Le Vent de la Chine Numéro 10-11 (XX)

du 15 au 21 mars 2015

Editorial : ANP – Le Plenum des surprises
ANP – Le Plenum des surprises

Débutée mezza voce, la session de l’ ANP s’achève (15/03) contre toute attente sur des situations fortes et nouvelles, concernant les rapports de force au sein de l’appareil et la dette publique. 

Trahissant un souci pour sa sécurité, Xi Jinping ordonna le remaniement du Bureau Central de Sécurité, sa garde personnelle, remplaçant la direction de ce corps d’élite qui avait été nommée sous Hu Jintao. Puis fut constatée l’absence en l’hémicycle de Hu Jintao et de Jiang Zemin, prédécesseurs de Xi qui d’ordinaire, n’auraient pas raté tel rendez-vous. L’absence de Hu pouvait se comprendre par un désir de repli suite au scandale de corruption de Ling Jihua. Son ex-bras droit avait été dénoncé comme corrompu le 13/01 par Xi devant la police interne du Parti. Mais l’absence de Jiang reste un mystère : à 88 ans, toujours pièce majeure de l’échiquier politique, il avait encore adressé en janvier un courrier au Bureau Politique.
Autre point, le plus étonnant : à en croire Duowei, site sino-américain, Ling Wancheng cadet de Ling Jinhua, se serait sauvé aux USA depuis des mois, traqué en vain par des dizaines d’espions chinois. Sa défection est estimée par RFI comme « une des plus importantes depuis la Révolution culturelle », vu l’épais dossier sur l’élite de l’appareil (remis par son frère aîné) qu’il apporterait au gouvernement américain.

Sur le plan financier, le ministre Lou Jiwei a dévoilé le plan pour désendetter les provinces. Tentaculaire, leurs dettes feraient 4,8 trillions de dollars (un PIB allemand) selon Société Générale, 4 trillions selon Mizuho, dont 450 milliards remboursables en 2015. Depuis 2011, leurs LGFV – outils financiers plus ou moins légaux – emprunteraient de plus en plus pour le service de leur dette (et non pour de l’investissement), et sur le marché gris à taux prohibitif : 7 à 8%, double de l’officiel. La solution trouvée consiste à forcer les bailleurs de fonds à convertir pour 160 milliards de $ en 2015, en obligations. Ce quota est réparti entre provinces : le Shandong, avec une dette publique de 190 milliards, recevra 8 milliards. Les prêteurs perdront la moitié de leurs intérêts (8 milliards de dollars pour toute la Chine en 2015). Ils obtiendront en échange la garantie sur leur principal. À terme, jusqu’à 30% de ces dettes locales seraient consolidées sous ce statut protégé. 

Bien des questions restent dans le flou : qui achètera ces obligations ? Pas l’Etat, c’est sûr, mais il fournira des incitations à l’achat. Qu’adviendra-t-il des énormes dettes non couvertes, tels les investissements de prestige ou les emprunts des corporations, passés de 72% du PIB en 2007, à 125% mi-2014, selon McKinsey ? Décidément, le remède retenu, loin d’être une panacée, semble être juste de nature à gagner du temps. Effet amusant de ce tournant historique : les provinces s’efforcent de gonfler au ministère du Commerce leurs déclarations de dettes (qui seront alors protégées), alors qu’en 2013, elles les minimisaient (pour éviter les sanctions). Enfin, le but revendiqué du plan reste bon pour le pays : fin 2016, s’il est bien mené, les milliers de LGVF auront vécu, relayées par des projets privés-publics—ou en faillite. Et pour l’essentiel, banques et marché gris devraient cesser d’être la « tirelire » de pouvoirs locaux irresponsables qui seront désormais forcés à assumer leur choix d’investissements..


Défense : Splendeur et misère de l’Armée Populaire de Libération

Le jour de l’ouverture de la session du Parlement (05/03), une annonce a particulièrement fait parler d’elle : celle de l’augmentation du budget de l’Armée Populaire de Libération (APL), fixée à 10,1% en 2015, soit nominalement 145 milliards de UD$, seconde allocation au monde. 

Suivant la perspective, la hausse est faible ou forte. Modeste, par rapport à celle de 2014, (+12,2%). Faible au regard du montant par soldat, bien moindre qu’aux USA ou au Japon : 57.000$ par an pour chacun de ses 2,3 millions d’hommes sous les drapeaux (plus large armée au monde), et dont il faut bien payer les soldes.

