Autour de la péninsule coréenne, les 15 et 16 avril, tous les ingrédients étaient réunis pour une crise majeure. Toutes les armées de la région étaient en alerte – le million de soldats nord-coréens, les 400.000 sud-coréens, les 37.500 américains sur la ligne de démarcation, les 175.000 chinois massés à la frontière. Un porte-avions US (le Carl Vinson) et son armada fonçaient vers la péninsule, attendus par une flottille nippone pour faire sa jonction.
Pyongyang fêtait le 105ème anniversaire du père fondateur Kim Il-sung. A cette occasion, le régime présentait une parade militaire – milliers d’hommes au pas de l’oie, chars d’assaut et missiles kakis sur leurs semi-remorques, dont un modèle en apparence nouveau et intercontinental. Les 200 reporters étrangers présents s’attendaient à un sixième test nucléaire imminent, sur le site de Punggye-ri à 630km.
Mais à Washington, Donald Trump venait de promettre de « régler le cas » nord-coréen, si le test devait se tenir. Le Pentagone laissait fuiter un plan d’attaque : les installations de surface seraient pulvérisées sous les missiles Tomahawk (ceux-là même venant de servir en Syrie), et celles basées dans des montagnes, sous la bombe MOAB de 10 tonnes, que l’US Army venait d’étrenner en Afghanistan contre une base souterraine de Daech…
Face au petit allié, la Chine durcit le ton, renvoyant, le 12 avril vers Nampo leur port d’attache, 12 cargos de charbon. Son embargo, dit-elle, a permis de couper de moitié des livraisons coréennes de houille au premier trimestre (causant à Pyongyang des centaines de millions de $ de pertes), mais admet n’avoir pu freiner les échanges généraux qui ont bondi de 54% – les commerçants des deux bords renforçant l’effort, en prévision d’un durcissement du blocus.
La Chine a mis ses troupes en alerte dans les cinq provinces voisines. Mais elle a aussi déployé une diplomatie frénétique, avertissant les USA et la Corée du Nord contre tout pas irrémédiable. Wang Yi, ministre des Affaires étrangères, alerta contre un risque de guerre imminente, où « tout le monde serait perdant ». A Kim Jong-un, Xi Jinping semble avoir présenté un ultimatum discret : renoncer à sa bombe atomique, contre une garantie chinoise de protection militaire, et levée de toutes sanctions de l’ONU ; ou bien insister dans sa course nucléaire, et ne plus devoir compter que sur soi-même face à des attaques américaines ou de coalition, sans compter des sanctions accrues, sans commune mesure avec les actuelles.
Le 16 avril au matin, Kim Jong-un venait de faire tirer un missile à Sinpo (base sous-marine, côte Est), qui a explosé – essai raté. Le secrétariat américain à la Défense a publié un communiqué déclarant le Président « au courant » et réservant ses options.
Où va-t-on à présent ? Une frappe américaine, semble malgré tout improbable, vu la capacité de rétorsion du «pays du matin calme », pouvant rayer Séoul de la carte en quelques heures, viser Tokyo, Los Angeles… La semaine passée, D. Trump avait poursuivi son rapprochement ultrarapide avec Xi Jinping (qu’il a appelé par téléphone), ainsi qu’à propos de l’OTAN – qui étaient deux de ses bêtes noires durant la campagne présidentielle.
Xi lui a bien rendu sa marque de sympathie, en cessant de voter aux cotés de la Russie au Conseil de sécurité (13 avril) lors du vote d’une résolution anti-Bachar el-Assad. C’est donc un retournement de situation important dont toutes les implications n’apparaissent pas encore : il intervient essentiellement en réaction des deux pays à la menace nord-coréenne croissante. Un rapprochement, quoique encore fragile, qui est une condition nécessaire (quoique sans doute non suffisante) à une résolution du problème coréen – qui n’est, vu sous la perspective de l’histoire, qu’un produit de guerre froide, entre puissances, pour l’influence sur l’Asie.
1 Commentaire
severy
21 avril 2017 à 17:16Il serait temps que le chien lâche l’os.
En trois générations, de caoutchouc, celui-ci s’est transformé en matériau radioactif.
Il est donc devenu dangereux et doit être rapidement retraité.
Il est des façons plus efficaces d’obtenir d’Oncle Sam des avantages que continuer à exhiber entre ses crocs
un vieil os qui n’offre en guise de retombées que des brûlures non-cicatrisables.