contrôle des aliments étrangers, annonça discrètement que les fromages à pâte molle ou persillée étaient bannis. Depuis lors, 5465 tonnes de fromages saisis à divers points d’entrée du territoire chinois, ont été détruits. Excepté quelques types danois (Danablu), britannique (Stilton) ou italien (Gorgonzola), la majorité des guillotinés étaient français – adieu, Brie, Roquefort ou Camembert !

Mystérieusement, l’AQSIQ n’a pas expliqué sa décision, et l’a même censurée. Un seul article est paru dans la presse locale, qui se bornait à annoncer le fait sans commentaire. Ce sont les exportateurs qui ont annoncé la nouvelle, avec discrétion pour éviter les retours de flamme. Le flou règne sur la raison de l’interdiction, nul incident de santé ou de qualité des fromages n’ayant été signalé en 2017. Suggérée par un biologiste, une piste pourrait consister en l’ignorance des pouvoirs publics sur la différence entre micro-organismes dont le fromage fourmille, et agents pathogènes dont il est exempt.

Pour des professionnels étrangers, la cause première de cette mise au ban est le protectionnisme. Cela peut paraitre paradoxal, la Chine n’ayant pas de fromages propres en concurrence avec les importés, et cette importation minuscule concerne la restauration et une clientèle essentiellement expatriée.
Un précédent a pu servir de modèle—la mise au ban du Roquefort aux Etats-Unis en 2009. Après des mois de blocage, l’administration américaine avait pu s’en servir comme « monnaie d’échange » pour grapiller des concessions commerciales sur d’autres chapitres en litige.

L’imminence du XIX. Congrès d’octobre peut également jouer – moment où les cadres reçoivent leur promotion, en fonction de leur ardeur au service du peuple. En ce cas, le responsable de la mesure peut prétendre avoir agi pour la protection du consommateur, contre les prétendus  dangers bactériologiques du fromage. Il peut aussi se targuer d’avoir modestement contribué à la lutte contre les sorties de devises, ce qui est une des priorités du régime cette année.

D’ailleurs, fait significatif, loin de s’en prendre qu’au fromage, la campagne a visé cet été une large gamme de produits étrangers qualifiés de « hors-normes ». Quinze produits de types différents furent retournés ou détruits, légumes, biscuits, fruits de mer, sodas ou chocolats en provenance de 34 pays dont Canada, Allemagne ou Australie. 

Cette guéguerre va-t-elle s’éterniser ? L’Union Européenne en tout cas n’a pas attendu pour se saisir du cas, réclamant les raisons du mystérieux interdit, et contestant la conformité du procédé, aux règles de l’OMC.

 


Société : Vélos partagés – Un pas vers l’âge adulte ?

Pour le vélo partagé, une page se tourne. Finie l’accumulation aveugle de deux-roues de toutes couleurs sur les trottoirs ! Pékin vient de rejoindre 10 métropoles, pour bannir tout nouvel apport à leur parc existant.

Depuis 2015, 70 groupes dont Mobike (Tencent), Bluegogo et Ofo (Alibaba) bataillaient pour occuper le terrain et s’accaparer les clients. 16 millions de bicyclettes étaient déversées sur les trottoirs de 100 villes. Nombre de ces vélos finissaient selle volée ou pneus crevés, déposés à la sauvage jusqu’au bord des autoroutes. Mais les firmes trouvaient plus facile de les changer que de les entretenir.

Selon le bureau shanghaien I-Media, 2017 sera l’année de l’explosion de ce marché, atteignant 1,58 milliard de $ (+736%), et du nombre des usagers à 200 millions (+646%). L’interdiction d’accroître le nombre de vélos équivaut à admettre que ce modèle anarchique ne peut durer. Cet été, le sabotage mit en faillite trois entreprises du secteur. Les vélos était sabotés par la concurrence, par des riverains excédés, ou bien par l’usager pour se l’approprier.