Mais forte, quand on la compare à celle du PIB de 2015 (estimé entre 6 et 7%). L’APL continue à recevoir plus que tout autre secteur, rappelant la décision de Deng Xiaoping dans les années 1990, de porter l’armée à un niveau de capacité, équipement et formation égale à l’US Army d’ici 2050. 

« De toute manière, précise Willy Lam, analyste hongkongais, le débat est faussé : le budget réel de l’APL est au moins 50 à 100% plus haut, en comptant les achats d’équipements à l’étranger et la R&D ». En 2014, la Chine passait troisième importateur d’armes – contre cinquième en 2013.

Ainsi en dix ans, l’APL a comblé une bonne partie de son retard, notamment en défenses aériennes et maritimes.
Elle compte un porte-avions, et un voire deux en construction, un avion « furtif » et différents types de chasseurs bombardiers dont un clone du Mig 31.
Chaque année voit l’adjonction à l’une de ses flottes de 6 à 8 destroyers, frégates ou corvettes ; quant aux sous-marins nucléaires ou conventionnels, ils seraient « supérieurs en nombre » à ceux de l’US Navy qui en compte 71, et d’une autonomie démontrée d’au moins 95 jours en haute mer.
Le 05/03, un porte-parole au Parlement signala encore que cette hausse était « la moindre en cinq ans ». Ce qui prête à réflexion. 

Pour Willy Lam, par sa modestie alléguée, cette hausse raisonnable viserait à rassurer les pays de l’ASEAN, sérieusement inquiets de la pénétration de l’APL dans leurs eaux des mers du Sud (les 6 bases dont elles se dote, sur des atolls proches des Philippines), et le Japon concerné par son approche dynamique autour des îles Senkaku (nom nippon) ou Diaoyu (vocable chinois). 

Nonobstant, une autre signification de cette hausse « limitée » est tout aussi plausible : elle porterait un avertissement du pouvoir central à l’armée chinoise, « pilier autonome » du régime, mais qui déçoit, tant par sa discipline que par ses résultats.

Selon un dernier rapport au Congrès américain, publié le 12/02 par Rand Corp., l’APL en dépit de sa boulimie de crédits (voire à cause de celle-ci), demeurerait vulnérable, percluse de corruption, en manque de personnel qualifié et d’entrainement. 

Xi Jinping, depuis son accession en 2012, promeut à étapes forcées une nouvelle couche de généraux, le plus souvent issus de la région militaire de Nankin (où il a passé une vingtaine d’années), pour relayer celles du Nord-Est et du Nord-Ouest. Mais l’arrestation récente de 14 généraux pour gabegie en dit long sur la déliquescence de cette défense. 

Parmi eux, sous enquête, figure Guo Zhengang, le fils de Guo Boxiong, jusqu’à l’an dernier vice-président de la Commission Militaire Centrale, l’autre ex-vice-président étant Xu Caihou. Ces deux hommes sont arrêtés pour corruption, aussi soupçonnés de connivence avec des leaders en disgrâce tels Bo Xilai et Zhou Yongkang. 

Si le budget militaire infléchit sa courbe de croissance, cela pourrait se lire comme l’avertissement de Xi à « notre nouvelle Grande Muraille » (我门的新长城):« entraînez-vous, cessez de détourner des fonds, obéissez, et pour les crédits, on verra ensuite ». 

Une autre des faiblesses de l’APL est son ossature archaïque, datant des années ‘50, où les 4 armes (terre, air, mer, artillerie) sont « saucissonnées » en 7 régions militaires. Xi voudrait une structure plus intégrée, capable d’engagement rapide incluant des moyens high-tech.

Par ailleurs, cette profusion de moyens nouveaux se transcrit-elle en capacité d’engagement ? La corrélation est moins évidente. En 2013, lors d’un exercice de 9 jours en Mongolie Intérieure, la moitié des tanks de la 27ème Division tomba en panne sous 48h. 

