Politique : Anticorruption : le désherbage des fleurs du mal

A la veille du Chunjie, le régime éprouve le besoin de faire son bilan en matière de lutte anticorruption. La CCID, police du Parti, présentait le 5 février la collection des « fleurs du mal » qu’elle a cueillies en 2014, auprès de 70 compagnies publiques, souvent cotées en bourse. 

En tête de liste figure sans surprise la CNPC, dont le vice-CEO Li Hualin avait été emmené parmi les premiers. Ce groupe pétrolier était le QG de Zhou Yongkang, ex-chef de toutes les polices, qu’un conflit personnel opposait au Président Xi Jinping. D’autres groupes étaient géographiquement connotés, tel Guoteng, du Sichuan, terre natale et fief du même Zhou. 

Le maître-mot de la campagne est « gouverner par la loi ». La CCID veut défaire les liens incestueux entre ministères et firmes publiques, souvent dirigés par les mêmes grandes familles « rouges » historiques. Ainsi l’ANE (Administration Nationale de l’Energie) perdit son Président Liu Tienan, l’ex-secrétaire de Zhou, accusé d’avoir pris des bakchichs d’au moins cinq groupes d’Etat, et condamné à la perpétuité fin décembre 2014. 

Parmi les chefs d’inculpation comptent l’acceptation de pots-de-vin : or, jade, cartes de membre de clubs exclusifs ; l’offre de contrats de complaisance aux enfants de cadres ou à des proches originaires de la même province ; le paiement par un client d’études aux Etats-Unis, ou le recrutement de leur progéniture dans leur propre firme ; la vente ou l’achat de charges publiques, une fraude qui induit souvent la dissémination de secrets d’Etat…

Un aveu qui a dû être délicat, fut que des cadres se soient payés en argent, mais aussi en plaisir. En plus de cachets, des exécutifs de China Unicom reçurent de leurs clients et fournisseurs des faveurs sexuelles (entretien de maîtresses, prostituées…). La direction a réagi à cette révélation en promettant que cela ne se produirait plus « d’ici quelques mois ». 

Loin d’être l’exception, ce type de dérive, semble avoir été la règle, tant par standing de vie que pour ne pas éveiller la défiance des collègues par une conduite morale trop rigidement vertueuse.
Selon Chengming, magazine hongkongais, le Parti évalue à 700.000 le nombre des affaires extraconjugales en 2014 – en langage codé, on parle de « rations supplémentaires ». Dès 2013, le Centre d’études en gestion de crise de l’Université Tsinghua, fixait à 95% le ratio des officiels soupçonnés de corruption, et s’avérant entretenir une maîtresse. 

En fait de vice, la palme revient à Macao, champion toutes catégories, avec ses casinos où en 2014 encore, débarquaient les cadres de provinces avec valises débordant de numéraire. En 2014, 35 maisons de jeu s’appropriaient 44 milliards de $ de cet argent volé.

De passage en décembre dans l’enclave ex-lusitanienne, Xi Jinping martelait que la situation ne pouvait pas durer. Relayé par le Chef de l’Exécutif, Fernando Chui, « élu » en décembre, le message est assorti d’un moyen de pression convainquant : 400 tables de roulette, blackjack ou baccarat sont à pourvoir sur la presque-île artificielle de Cotai. Elles reviendront aux groupes « les plus méritants », proposant des projets diversifiés. 

C’est une nouvelle donne pour Macao, et elle est aussi justifiée par le reflux des affaires : -17% en janvier, et –35% attendus en février. Et si l’argument ne suffisait pas, l’autorité dispose d’un autre levier. Les six licences existantes expireront à partir de 2020 : Macao (et Pékin) les renouvellera à sa discrétion. 

Aussi des groupes tels Wynns, Sands ou MGM China Holdings rivalisent de projets diversifiés. Chaque opérateur investira à Cotai de 2,5 à 4 milliards de $ dans des concessions nouvelles où la part du jeu est appelée à baisser, de 95% actuels à moins de la moitié selon le modèle pratiqué à Las Vegas. Arrivent les centres de conférences, salles de concert, parcs d’attraction avec une grande roue de 120 mètres de haut, un théâtre de 3000 sièges pour Galaxy, une salles multi-usages de 5000 places pour Melco

Dernière manière d’arracher les ronces et fleurs du mal : une justice sans pardon. Le 9 février, la Haute cour populaire du Hubei a ordonné l’exécution de Liu Han (et de son frère Liu Wei). Milliardaire en dollars dans le secteur minier au Sichuan, il avait écopé en mai 2014 de la peine capitale, déclaré par le juge « parrain d’une féroce cabale de gangsters ». Les assassinats, kidnappings, tortures et extorsions dont l’Etat l’accuse, semblent avoir été tout sauf imaginaires. De plus, il se trouvait aussi être proche de, et longtemps protégé par, Zhou Yongkang. 

Aussi, cette exécution peut se lire de deux manières : (1) une application de la loi, un avertissement au pays que les temps des « roitelets de province » sont révolus, et (2) une attaque contre la richesse privée, guerre lancée aux fortunes milliardaires portant ombrage à l’Etat Central.

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