Petit Peuple : Jinjiang (Jiangsu) : Les débuts mouvementés de Feng Hewei (1ère partie)

Un matin de juin 2014 au réveil, Feng Rudai jubilait de la merveilleuse nuit qu’il venait de passer avec Li Xiaoming, la call-girl du Lotus d’Or à Jinjiang (Jiangsu), ville industrieuse de 2 millions d’habitants. La veille au soir, ce mauvais garçon avait eu la chance de voler un portefeuille bien garni, qui l’avait enrichi d’un coup de patte, de 6 000 yuans, une vraie aubaine. Il était parti fêter ça au Lotus d’or, bouge des bas-fonds du port fluvial, célèbre pour ses tables de jeu, son restaurant ouvert de la nuit à l’aube, et bien sûr, ses jolies filles. Là, il avait retrouvé Li Xiaoming, dont il rêvait depuis des mois, une des plus jolies créatures qu’il connaisse. Auparavant il n’avait jamais osé l’entreprendre, craignant la rebuffade. Mais cette fois, enhardi par son coup de maître comme pickpocket, il l’aborda, l’invita pour un verre et s’étonna de la voir accepter d’un sourire – il réalisa alors qu’elle aussi, depuis longtemps, avait sur lui un œil, le trouvant plutôt joli garçon. Après le dîner, de fil en aiguille, il l’entraîna dans sa collocation –et profitant de ce qu’elle s’était absentée une minute, avait discrètement averti les copains, par téléphone d’aller dormir ailleurs.

La nuit s’était alors révélée folle, le cœur battant la chamade, de sensations stupéfaites dans un univers de plaisirs sans limites. À présent fou d’amour, il voulait tout simplement l’épouser, rien de moins, en commençant par la présenter à ses parents avec qui il venait de se réconcilier après 10 ans de fugue.

À 25 ans, Feng Rudai était un garçon à la dérive. Il était né dans un milieu défavorisé, de parents mariés beaucoup trop jeunes, et qui trimaient comme des fous pour boucler leurs fins de mois. Laissé à lui-même, le petit s’était mis à fuguer. Les maîtres n’avaient rien dit aux parents. Quand Rudai revenait à la maison avec ses notes catastrophiques, tout ce que Zhaoyan, le père, trouvait à faire, était de lui flanquer une correction qui ne faisait que le braquer contre la famille et la société entière. À 15 ans, en 2004, il fut exclu du collège et après l’ultime raclée par son père, en dépit des suppliques de sa mère, il s’était sauvé, se promettant de ne jamais revenir. Depuis 10 ans, il vivotait ainsi en rupture de ban, avec d’autres enfants révoltés comme lui ou chassés du domicile par une catastrophe (père violents, parents morts dans un accident…). Il mendiait, ou se risquait au métier dangereux de pickpocket, chassant en meute avec sa bande de jeunes redoutés – même les policiers lors de leurs rondes, préféraient les éviter. Le soir, il jouait au mah-jong, et buvait bière ou baijiu. Bientôt, il s‘était mis aux drogues qui circulaient en cette ville portuaire. Pour se les permettre, avec les copains, ils les vendaient dans l’ombre des marchés ou du débarcadère des ferries. À plusieurs reprises, il s’était fait prendre, mais toujours pour être relâché en fin de journée en tant que mineur : la police n’ayant pas l’équipement pour emprisonner ces gamins.

À sa grande surprise, presque instantanément, Xiaoming accepta sa demande en mariage : seule elle-même, elle souffrait de la domination des hommes, des clients comme des souteneurs qui la battaient pour s’en faire obéir. Elle se disait que la présence d’un compagnon pourrait lui donner un peu de protection. Et puis après tout, si Rudai se faisait trop pesant, elle pourrait toujours le plaquer : qu’est-ce qu’était un mariage pour elle, sinon un chiffon de papier ? Prudente toutefois, elle avait suggéré qu’ils passent d’abord au bureau des mariages avant d’aller voir ses parents – elle craignait que ceux-ci ne détectent en elle la cocotte, et ne s’opposent à un mariage aussi équivoque.

Ainsi quelques jours plus tard, ils étaient mari et femme devant la loi. Zhaoyan et Yuanlong la mère, furent plus coopératifs que prévu. Curieusement romantiques, les parents de Rudai voyaient dans cette union la chance pour leur fils de rentrer dans le droit chemin et de se stabiliser par l’amour, et l’envie d’un enfant qu’eux-mêmes espéraient de toutes leurs forces. Aussi 15 jours après, dans un hôtel de quartier, le vieux couple payait une fête de noces dans toutes les formes requises, avec prêtre bouddhiste en robe carmin et banquet de 15 mets pour 40 invités. Zhaoyan leur avait aussi trouvé un modeste nid d’amour à deux pas de chez eux : il réglait le loyer le temps qu’ils aient trouvé du travail.

Les premiers mois, entre le jeune couple et les parents, tout se passa comme dans un rêve. Rudai et Xiaoming avaient tous deux pris des jobs réguliers, lui comme « kuli » (苦力, manœuvre portuaire), et elle comme serveuse en restaurant. Ils menaient en apparence une vie réglée, ayant coupé les ponts avec le jeu et la drogue. Et au bout de neuf mois, en février 2015, Xiaoming accouchait d’un beau bébé, appelé Hewei.

Mais Ru et Xiaoming ne sont-ils pas en train de « 瞒天过海 » (mán tiān guò hǎi, mener en bateau) ces parents peut-être un peu trop crédules ? Peuvent-ils vraiment quitter leur passé de drogue et de délinquance, par la simple force de la volonté ? On le saura, ami lecteur, la semaine qui vient !

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1 Commentaire
  1. severy

    Ah! Il y a du Zola qui se cache là-dedans. Que nous réserve notre Maître de la Plume pour la suite des aventures de ce couple de jeunes ayant bâti son bonheur grâce à un lit-portefeuille? Le tissu familial tiendra-t-il ou se retrouveront-ils, larmes aux yeux, dans de beaux draps? Vivement la suite…

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