En tout cas, notent les stratèges étrangers, l’APL ne s’est pas confrontée sur un théâtre d’opérations à un quelconque adversaire depuis 35 ans, suscitant ainsi des doutes sur ses capacités et sa discipline.
Sur ce point, les propos de Xi Jinping, chef de l’Etat et commandant en chef de l’APL (cf photo), sont éclairants : « une armée forte, est celle qui met l’obéissance au Parti devant même sa capacité de vaincre ».
En décembre, le général Luo Yuan est plus spécifique encore : « sans d’abord terrasser l’hydre de la corruption, nous perdrons toute guerre, avant même qu’elle ne soit engagée ».


Politique : ANP – Autres bruits de couloirs

Entre meetings, plénières et tasses de thé, les 5200 élus de l’ANP et de la CCPPC offrent une instructive version de démocratie « à la chinoise ».
Les journalistes (étrangers ou locaux) accèdent presque librement aux réunions, mais à peine dans la salle, le président de séance dénonce leur présence aux délégués et leur conseille de tenir leur langue – toute vérité n’est pas bonne à dire. Même Jackie Chan, lors d’une séance sur la culture, déclara qu’il ne dirait plus rien en leur présence. Pour ces représentants du peuple, écartelés entre désir de parler pour le bien commun et crainte de se compromettre, le conflit est cornélien.

Universités… 

On voit parfois des courageux. Le professeur Liu Fanzhong (Beida) déplore l’interférence du gouvernement dans la gestion des universités. En nommant sans cesse de nouveaux présidents, en imposant un système biaisé d’évaluation et de promotion des professeurs, le pouvoir décourage les idées nouvelles et ainsi devient un obstacle à l’innovation technologique. Ici on peut deviner, sous-entendue, la note du ministre de l’Education fin 2014, bannissant la propagation des « idées occidentales » dans l’univers des études. 

Brevets… 

L’alerte du professeur Liu vient tempérer le bilan optimiste de Wan Gang, ministre des Sciences & Technologies. Avec 660.000 brevets déposés l’an passé (+12%), le pays compte désormais 1600 incubateurs de startups, et versera 276 milliards de ¥ en subventions de recherche en 2015.
A son bilan, Wan ne voit qu’une ombre : gérés par une 40aine d’agences sans liens entre elles (civiles, militaires, ministérielles), ces crédits sont atomisés, parfois gaspillés en doublons et en fraude. Mais le problème devrait être réglé dès 2015 par une réorganisation de fond.

Le luxe au placard

Alors que dans le passé, les édiles faisaient la part belle aux marques de luxe, cette année les logos ostensibles ont disparu et Li Xiaolin (fille de Li Peng, repérée en 2012 avec un tailleur Pucci) se met même « au vert » avec un sac écolo. 

Fini les karaokés…vive la délation ! 

Les hôtels accueillant les délégués ont été priés de fermer leur salles de jeux et karaokés. Et nouveauté, une équipe d’inspection surveille tout écart de conduite, les édiles peuvent même se dénoncer les uns les autres par lettre anonyme dans une des 8 « boites rouges » à leur disposition.

Cinéma… 

L’Assemblée constate la contradiction entre le succès du box-office chinois (+ 34% l’an dernier, à 4,8 milliards de dollars) et la médiocrité des films tournés au pays, étranglés par la censure et pire, l’autocensure des producteurs. Pour obtenir le visa d’exploitation, dit Yin Li, réalisateur, il faut passer sous les fourches caudines d’un petit groupe de censeurs souvent âgés et vieux jeu.
Vu le risque financier, les réalisateurs sont obligés de rester dans le conventionnel, pour éviter de voir leur production coincée à l’arrivée. « Il manque une loi », s’excuse Wang Xingdong, président de l’étatique China Film Association. Celle-ci pourrait n’être plus trop loin : vu les milliards de dollars américains et chinois (groupe Wanda…) aujourd’hui investis en Chine dans de nouveaux studios, la pression augmente sur l’administration pour permettre à la Chine de concurrencer Hollywood.

Taxe foncière… 

Autre débat qui fait rage : la taxe foncière devrait être appliquée nationalement dès 2017. Elle est indispensable pour renflouer les budgets des provinces –aujourd’hui grevés d’une dette titanesque de 3000 milliards de dollars (cf édito). Les élus font front uni contre le « modèle occidental » d’une taxe « dès le 1er m² ». Mais ils se déchirent entre une taxe « en quota de surface par membre familial », ou « en quota d’appartements par membre familial ». L’une et l’autre favoriseraient les riches, mais la seconde plus que la première. Or, vu le niveau de fortune moyen notoire des députés, on sent affleurer, à travers ce débat, le conflit d’intérêt.

