Alors que la vie reprend progressivement son cours après trois ans de restrictions sanitaires liées à la politique « zéro Covid », les marchands ambulants font leur grand retour dans les rues. Vendeurs de snacks, de livres, de gadgets électroniques, de fleurs, de jouets… Tous ont repris le jeu du chat et de la souris avec la police municipale pour espérer gagner quelques centaines de yuans par jour. Apparemment, le jeu en vaut la chandelle : les bonnes semaines, certains peuvent gagner davantage en vendant des bibelots qu’en allant travailler à l’usine. Il faut dire que le ralentissement économique est propice à ce genre de petit « business » : les Chinois sont plutôt réticents ces derniers temps à mettre la main au portefeuille (ou plutôt au « smartphone ») et font attention aux prix.
Chassés des trottoirs durant de longues années car ils « gâchaient le paysage urbain » et nuisaient à l’image de société « modérément prospère » que veut projeter le leadership, ces camelots sont à nouveau les bienvenus aujourd’hui, surtout dans les petites villes. C’est le cas de Zibo dans le Shandong, qui s’est bâti une réputation de destination touristique durant les congés du 1er mai grâce à ses vendeurs de brochettes.
Dans les grandes métropoles aussi, telles que Pékin et Shanghai, ils réapparaissent sous conditions sur les trottoirs ou aux abords des lieux touristiques. A Shenzhen, pôle technologique du pays, ils seront réautorisés dans les rues dès septembre prochain, alors qu’ils étaient bannis depuis 1999. A Lanzhou, dans le Gansu, des zones désignées vont être établies, manière selon les autorités « d’encourager l’entreprenariat ».
Ces initiatives reflètent la sévérité de la situation économique actuelle, mais aussi l’absence de solution des gouvernements locaux pour assurer une augmentation des salaires. Au premier trimestre 2023, le revenu des ménages n’a augmenté que de 3,8% par rapport à l’année précédente, bien derrière la croissance économique globale.
Malgré tout, cette résurgence des vendeurs à la sauvette n’est pas exactement du goût de Xi Jinping, qui s’était déjà prononcé contre leur présence, du moins à Pékin, en 2020, contre l’avis de l’ex-premier ministre Li Keqiang, pour qui ils représentaient « la vitalité du pays ». Lors de sa dernière visite à Xiong’an, son projet de ville-modèle, le chef d’Etat a déclaré que « la capitale est avant tout le cœur politique du pays, pas un brouhaha où l’économie ambulante et les manufactures dans les hutongs sont autorisées » (首都首先是政治中心,不是’大杂烩’,不能’胡同里办工厂’、搞’地摊经济’). A Yin Li, secrétaire du Parti de la municipalité et Yin Yong, maire de Pékin – tous deux des fidèles de Xi Jinping – d’en prendre note…
Cela ne devrait pas suffire à dissuader les vendeurs à qui ces revenus permettent de boucler les fins de mois ou tout simplement de leur assurer un emploi, alors que le chômage, particulièrement chez les jeunes (20,4% selon les chiffres officiels au mois d’avril), n’a jamais été aussi élevé. C’est ce qui explique que l’on retrouve sur la rue de nombreux colporteurs d’une vingtaine d’années, et c’est bien là la nouvelle tendance.
L’autre nouveauté tient à la nature des biens et services vendus : depuis quelques temps, de jeunes diplômés se mettent à vendre leurs connaissances dans la rue, pessimistes quant à la valeur de leur diplôme et de leurs perspectives d’emploi. On voit donc des étudiants en psychologie offrir des consultations en pleine rue ou encore des aspirants avocats distribuer des conseils légaux aux passants. La plupart apprécient la flexibilité qu’offrent ces petits boulots qui leur permettent aussi d’être davantage indépendants financièrement. Cela tombe bien, la presse officielle leur serine ces derniers mois d’être ouverts à des plans de carrière « alternatifs », même si on doute que devenir marchand ambulant est ce qu’elle avait en tête !
1 Commentaire
severy
12 juin 2023 à 04:31On ne peut que se réjouir de revoir les vendeurs ambulants dans les rues.