Politique : ANP – Autres bruits de couloirs

Entre meetings, plénières et tasses de thé, les 5200 élus de l’ANP et de la CCPPC offrent une instructive version de démocratie « à la chinoise ».
Les journalistes (étrangers ou locaux) accèdent presque librement aux réunions, mais à peine dans la salle, le président de séance dénonce leur présence aux délégués et leur conseille de tenir leur langue – toute vérité n’est pas bonne à dire. Même Jackie Chan, lors d’une séance sur la culture, déclara qu’il ne dirait plus rien en leur présence. Pour ces représentants du peuple, écartelés entre désir de parler pour le bien commun et crainte de se compromettre, le conflit est cornélien.

Universités… 

On voit parfois des courageux. Le professeur Liu Fanzhong (Beida) déplore l’interférence du gouvernement dans la gestion des universités. En nommant sans cesse de nouveaux présidents, en imposant un système biaisé d’évaluation et de promotion des professeurs, le pouvoir décourage les idées nouvelles et ainsi devient un obstacle à l’innovation technologique. Ici on peut deviner, sous-entendue, la note du ministre de l’Education fin 2014, bannissant la propagation des « idées occidentales » dans l’univers des études. 

Brevets… 

L’alerte du professeur Liu vient tempérer le bilan optimiste de Wan Gang, ministre des Sciences & Technologies. Avec 660.000 brevets déposés l’an passé (+12%), le pays compte désormais 1600 incubateurs de startups, et versera 276 milliards de ¥ en subventions de recherche en 2015.
A son bilan, Wan ne voit qu’une ombre : gérés par une 40aine d’agences sans liens entre elles (civiles, militaires, ministérielles), ces crédits sont atomisés, parfois gaspillés en doublons et en fraude. Mais le problème devrait être réglé dès 2015 par une réorganisation de fond.

Le luxe au placard

Alors que dans le passé, les édiles faisaient la part belle aux marques de luxe, cette année les logos ostensibles ont disparu et Li Xiaolin (fille de Li Peng, repérée en 2012 avec un tailleur Pucci) se met même « au vert » avec un sac écolo. 

Fini les karaokés…vive la délation ! 

Les hôtels accueillant les délégués ont été priés de fermer leur salles de jeux et karaokés. Et nouveauté, une équipe d’inspection surveille tout écart de conduite, les édiles peuvent même se dénoncer les uns les autres par lettre anonyme dans une des 8 « boites rouges » à leur disposition.

Cinéma… 

L’Assemblée constate la contradiction entre le succès du box-office chinois (+ 34% l’an dernier, à 4,8 milliards de dollars) et la médiocrité des films tournés au pays, étranglés par la censure et pire, l’autocensure des producteurs. Pour obtenir le visa d’exploitation, dit Yin Li, réalisateur, il faut passer sous les fourches caudines d’un petit groupe de censeurs souvent âgés et vieux jeu.
Vu le risque financier, les réalisateurs sont obligés de rester dans le conventionnel, pour éviter de voir leur production coincée à l’arrivée. « Il manque une loi », s’excuse Wang Xingdong, président de l’étatique China Film Association. Celle-ci pourrait n’être plus trop loin : vu les milliards de dollars américains et chinois (groupe Wanda…) aujourd’hui investis en Chine dans de nouveaux studios, la pression augmente sur l’administration pour permettre à la Chine de concurrencer Hollywood.

Taxe foncière… 

Autre débat qui fait rage : la taxe foncière devrait être appliquée nationalement dès 2017. Elle est indispensable pour renflouer les budgets des provinces –aujourd’hui grevés d’une dette titanesque de 3000 milliards de dollars (cf édito). Les élus font front uni contre le « modèle occidental » d’une taxe « dès le 1er m² ». Mais ils se déchirent entre une taxe « en quota de surface par membre familial », ou « en quota d’appartements par membre familial ». L’une et l’autre favoriseraient les riches, mais la seconde plus que la première. Or, vu le niveau de fortune moyen notoire des députés, on sent affleurer, à travers ce débat, le conflit d’intérêt.

Âge de la retraite… 

Yin Weimin, ministre des Ressources Humaines et de la Sécurité Sociale, montait au créneau pour annoncer aux édiles le recul de l’âge de la retraite (60 ans pour les hommes, 55 ans pour les femmes), pour faire face au vieillissement de cette société qui en 2050, comptera 1,3 actif pour un pensionné (contre 3 en 2015), alourdissant ainsi la cotisation du travailleur de façon insupportable.
Dès 2012, selon la CASS, les deux tiers des fonds régionaux de pension dépensaient plus qu’ils ne recevaient, le pire étant le Heilongjiang avec plus de 20 milliards de ¥ de dettes. Cette province nordique ne comptait qu’1,42 travailleur par pensionné –signe que sa jeunesse s’est envolée, fuyant la pauvreté. Tang Jun, démographe à la CASS, avertit contre cet allongement de l’âge actif, et propose comme alternative, la réouverture de deux robinets aujourd’hui presque fermés : celle des berceaux et celle des frontières. 

Xinjiang… 

Zeng Cun, Secrétaire du Parti à Kashgar, dénonce le retour dans sa ville des voiles et autres niqabs depuis 2014, véritable « marche arrière culturelle ». Il ajoute que sa région est bien la « ligne de front du combat contre l’extrémisme religieux ». Mais ce qu’il oublie de dire, est ce que le pouvoir devrait faire (ou ne pas faire) pour amener la paix. Nul n’ose évaluer cette politique de gestion des minorités, qui divise mais qui demeure, depuis 35 ans.

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