Âge de la retraite… 

Yin Weimin, ministre des Ressources Humaines et de la Sécurité Sociale, montait au créneau pour annoncer aux édiles le recul de l’âge de la retraite (60 ans pour les hommes, 55 ans pour les femmes), pour faire face au vieillissement de cette société qui en 2050, comptera 1,3 actif pour un pensionné (contre 3 en 2015), alourdissant ainsi la cotisation du travailleur de façon insupportable.
Dès 2012, selon la CASS, les deux tiers des fonds régionaux de pension dépensaient plus qu’ils ne recevaient, le pire étant le Heilongjiang avec plus de 20 milliards de ¥ de dettes. Cette province nordique ne comptait qu’1,42 travailleur par pensionné –signe que sa jeunesse s’est envolée, fuyant la pauvreté. Tang Jun, démographe à la CASS, avertit contre cet allongement de l’âge actif, et propose comme alternative, la réouverture de deux robinets aujourd’hui presque fermés : celle des berceaux et celle des frontières. 

Xinjiang… 

Zeng Cun, Secrétaire du Parti à Kashgar, dénonce le retour dans sa ville des voiles et autres niqabs depuis 2014, véritable « marche arrière culturelle ». Il ajoute que sa région est bien la « ligne de front du combat contre l’extrémisme religieux ». Mais ce qu’il oublie de dire, est ce que le pouvoir devrait faire (ou ne pas faire) pour amener la paix. Nul n’ose évaluer cette politique de gestion des minorités, qui divise mais qui demeure, depuis 35 ans.


Finance : La Chine trouve son autoroute en devises

Discrètement, mais non sans fierté, la Banque Centrale chinoise laisse filtrer la nouvelle : d’ici décembre au plus tard, ses difficultés techniques rencontrées l’an passé étant résolues, le CIPS (China International Payment System) entrera en fonction fin 2015 au plus tard, permettant les paiements en renminbi depuis l’étranger. Il est aujourd’hui encore testé par 20 banques (13 chinoises et 7 étrangères).

Jusqu’alors, les échanges se font via le réseau occidental SWIFT, lequel annonçait début janvier que le yuan se hissait à la 5ème place du classement des devises les plus utilisées en 2014.

Pour l’heure, pour facturer de l’étranger vers la Chine ou vice-versa, il faut passer par les quelques banques de compensation en RMB offshore (dites de « clearing ») ouvertes à Hong Kong, Singapour, Luxembourg, Londres ou Paris, ou recourir à une banque chinoise depuis la Chine. 

Dès son lancement, le CIPS supprimera les intermédiaires, d’où un gain de temps et de frais de commissions, loin d’être négligeables. De 1946 à 2002, l’historien des finances Niv Horesh (Université de Nottingham), cite un gain du trésor américain de 953 trillions de dollars. Et dans le cas où le CIPS s’imposerait comme l’instrument de paiement en Asie du Sud-Est et de l’Est, la Banque Centrale chinoise encaisserait 744 trillions de yuans sur 10 ans. Disparaitront aussi les délais techniques empêchant les paiements à certaines heures, tout comme les erreurs de traduction qui occasionnent le retard ou la perte des fonds. 

Au profit de l’Etat, le CIPS accélérera la banalisation du yuan dans le monde et l’émergence de la Chine en puissance monétaire. En réduisant son usage des devises étrangères, la Chine réduira aussi son risque de change sur ses réserves. 

Une raison à l’accélération du CIPS a été l’exclusion de la Russie du réseau SWIFT, comme sanction pour sa guerre ukrainienne. Dès lors en février, Moscou a lancé son propre mécanisme, avec 91 banques pour commencer. Pékin se devait d’emboiter le pas pour se prémunir d’un risque identique et pour soutenir le réseau russe –seul, il demeurait inefficace. 

La dernière raison n’est pas la moindre : l’affaire Snowden a révélé la capacité de la NSA à craquer le réseau SWIFT et les affaires de la Chine hors frontières, qui ne peut pas tolérer un si puissant espionnage.
Pour le réseau CIPS, le compte à rebours est engagé. Quelles conséquences peut- on dès maintenant en attendre ? 