Désormais Ofo et Mobike, solides avec leur capitalisation de plus d’un milliard de $ chacun, coopèrent activement avec les mairies – après s’être fait confisquer chacune des dizaines de milliers de vélos. Abandonnant le principe du « va n’importe où, gare-toi n’importe où », ils signent des accords d’espaces de parking avec les mairies. Ofo inflige des points négatifs aux usagers abusifs, et nomme des chefs de quartier pour faire la discipline. On voit surgir des comités citoyens bénévoles (cf photo), pour détecter les vélos mal garés ou hors d’usage, prendre sur le fait les délinquants et leur faire la morale. Clairement après un an d’anarchie, la Chine de la rue est prête à accepter des règles pour mieux se conduire à vélo partagé.

Revers de la médaille : à mesure que la petite reine communautaire s’impose, le vélo privé recule. Quoique plus performant et plus sophistiqué, ses ventes ont baissé de 50%, et ses prix du tiers. Nombre d’usines ferment. Le vélo individuel est menacé dans son existence, sauf peut-être le vélo de sport et celui haut de gamme. Mais la messe n’est pas encore dite : tout dépend du gouvernement, qui pourrait vouloir « remettre en selle » le vélo privé, et sauvegarder la coexistence entre ces deux types de bicyclettes.


Petit Peuple : Hangzhou (Zhejiang) – La longue marche amoureuse de Lin Fen (1ère partie)

A Hangzhou (Zhejiang), le mari de Lin Fen l’avait quittée. Pourtant, elle était coquette, s’habillait à la mode et lui mijotait de bons petits plats… Mais très souvent, il s’excusait de ne pouvoir rentrer dîner sous des prétextes dilatoires. Ayant une confiance aveugle, elle ne s’inquiétait pas de ne pas le voir rentrer de la nuit, très occupé qu’il était avec son travail. Elle était loin de s’imaginer que son tendre époux courait les filles et vivait pleinement son démon de midi. Elle tomba des nues lorsqu’il l’entraîna au bureau des divorces pour lui arracher sa signature sous l’effet de surprise, mettant ainsi un terme à 15 ans de vie commune.

Depuis, Lin Fen se battait courageusement pour résister au gouffre noir de la dépression. Toute son énergie, elle la reportait dans sa boutique de vêtements. Et cela marchait plutôt bien : elle avait du goût et les clientes ne s’y trompaient pas. Ce n’était pas pour rien que Hangzhou, la ville des parcs et villas patriciennes, passait, avec Suzhou, pour « un des deux paradis sur terre » (上有天堂,下有苏杭, shàng yǒu tiān táng, xià yǒu Sū Háng).

Mais à ses yeux, son succès ne comptait pas. Elle redoutait le moment de retourner chez elle le soir, seule dans cet appartement vide qui lui rappelait l’échec de sa vie. Se regardant dans le miroir, elle ne s’accordait aucun compliment sur son allure soignée (robe élégante, maquillage discret, coiffure impeccable). Si elle n’avait pu retenir son homme, nul autre n’irait le remplacer. A 43 ans, sa vie amoureuse s’arrêtait là…

Heureusement, pour la soutenir, il y avait Ma Ping, la fidèle amie. Lin Fen l’avait rencontrée il y a douze ans, alors que Ma travaillait dans la boutique voisine. Ma lui vouait une grande admiration, pour avoir su monter son affaire à la sueur de son front. Ma elle, velléitaire, n’arrivait à rien, et vivait de petits boulots… Lin Fen l’avait souvent dépannée dans des moments difficiles – quand elle avait du se faire opérer par exemple. Ainsi, Ma Ping, voyant bien la souffrance et la solitude de son amie, avait à présent moyen de lui exprimer sa reconnaissance pour sa bonté passée, et elle ne s’en privait pas, tentant de l’aider à franchir cette étape difficile.

Un après-midi d’octobre 2014, Ma Ping avait sorti Lin Fen à une terrasse sur la baie de Hangzhou. Sous un magnifique été indien, elle avait su l’arracher à ses pensées moroses, en lui apprenant une sacrée nouvelle : un de ses copains de 53 ans, PDG d’usine électronique, cherchait à se remarier ! Et quand Ma lui avait montré la photo de Lin, et décrit son tempérament, il avait dit son impatience de faire sa connaissance.

     « Incroyable, avait rétorqué Lin, souriante, et pourquoi pas tout de suite ? »  

     « Ah, pas possible, avait répondu l’amie, il est en mission à Xi’an » – avant d’ajouter, sourire coquin en coin : « mais vous pourriez vous voir à son retour dans trois semaines. En attendant, si tu veux, je lui donne ton portable ». Transfigurée par cet espoir, Lin avait accepté avec plaisir.

