Economie : La Chine en quête de relance

Le Conseil d’Etat l’avouait le 4 mai : l’investissement privé est à la traîne au 1er trimestre, avec une croissance de 5,7%. En décembre  2015 pourtant, il faisait encore de 10%, et 6,9% en janvier-février 2016. Il recule donc, face à un secteur public gavé de crédits par un Etat angoissé par le risque d’une avalanche de faillites. Ce trimestre, les consortia d’Etat ont cru de 10,7%, maintenant le PIB à 6,7%. Pour relancer le privé, le 1er ministre Li Keqiang annonce l’introduction d’une aide à la location, surtout dans les petites villes, destinée aux petites gens (migrants, jeunes actifs…). Il en escompte une réduction des logements vides, et par rebond, stimuler l’investissement immobilier.

Cette mesure va de pair avec le grand nettoyage de l’e-finance, après divers scandales, comme celui en janvier de la plateforme de crédit P2P eZubao, ayant englouti avec plus de 50 milliards de ¥. Une agence interministérielle pilotée par Yang Yuzhu calcule qu’en 2015, les cas de « collectes illégales » ont augmenté de 70%.

Toutefois, le Conseil d’Etat prend soin de spécifier que le recadrage ne vise pas les « petits opérateurs », agissant selon la loi. Il est essentiel de ne pas décourager les startups, moteur d’avenir des services.

Les « quasi-assurances » en ligne, sont aussi dans le viseur, recadrées le 4 mai par l’organe de tutelle CIRC. CIRC cite le cas de Quark (Shanghai) enregistré comme « groupement d’assistance mutuelle » et non « assurances mutuelles » astreintes à 100 millions de ¥ de dépôt. Il offre six contrats à très bas prix, dont celui  promettant jusqu’à 300.000 ¥ de prime en cas de « maladie grave », moyennant 9¥ par an, par assuré. A ce prix plus que modique, Quark a rassemblé 330.000 sociétaires et engrangé 3 millions de ¥. Mais la CIRC avertit, ce type d’amateurs-assureurs ne pratique ni les barèmes actuariels (le ratio idéal entre rentrées et sorties), n’a pas les réserves suffisantes, et n’est pas supervisée par l’Etat. Pour Andy Ng, analyste chez EY, « il était temps pour la CIRC de réagir pour éviter l’explosion du nombre des quasi-assurances, puis de leurs faillites ». 

De son côté, la CSRC, tutelle de la bourse, déterre la hache de guerre contre les futures, ces bourses des denrées livrables entre 3 mois et 5 ans plus tard. Ces « futures » ont toujours fait l’objet de spéculation, mais ces derniers temps, les contrats s’échangent à vitesse vertigineuse. En avril, à 30 milliards de $, la bourse du maïs à Dalian frisait le décuplement des échanges, en dépit de cours érodés de 10% ce mois-là. Début mai, les efforts de régulation parvenaient à faire retomber les cours aux niveaux du mois précédent.

Le recadrage prend aussi une composante de censure. Elle frappait hier la presse et les réseaux sociaux, sur des thématiques politiques. Puis elle ciblait avocats, travailleurs sociaux et membres du Parti trop audacieux. Puis depuis février, elle touche les banquiers et cadres financiers, adjurés de défendre une « vision positive » de la conjoncture. La Banque de Chine stoppait alors la publication des commandes de devises par les banques, prétextant que ces données ne « reflétaient plus correctement les flux de capitaux » du pays—en réalité pour cacher la fuite des capitaux.

La presse doit aussi passer  sous silence le plan « prêts contre parts », par lequel l’Etat veut désendetter les consortia en transférant 1000 milliards de yuans de dettes irrécupérables à leurs créanciers (banques), en contrepartie de leurs parts en bourse.
Un édifiant exemple s’impose : Huarong Energy (ex-chantier naval Rongsheng), doit 22 milliards de ¥ dont 17 milliards dans l’année. Ce groupe privé avait subi une première tentative de sauvetage qui le convertissait en pétrolier en lui transférant la propriété d’hydrocarbures au Kazakhstan. Huarong négocie à présent l’effacement chez ses 22 banques créancières, de 14 milliards de dettes, contre l’équivalent en ses parts en bourse de Hong Kong. Mais au bout d’un an, seuls 12 créanciers étaient plus ou moins d’accord, et seuls 323 millions de ¥ étaient réellement « transférés ».

Même si ce montage aboutissait, le dossier « Huarong Energy » ne compte que pour 2% dans le plan de l’Etat. Et surtout, sur le fond, la formule est un désaveu des promesses de 2012 de « laisser-faire le marché », laisser fermer les groupes en faillite.

Autre dossier sensible : l’expiration des titres de propriété privée. A Zhengzhou (Henan), après 20 ans, les titres de propriété d’appartements arrivent à terme. Pour les reconduire, la mairie exige jusqu’à 33% de leur valeur actuelle… Ce « fait du prince » fait risquer la dépossession, et cause une mobilisation peu compatible avec la stabilité sociale.

Le problème s’annonce bien plus délicat encore pour le volet rural de cette propriété privée : les 200 millions de « petits propriétaires » dont les biens sont collectivement sous l’ombrelle d’un « grand propriétaire », hobereau rouge local, souvent (ex-)militaire.

Qu’adviendra-t-il si l’Etat laisse les mairies à l’avenir renouveler les titres à des conditions équivalant à une confiscation ? C’est une épée de Damoclès parmi d’autres, suspendues sur la tête de la population –et du pouvoir central. Par bonheur, la plupart des titres urbains sont fixés à 70 ans, léguant le dossier à la prochaine génération… En 2007, le gouvernement avait fait réviser sa loi de propriété, alors stipulant que les titres étaient prolongeables, mais en se gardant d’en préciser les modalités. Il peut à présent commencer à regretter l’occasion perdue.

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