Editorial : Après Mao, le « come-back » des anciens

Le 18 juin à Hong Kong, les 70 députés du « Legco » statuaient sur l’offre du gouvernement central, de suffrage universel. – une offre jugée très insatisfaisante par l’opinion locale, car n’envisageant que trois candidats, tous favorables à, et validés par Pékin.Or ce jour-là, le vote parlementaire connut un incident extraordinaire : à 5 minutes du vote, 30 élus pro-Pékin quittèrent l’hémicycle, laissant 8 membres sur place, face aux 28 édiles de l’opposition démocrate. De la sorte, la motion fut repoussée, 28 à 8. Aussi incroyable qu’il puisse paraître, la sortie des pro-Pékin résulte d’une erreur de leur meneur de jeu, qui voulait retarder le vote (pour laisser arriver un édile en retard), en portant le nombre des votants en dessous du quorum. Mais dans la confusion, ces 8 édiles, mal informés, n’avaient pas bougé.Certes, le vote ne changeait rien sur le fond : en tout cas de figure, la motion n’aurait pas atteint la majorité des 2/3, obligatoire ici. Mais pour Pékin, le désaveu est rude : après une telle défaite, il y a à présent blocage, et la seule sortie possible, pour rouvrir le dialogue avec sa « Région Administrative Spéciale », sera de soumettre une autre proposition – ce à quoi la presse officielle, le lendemain du camouflet, se refuse absolument !

La semaine passée vit apparaître un autre thème fort et étonnant : une campagne dite « guoxue » (国学), préconisant l’étude des sages antiques. Dès 2008, le président Hu Jintao avait fait poser place Tian An Men face au portrait de Mao une statue de Confucius : c’était pour créer une culture politique « oecuménique » réhabilitant aux côtés du socialisme les valeurs nationales anciennes. Mais vu l’opposition du clan, la statue avait été retirée. Or cette semaine, sous l’égide de l’Académie centrale de gouvernance, Xi Jinping fait publier une série de compilations de ces maîtres antiques, dont la lecture est « recommandée » aux millions de fonctionnaires centraux, voire de cadres provinciaux.
De même, par l’entremise du Front Uni, instance de dialogue avec les forces sociales hors-PCC, Xi tente de reprendre en main l’éducation des jeunes riches de seconde génération (富二代, « fuerdai » ). A Pékin comme à Xiamen, ils s’initient à la piété filiale, à l’origine de la fortune de leurs parents, ainsi qu’à quelques services d’intérêt communautaire. Cela dit, la reprise en main n’est pas traumatisante : ces « fils à papa » peuvent arriver tard ou partir tôt, en payant l’amende – sans douleur pour eux– de 1000 yuans. Dans les écoles et universités aussi, depuis janvier, circule une consigne contre l’infiltration des valeurs occidentales – pour un retour aux sages bouddhistes, confucéens ou du Tao. C’était l’initiative du ministre de l’Education, Yuan Guiren. Or, celui-ci, le 17 juin, est placé sous enquête par la police du Parti, pour corruption. Et l’on réalise alors que cet ancien lieutenant de Jiang Zemin avait lancé cette campagne, comme un acte désespéré pour faire allégeance à Xi et sauver sa place. Cette dernière péripétie est précieuse pour l’analyse, en jetant une lumière nouvelle sur cette campagne anti-occidentale dans les écoles –celle d’une lutte interne au Parti. Mais au fait, toute cette campagne pour la « sagesse antique » ne serait elle pas elle-même l’expression d’une lutte au sein du Parti, où le clan réformateur autour de Xi chercherait à mettre en porte-à-faux les marxistes durs de l’ère de Jiang, en leur imposant cette nouvelle règle, au socialisme plus tempéré de références culturelles nationales ? La question reste ouverte ! 

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