Editorial : Un hiver qui s’attarde…

À première vue sans liens évidents, deux temps forts de la semaine se révèlent, à l’analyse, issus de la nervosité des pouvoirs publics, suite à la chute de la croissance.

Le 11 avril, Li Keqiang, 1er Ministre, en tournée d’inspection à Changchun (Jilin), adressa vertement aux plus importants cadres de la province : « Atteignez vos objectifs de croissance ! », lança-t-il aux pouvoirs locaux, tout en les blâmant de « ne rien réussir, faute de tenter quoique ce soit ». 

Cette mission et cette diatribe témoignaient de l’inquiétude du pouvoir central : en 2014, les régions ont vu leur PIB végéter, surtout au Nord-Est. Le Liaoning n’atteignit que 5,8% de hausse de PIB, alors qu’il visait 9%.
En cause, l’énorme dette des provinces (3000 milliards de $ en novembre) et les dépenses publiques improductives (nationales comme provinciales), telles cette profusion de lignes ferroviaires ayant coûté 560 milliards de $ de dettes au ministère de tutelle, ou les autoroutes bâties sans souci d’utilité, dont le plan de recettes (péages) accusait fin 2014, 10 milliards de $ de déficit. Tel encore l’aéroport insulaire de Dachangshan au large de Dalian (Liaoning -cf photo) qui pour un avion/semaine, recevra 240 millions de $ d’investissements de rénovation en 2015… 

Le tourment de Li Keqiang vient aussi des derniers chiffres de conjoncture (15/04), qui sont mauvais : avec –14,6% d’export et -12,3% d’import en mars, et un PIB de +7% au 1er trimestre, c’est le pire score national en 6 ans. L’« investissement social global » n’atteint que 56% (1180 milliards de ¥) du chiffre de 12 mois plus tôt, et la foire de Canton qui ouvrait le 15 avril, n’attend que 180.000 acheteurs étrangers au mieux (10% de moins qu’en 2012).
Signe fatidique, pour la 1ère fois depuis longtemps, la croissance industrielle, à +5,6%, est inférieure au PIB. Les infrastructures, les usines sont à la traîne, et ne sont plus les « locomotives » de l’économie, comme jusqu’à hier.

Pour faire face, le pouvoir a commencé à desserrer les cordons du crédit, rétabli le droit d’acheter plus d’un appartement en ville. Ma Kai, le vice 1er ministre, annonce une rallonge de 130 milliards de $ au plan ferroviaire du futur 13ème plan (2016-2020). Elles financeront 8000 km de lignes nouvelles, radiales et « Intercity », en sus des 450 milliards déjà programmés (pour 23 000 km de voies ferrées). Vieille recette donc, pour maintenir la vapeur d’un cycle économique qui s’épuise… 

En parallèle, le 15 avril, cinq féministes incarcérées depuis 5 semaines pour avoir voulu manifester (lors de la journée mondiale de la Femme) sont libérées.
Mais contre ces militantes de 25 à 32 ans, les charges demeurent : durant un an, elles ne pourront voyager sans en informer la police, et la justice se garde l’option de les inculper. En fait, à ce qui semble, leur élargissement, facilité par une large mobilisation (UE, Etats-Unis…), aurait été du à l’absence de dépôt de charges contre elles par le procureur, comme la police le réclamait – peut-être signe d’un désaccord interne.
Sur la forme, elles avaient été arrêtées pour trouble à l’ordre public. Mais sur le fond, c’était plutôt pour revendication des droits de l’Homme. C’était un avertissement froid aux partisans de la société civile, dont la direction du PCC ne veut pas entendre parler pour l’instant.
Et pour cause : quand l’économie cale, la tolérance des dirigeants envers la critique diminue proportionnellement.

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