Monde de l'entreprise : JD.com vs Meituan : la guerre de la livraison de repas est lancée

JD.com vs Meituan : la guerre de la livraison de repas est lancée

Casque rouge vissé sur la tête, scooter électrique chargé à bloc : c’est ainsi que le fondateur de la plateforme de e-commerce JD.com, Liu Qiangdong, a fait le buzz le 21 avril en effectuant quelques livraisons de repas pour son nouveau service, « JD Waimai » (京东外卖). Après sa tournée, le milliardaire dont la fortune est évaluée à 6,3 milliards de $, a partagé un hotpot avec une dizaine de livreurs qui ont pu parler de leurs préoccupations.

Lancé au mois de février dans plusieurs grandes villes, dont Pékin et Shanghai, JD Waimai vient marcher sur les plates-bandes du leader incontesté du marché, le géant Meituan, qui détient 65% des parts de marché devant Ele.me (Alibaba) et ses 33%.

Avec des promesses de marges limitées à 5% et l’engagement de ne pas imposer de commissions jusqu’à la fin de l’année aux restaurants qui s’inscriront avant le 1er mai (contre 6 et 8% pour Meituan et Ele.me ), JD semble déterminé à redistribuer les cartes d’un marché où les pertes sont courantes. Par exemple, Ele.me n’a jamais pu dégager de bénéfice jusqu’à présent.

Pour arriver à percer, JD offre la livraison gratuite aux clients et des coupons de réductions à gogo : une stratégie qui n’est pas sans rappeler les débuts de Luckin Coffee, cherchant à s’imposer face à des chaînes bien établies comme Starbucks ou Costa Coffee.

Aux livreurs, clé de voûte de l’industrie, JD promet de garantir un volume de commandes suffisant pour compenser toute perte de revenus et propose même de recruter leurs conjoints comme coursiers ou agents de nettoyage. A ce rythme, le groupe espère recruter 100 000 livreurs d’ici à 3 mois, à qui le groupe offrira de véritables contrats de travail, incluant une couverture sociale complète (retraite, santé, chômage, accidents du travail, maternité et fonds logement). De quoi cultiver l’image d’un employeur responsable et surtout de quoi espérer séduire suffisamment de livreurs pour soutenir l’explosion de son volume de commandes (10 millions par jour fin avril à travers 166 villes, contre plus de 60 millions pour Meituan).

Plus encore, dans une « lettre ouverte adressée à tous les livreurs » publiée sur son compte officiel WeChat le 21 avril, JD accuse « certains concurrents » de forcer les travailleurs à choisir une seule plateforme, sous peine de voir leur compte suspendu. Le groupe du milliardaire Liu Qiangdong accuse également « une certaine plateforme » de ne pas payer les assurances de ses travailleurs qui ont souvent le statut d’intérimaire. En réponse, Meituan a démenti toute pratique restrictive et a, à son tour, accusé JD d’imposer à ses propres livreurs des pénalités sévères pour des retards ou des prises de commandes extérieures. Cette passe d’armes a fait perdre aux deux groupes 13 milliards de $ en capitalisation boursière. 

A y regarder de plus près, même si JD paraît être à l’origine de cette offensive, Meituan est celui qui a commencé la guerre en lançant en début d’année « Shangou », un service de « shopping express » proposant de livrer sous 30 minutes, 24h/24, nourriture, cosmétiques et produits électroniques. Or, ce segment très prometteur se trouve aussi être le pré-carré de JD.com.

Ce climat d’accusations réciproques ravive le souvenir de l’enquête antitrust de 2021, qui avait coûté à Meituan 3,44 milliards de yuans (527 millions de $) sous la forme d’une amende pour avoir forcé les restaurants à travailler exclusivement avec le kangourou jaune.

Si les livreurs peuvent, de prime abord, bénéficier de cette rivalité, elle n’incite pas les opérateurs à améliorer les algorithmes qui les dirigent ou à assouplir les délais de livraison. Or, ces problèmes constituent les principales récriminations des coursiers qui mettent tous les jours leur vie en danger pour livrer à temps des « bubble tea ». Signe que leurs voix commençent à porter : Meituan a promis de mettre un terme cette année aux pénalités en cas de retard.

Les autres perdants de cette lutte pour le marché de la livraison de repas sont les clients de ces plateformes. En effet, l’essor de cette industrie, couplé à d’autres facteurs, tel qu’un style de vie plus sédentaire, a favorisé la prise de poids des Chinois. C’est particulièrement vrai chez les jeunes actifs, pour qui commander plats et boissons peu diététiques, une à plusieurs fois par jour, sans lever le petit doigt, est devenu une habitude. D’ici à 2030, 65% des Chinois seront obèses ou en surpoids, contre un peu plus de la moitié aujourd’hui. Et si le véritable combat à mener était là ?

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