Pas par hasard, la Chine lancera en même temps que son CIPS, trois « routes de la soie » dites « yīdài yīlù  », (一带一路, « une ceinture, une route »). Traversant l’Asie du Nord-Ouest, du Sud-Est et du Sud, ces projets qui ambitionnent de modifier les vies de centaines de millions d’habitants, ouvriront des nouveaux trafics et centres de production, souvent financés en yuans, pour des centaines de trillions de dollars sur un demi-siècle. 

Si le CIPS peut être accéléré, c’est aussi suite au constat que les banques chinoises, dans les années de crise succédant à 2008, ont mieux résisté que celles d’Europe et d’Amérique. Aucune faillite ou douloureux plan de sauvetage n’y a été enregistré. Au contraire, la croissance moyenne a été de 9%.

Ce CIPS va constituer un grand pas vers la convertibilité du yuan et la libre circulation des fonds. Il manque à cette fin, toutefois, la libération des comptes capitaux— la libre-circulation des capitaux étrangers en Chine, et vice-versa. On en est encore loin. 

La Chine n’est pas prête à une telle mesure, qui la privera de sa liberté de fixer la valeur de sa monnaie (et donc, de gonfler ses exportations), et la privera aussi de sa « grande muraille monétaire » contre les capitaux spéculatifs dits « hot money ». Elle sera donc plus vulnérable à des attaques de fonds étrangers, contre ses bulles, immobilières ou du pétrole, par exemple. 

Une conséquence de l’arrivée du CIPS concernera la Russie. Les deux pays ayant lancé presque simultanément leurs « SWIFT-bis », ils voudront les interconnecter. Il en résultera un approfondissement de la coopération, qui va dans le sens politique voulu par leurs leaders, et dans leurs intérêts nationaux de concurrence et de contestation de la puissance des Etats-Unis. Pour autant, il reste aujourd’hui peu probable que cette coopération aille jusqu’à une intégration, tant les divergences et méfiances culturelles demeurent profondes. 

Prenons acte pour conclure des intentions exprimées par Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la Banque Centrale sur le départ, l’un des artisans du CIPS : il ne s’agit pas de supplanter le dollar U.S en tant que monnaie mondiale de réserve, mais plutôt de contrôler l’internationalisation contrôlée et progressive du yuan, dans le commerce extérieur et les investissements à l’étranger. 

Certains observateurs soupçonnent la Chine de viser en matière monétaire, un renforcement considérable de son influence mondiale, comme elle semble vouloir le faire aussi en d’autres domaines, diplomatique et militaire en particulier. Mais la Chine elle, affirme rechercher un scénario différent de ceux historiquement suivi par l’Europe et les Etats-Unis. En attendant de voir ce qu’elle fera, elle a droit au bénéfice du doute.


Société : Le féminisme inquiète

Une des attractions des sessions parlementaires aura été les femmes des minorités Yi ou Dai, chamarrées de soieries et d’argent. Mais les statistiques sont moins chatoyantes : à l’ANP, les « élues » étaient 23% et à la CCPPC, 18%. Les instances publiques ne se pressent pas pour accorder la parité à « la moitié du ciel ». 

Le 8 mars était la Journée mondiale de la femme. Un peu partout en Chine, les militantes préparaient des actions innocentes, comme pour dénoncer les mains baladeuses à bord des bus. Mais dès l’avant-veille, la police arrêtait à domicile 10 meneuses, et le lendemain du 8 mars, la moitié des interpellées demeuraient sous les verrous. 

Si l’Etat avait préféré casser net cette action c’était d’abord parce que la date coïncidait avec celle des sessions parlementaires, temps où sa patience atteint vite ses limites. La D’autre part, certaines des causes défendues étaient mal acceptées, telle la défense des droits homosexuels, ou cette lutte contre les violences au foyer, menée par des militantes en robes de mariées ensanglantées. La Chine socialiste ne veut à aucun prix sur son sol des Femen flamboyantes telles qu’on les voit entre Londres ou Moscou. Enfin, l’Etat manifestait son souci contre le succès-même du féminisme en Chine : lors du Gala TV du Nouvel an (regardé par 700 millions de personnes) les plaisanteries déplacées contre les femmes seules, proférées par les humoristes officiels, ont suscité sur internet de puissantes protestations et pétitions, qui ont inquiété.

Pourtant, le besoin en protection du sexe « faible » est urgent : d’après tous les sondages, 4 femmes sur 10 sont battues, et cette violence, loin de régresser, progresse.

