Monde de l'entreprise : Danone et Coca-Cola, regards parallèles

Danone et Coca-Cola, regards parallèles

Ayant rendu visite aux sites de Danone et Coca-Cola à Shanghai, nous vous proposons un regard sur la stratégie, les acquis, forces et faiblesses de ces deux colosses.

Comment a fait Danone pour se maintenir en Chine, après la déloyale spoliation en 2009 de la plupart de ses actifs par Wahaha, l’ex-partenaire chinois ? La réponse a consisté à s’accrocher, sachant qu’il n’y avait pas de meilleur avenir qu’ici, avec 23% de l’humanité mal nourrie mais en demande exponentielle de tous les produits du groupe, lait et eau en tête. Et la chance tourna, suite au scandale du lait pour bébé allongé de mélamine en 2008, fraude qui détourna durablement les parents chinois de tout lait maternisé made in China. 

Néanmoins, une fausse alerte en 2013 ternit les résultats du groupe français : en effet, Fonterra le n°1 mondial (Nouvelle-Zélande) annonça par erreur que son lait, matière première du lait infantile de Dumex (filiale Danone), était plombé au botulisme. Danone dut donc retirer massivement ses produits des rayons.

A l’été 2015, Dumex fut cédé à Yashili, sa filiale en commun avec Mengniu (le n°1 national laitier). Danone reprit en échange 4% des parts de Mengniu, tout en intensifiant avec lui la coopération en yaourts. De la sorte, au 3ème trimestre 2015, Danone voyait son exercice mondial grimper de 4,6% – très bon chiffre, en ces temps de tempête sur la consommation. 

En eaux embouteillées, Danone remonte également la pente, profitant du fait d’un marché très jeune et encore sans traditions—10 ans en arrière, la plupart des Chinois en étaient encore à boire leur « eau bouillie » dans un thermos. 

« Aujourd’hui, constate Bruno Dasque, patron « R&D » de l’eau chez Danone, l’eau de table, parent pauvre d’hier, commence à devenir populaire et a déjà conquis les grandes villes ». 

Du côté des boissons (sans alcool), pas moins de 900 nouvelles « références » ont surgi sur le marché en 2014. Pour Danone, un des soucis est la teneur en sucre -souvent au-delà de 100gr/litre, quatre fois le taux suggéré par l’OMS. Ce sucre est la cause de l’explosion de l’obésité et du diabète parmi la jeunesse. Aussi Danone a relancé en 2008 son « aquadrink » Maidong ( 脉动 ou ‘Mizone’ en anglais), une boisson vitaminée et aromatisée aux fruits. Au départ conçue pour le monde du sport, elle a rapidement conquis un public plus large, avec 100 bouteilles consommées chaque seconde, 60% du marché de Danone en Chine. « Pour réussir sur ce marché concurrentiel, commente Dasque, il faut capturer l’attention du consommateur et sortir du lot avec une proposition inédite sous tous aspects, emballage, arômes, couleurs, et son concept bien sûr ». Ainsi « Poire de neige-sucre cristal », breuvage à succès, s’inspire d’une recette chinoise connue dans tous les foyers…

Voilà comment Danone se rétablit peu à peu en Chine et passe dans l’histoire industrielle du pays comme le groupe ayant su gagner une guerre, après une bataille perdue.

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Chez Coca-Cola, le géant américain de la boisson non-alcoolisée, on passe à une autre échelle : ses ventes atteignent 58 milliards de bouteilles (25cl) par an, et la progression des ventes en Chine est parmi les plus fortes du monde, selon David Brooks, le vice-Président exécutif Chine et Corée. 

Suivant un modèle éprouvé : Coca-Cola n’emploie en propre que 700 personnes en Chine, principalement à Shanghai. Mais ses JV et franchises (dont 50% sous la houlette de Cofco, le consortium alimentaire) qui maillent le pays en 45 usines, assurent 45.000 jobs, et 450.000 emplois dérivés.

En boissons gazeuses (Coca-Cola, Fanta, Sprite, qui est la plus vendue dans cette catégorie…), le groupe d’Atlanta ne produit que ses concentrés, sur son campus de Zizhu à Shanghai, dans une section interdite à toute personne étrangère au service. Son obsession du secret est si forte que lorsque le groupe négociait son retour en Chine, en 1979-81(après 30 ans), il exigea –et obtint– de ne pas avoir à divulguer aux autorités son procédé de fabrication. 

En 2000, Coca-Cola s’attaqua au marché des boissons non-gazeuses. À présent, le groupe produit ou importe en Chine son café Georgia et son jus de fruit, Minute Maid. En 2009, Coca avait tenté de racheter Huiyuan, le leader chinois privé des jus de fruits. Mais sous prétexte de protection contre les monopoles, le Conseil d’Etat l’interdisait. C’était par rétorsion du vote du Congrès américain qui venait de bloquer le rachat d’Unocal (USA), septième pétrolier mondial, par Sinopec. « La décision n’a pas profité à Huiyuan, se rappelle Brooks. Il aurait profité de notre réseau de vente. Aujourd’hui, le n°1 des jus de fruits en Chine, est… Minute Maid ! »

Coca-Cola se veut aussi à la pointe en Chine en défense environnementale : par recyclage et autres techniques, ses embouteilleurs parviennent à limiter leur besoin à 1,6 litre d’eau par litre de limonade. 

Pour convaincre ses gros clients, il les reçoit dans un centre de démonstration recréant divers « espaces de consommation » : supermarché, superette (cf photo, D. Brooks), restaurant et fastfood, avec un look futuriste, tel ce réfrigérateur bas carbone, bardé d’écrans LED publicitaires. 

La concurrence fait rage : avec 13% du marché, le n°1 est Kangshifu (Taiwan) après son rachat de Pepsi (China). Il est suivi de près par Coca-Cola (10%), Wahaha (8%), Danone (2%).
Pour Coca-Cola, l’avenir chinois s’annonce plutôt serein, avec 45 boissons du groupe (235ml) consommées par an, par habitant—moitié moins de la moyenne mondiale, ce qui laisse une belle marge de croissance pour le groupe d’Atlanta qui fêtera en 2016 son 130ème anniversaire. Pemberton, l’apothicaire inventeur de la fameuse formule, n’avait sûrement aucune idée du succès planétaire qu’obtiendrait son humble sirop à l’avenir !

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