Or, divine surprise, dès le lendemain soir, Gao Peng – le PDG – l’appela pour se présenter. D’un timbre un peu aigu, amical, il lui expliqua combien il avait été charmé par son portrait, admiratif de la force déployée à se reconstruire. Veuf, il cherchait une compagne aimante et fiable. Elle était celle qu’il recherchait !

Prudente, s’interdisant de se jeter dans une chimère, Lin Fen l’interrogea sur son passé, sa relation avec sa disparue, son métier, sa famille… Ils bavardèrent ainsi jusqu’à l’aube : au fil des heures, elle sentit sa résistance fondre. Quand ils raccrochèrent, Gao Peng et Lin Fen en étaient à se jurer fidélité, rompant leurs solitudes. Elle voyait se profiler le couple idéal d’êtres sur le retour, toujours romantiques, mais dont la passion serait tempérée par l’âge, bonifiée en tolérance et en complémentarité.

Dans ce qui va suivre cependant, on devra s’interroger : comment Lin Fen avait-elle pu accepter la condition stupéfiante posée par Gao Peng à leur liaison – qu’ils ne se rencontrent jamais physiquement ? En quatre ans de 2014 à 2017, pas une fois put-elle le voir, fût-ce dans la rue, au restaurant, à fortiori dans l’intimité. Au fil des semaines, des mois, par téléphone et WeChat, son amant invoqua d’incessants rendez-vous et missions de prospection pour occulter son visage. Il avait bien sûr aussi ses parents à qui il devait se consacrer, et sa fille (car avant de disparaître des suites d’une longue maladie, sa femme lui avait donné une héritière) dont il devait s’occuper.

Après un temps, une fois qu’il fut certain de la solidité de la relation, il abandonna les prétextes pour lui déclarer tout de go qu’une relation platonicienne lui insufflait tellement plus d’émotions, d’intermittences du cœur… Avec Liang Liang sa disparue, lui confia-t-il, la vie conjugale n’avait pas été aisée, décevante à vrai dire. Avec Lin Fen, Gao Peng voulait à présent réinventer la passion amoureuse. Si elle éprouvait pour lui quoique ce soit de sincère, elle devrait respecter cette attente.

Or, loin de contester cette étrange exigence et de mettre un terme à cette relation, Lin Fen l’admira davantage, et tenta dorénavant de se conformer à cette règle du jeu. Peut-être plus tard, une fois cette phase vécue et menée à terme, tous deux pourraient-ils enfin se retrouver ?

Les espoirs de Lin Fen se réaliseront-ils ? La suite au prochain numéro !

 


Rendez-vous : Semaine du 18 au 24 septembre 2017
Semaine du 18 au 24 septembre 2017

18-21 septembre, Xiamen : CIFIT, Foire internationale de l’investissement et des affaires de Xiamen

19-21 septembre, Shanghai : Automotive Testing Expo China, Salon du test, de l’évaluation et de l’ingénierie de la qualité dans les composants automobiles

19-22 septembre, Pékin : Airport & Air Traffic Expo, Salon sur la gestion des aéroports

19-22 septembre, Pékin : Aviation Expo China, Salon de l’aéronautique

20-21 septembre, Pékin : OIL & Gas Council China Assembly, Assemblée générale du conseil pour le pétrole en Chine

20-21 septembre, Suzhou : VALVE World Expo & Conference Asia, Salon des valves et tuyaux

20-22 septembre, Canton : POLLUTEC China, Salon des solutions technologiques pour la préservation des ressources et l’environnement

20-22 septembre, Shanghai : LED China, Salon mondial de l’industrie des LED

20-22 septembre, Shanghai : SIGN China, Salon international de l’enseigne et de la publicité

21-23 septembre, Pékin : CINME, Salon international des métaux non ferreux

21-23 septembre, Pékin : CIHTE – China International HEAT Treatment Exhibition – Salon international dédié à l’industrie du traitement thermique

21-23 septembre, Canton : FOOD Hospitality World, Salon international de l’alimentation et de l’hôtellerie

21-25 septembre, Shanghai : CDS, China Dental Show, Salon et conférence pour l’industrie dentaire