Mais dans cette société paradoxale, on voit le balancier repartir en sens inverse. Le 4 mars, la Cour suprême émettait des définitions juridiques de la violence conjugale, et fixait les devoirs de la police et des juges, avec des sanctions pouvant atteindre la peine capitale. 

Durant la double session, un expert national, le professeur Ke Qianting, de l’université Sun Yat-sen, estimait possible l’adoption dès mars de la loi sur la violence conjugale, discutée depuis l’an dernier (lien). Ce texte fait un grand 1er pas en criminalisant les coups et blessures au foyer.
En somme, face à la femme, le régime n’agit pas différemment que face à tout autre facette de la demande de la Chine en démocratie. Il accepte à petits pas, les mesures qui lui conviennent à un moment donné et réprime le reste.


Société : L’orage annoncé des ONG

La vie interne du pouvoir chinois, et ses contradictions apparaissent au mieux à travers la question des ONG, Organisations Non Gouvernementales. Les leaders sont conscients de leur entrée en jeu inéluctable, pour associer la population à la défense de grandes causes : environnement, groupes vulnérables. En fait, aucun Etat n’est capable de faire face seul à ces défis. Mais ce travail de construction d’une société civile, même en respectant l’essentiel des privilèges de la classe politique, empiète quand même sur le monopole du pouvoir : ceci, une fraction du régime n’est pas (encore) prête à accepter. 

Les ONG en Chine seraient, selon un porte-parole à l’ANP, 500 000 locales, et 6000 étrangères—dont 1000 permanentes et 5000 intermittentes sur des projets ponctuels. 

Au Parlement, un intéressant débat a eu lieu sur ce thème. Une loi se prépare, connue dans ses grands traits, qui prétend fragiliser l’implantation des ONG, surtout celles étrangères exerçant une attraction intense et apportant technologies, tradition altruiste de l’extérieur, et surtout finances. 

Les ONG étrangères dépendraient du ministère de la Sécurité Publique et non plus des Affaires civiles. Le MSP aurait charge de les accréditer et d’approuver leur budget. Les ONG devraient se trouver une instance publique garante (chose qui élimine presque tout travail juridique ou sur les droits de l’Homme). Interdite de se financer hors frontières, elles serait pourtant considérées comme « unités commerciales », et interdites d’activités « non conformes aux traditions morales de la société chinoise » (un concept extensible et flou). Elles ne pourraient pas davantage établir des filiales à travers le pays. Tout ceci, au nom de la sécurité de la nation. De toute manière, selon Shawn Shieh, du China Labor Bulletin de Hong Kong, « pour la société civile en général, les temps sont durs : tout le monde se terre ». 

La suite se résume à deux questions : comment cette loi sera appliquée, et comment cette société, avec ses forces sociales réduites à l’impuissance, réagira et poursuivra sa croissance ?


Portrait : Chen Jining, la nouvelle étoile verte
Chen Jining, la nouvelle étoile verte

À 65 ans, atteint par la limite d’âge, Zhou Shengxian n’est pas sorti auréolé de ses 8 ans à la tête du ministère de l’Environnement. En refusant de publier les données sur la gravité de la pollution, Zhou s’était attiré le sobriquet de « ministre de la protection du secret de pollution », et en 2013 à la session de l’ANP, avait été élu le plus impopulaire ministre, en raison du record de pollution de l’air, fin janvier 2013 dans Pékin (994 PM 2,5).

Zhou est relayé par Chen Jining (陳吉寧) (cf photo), universitaire de 51 ans, plus jeune ministre du pays, et un des plus brillants. Natif de Lishu (Jilin) en 1964, il intègre Tsinghua à 17 ans, le phare universitaire, puis à 24 ans le Imperial College de Londres, où il obtient à 28 ans un doctorat en environnement (maîtrise de l’eau). 

De retour au pays en 1998, le revoilà à Tsinghua, professeur à 34 ans, n°2 à la faculté d’environnement. En 2012 à 48 ans, il est président de l’université, promu par Chen Xi (Secrétaire du Parti à Tsinghua) un ex-camarade de classe de Xi Jinping, dont il attire l’attention sur le jeune prodige. 

Chen est régulièrement sollicité lors de catastrophes environnementales, telle en 2006 lors de la pollution au benzène de la rivière Songhua par une explosion dans une raffinerie de la CNPC

En janvier 2015, il devient Secrétaire du Parti de Tsinghua – tremplin pour un poste ministériel. La nomination à la tête du ministère a surpris certains, arguant de son inexpérience en politique. 

Son parcours rappelle celle d’un autre ministre, Wan Gang, 11 ans en Allemagne (contre 10 ans à Londres pour Chen Jining), y ayant passé un doctorat en ingénierie puis dirigé chez Audi un programme de design virtuel, avant de revenir comme président de l’université Tongji (Shanghai) puis devenir ministre des Sciences et Technologies, poste qu’il occupe toujours. 

Durant son passage à Tsinghua, Chen Jining a fait considérablement avancer l’université en énergies « vertes », la dotant d’un super-laboratoire et centre d’études. Chen passe pour un homme au langage simple et direct, mais doté d’une vision forte des enjeux d’avenir. Son défi le plus fort, de ses propres mots, sera ce « conflit sans précédent entre croissance et environnement », entre l’option de ne déranger personne, quitte à se mettre à dos sa conscience et l’opinion, et celle d’agir, provoquant la colère des industriels et secrétaires provinciaux. 

Il a en tout cas démarré très fort, en apportant dès le 1er mars son soutien public à la journaliste Chai Jing et son reportage-vérité « Sous le dôme ». 

De même, à peine installé, il a convoqué les maires de Linyi (Shandong) et Chengde (Hebei) pour faire sanctionner, voire fermer des dizaines d’aciéries et cokeries non équipées de filtres, excédant les plafonds de pollution et/ou remettant des rapports d’émissions falsifiés. 

Puis en marge du Plenum de l’ANP et de la CCPPC, Chen a rencontré la presse (05/03), ce que son prédécesseur évitait studieusement, et ne mâcha pas ses mots, ce qui n’est pas courant.
Parmi ses mots d’ordre mobilisateurs, citons : « Nous souffrons tous du smog, et nous en sommes tous émetteurs… Ne restons pas témoins passifs mais réagissons ! C’est le moyen le plus court de faire revenir le ciel d’azur… Dans le passé, certains ministères ont appliqué avec douceur les lois environnementales. En fait, les ignorer était devenu un genre de normalité… Dorénavant nous poursuivrons les pollueurs illégaux et appliquerons les lois vertes avec des dents d’acier… Nous adjurons les citoyens à dénoncer tous les cas de pollution illégale qu’ils verront… et ouvrons un compte du ministère sur WeChat, à cet effet. La nation n’a pas encore déployé tout son potentiel de lutte anti-pollution, du fait de sa faible capacité en innovation technologique…».

Néanmoins, à peine 8 jours après sa nomination, Chen se faisait « taper sur les doigts » pour avoir publiquement soutenu l’émission plébiscitée par 200 millions d’internautes – le régime pris de court par l’engouement immense, l’avait fait éradiquer de la toile locale. 

Décidément, le leadership, sur l’environnement, n’est pas de mauvaise volonté – mais simplement divisé ! Est-ce à dire que Chen a été nommé pour « faire comme avant » ?

Zhang YongEnfin, il faut noter qu’en même temps que Zhou Shengxian, c’est Xie Zhenhua qui part « à la retraite », le négociateur climatique depuis 2007, connu pour ses positions pour le moins réservées sur la coopération mondiale. Il est remplacé par Zhang Yong, jusqu’alors patron de la China Food and Drug Administration (cf photo). Zhang Yong représentera la Chine fin novembre à Paris pour le COP 21. Il reste du temps à Zhang pour rencontrer ses interlocuteurs étrangers avant le sommet parisien.

En tout cas, ces deux nominations représentent l’opportunité d’une nouvelle ère.

NB : Le reportage « Sous le dôme » (穹顶之下) n’est plus accessible en Chine, mais sur YouTube, entièrement sous-titré en anglais


Petit Peuple : Pékin – Papi fait de la résistance (2ème partie)

Résumé : admis en août 2011 à l’hôpital Jingmei, dans le district de Mentougou (Pékin), Chen Mou, 51 ans, a exigé d’y retourner 3 mois plus tard – mais en se gardant bien d’avertir les médecins qu’il n’a plus d’assurance médicale…

De retour à l’hôpital Jingmei, en novembre 2011, les médecins préparèrent pour Chen, un programme des plus sérieux pour le guérir d’une thrombose. La physiothérapie débuta, associée à un régime et à deux séances quotidiennes de musculation. Des cachets furent prescrits pour fluidifier le sang et donner un coup de fouet à la circulation. Chaque semaine, les progrès étaient suivis par IRM. 

Pendant ce temps, Ma, son épouse, l’appelait chaque jour, anxieuse de rétablir le dialogue, après leurs disputes répétées au foyer. Il répondait parfois, mais pas toujours. Quand le programme à la télévision l’intéressait, il laissait sonner dans le vide. Les samedis, elle venait passer des heures à ses côtés, lui porter les gâteries interdites – le baijiu (tord-boyaux qu’il prenait la nuit, après le dernier passage de l’infirmière) et ses cigarettes « Pagode rouge », qu’il fumait en douce au parc. Mais malgré ses efforts pour retourner dans ses bonnes grâces, il continuait à la battre à froid.

Fin janvier 2012, après 3 mois, ses médecins lui communiquèrent les derniers tests : il était absolument guéri, et « pouvait » partir ! 

Chen alors, se redressant, protesta indigné : c’était là une grande erreur, il souffrait toujours le martyr, incapable de tenir sur ses jambes. Il accompagna sa diatribe d’une mascarade de douleurs grandiloquentes, tout en massant maladroitement ses membres postérieurs.. Sur quoi, les médecins ressortirent, désemparés.
Il faut savoir qu’en ce pays, en cas de désaccord, nul ne peut prendre de décision unilatérale : l’entente est de rigueur. Au nom de cette règle venue du fond des âges, l’hôpital n’eut donc autre choix que de garder l’indésirable client qui peut alors y demeurer. 

Au début, les hommes en blanc tentèrent de riposter à son agression en lui refusant tous soins. Mais cette bataille-là, ils la perdirent : au bout de quelques jours, Chen perça son chemin au bloc des consultations pour obliger les médecins à l’ausculter. Suite à quoi, pour éviter que ne se reproduise un tel scandale nuisible au bon renom de l’établissement, l’hôpital dut continuer à soigner ce malade aussi irascible qu’imaginaire.

Chen avait alors 52 ans. Il venait de passer son anniversaire seul dans sa chambre. Ma, résignée, venait moins souvent. En mars, l’hôpital découvrit enfin l’étendue du désastre : ses factures et assignations à payer demeuraient lettre morte, et il n’y avait aucun assuré au numéro demandé. Chen avoua enfin qu’il avait dépassé le quota de soins auxquels ses cotisations lui donnaient droit.
De longs mois passèrent ainsi… De peur qu’on ne lui reprenne son précieux lit, il ne sortait plus. C’est ainsi qu’il manqua au printemps 2014 le mariage de son fils, pourtant venu le supplier de sortir pour la noce, et bénir son union. 

Et chaque fois que les surveillants venaient le raisonner, il hurlait en exigeant son avocat, s’isolait derrière son masque à oxygène, se réfugiait sous les draps et ne voulait plus rien savoir. Au total, c’étaient 20 sommations qu’il avait reçues, sans en tenir compte. 

Quand, en octobre 2014, l’hôpital Jingmei réalisa que ses frais se montaient à plus de 2 millions de yuans, dont il ne recouvrerait pas un fifrelin – les deux époux étant chômeurs – il eut recours à l’ultime manœuvre : une plainte en justice.
La Cour instruisit l’affaire. Chen refusa de se rendre à l’audience, criant à la fraude de l’hôpital « avec ses faux tests ». Ce n’est que quand le juge lui proposa d’autres tests par une tierce partie, tout en l’avertissant que s’il poursuivait dans son obstruction il perdrait la protection de la loi, qu’il finit par céder. 

Dès lors, les choses se débloquèrent. En une semaine, les tests extérieurs, sous constat d’huissier, furent publiés, corroborant ceux de l’hôpital. Le 10 décembre, le juge enjoignit Chen d’évacuer les lieux sous 15 jours. À l’issue du délai, le juge en personne se déplaça, avec ses huissiers et une escouade de la police spéciale du tribunal. Ils trouvèrent Ma ainsi que Sun, la nièce, rassemblées dans la chambre, autour de Chen ! Le juge dut quand même les menacer de 15 jours de prison ferme si elles continuaient de la sorte à s’interposer, et les persuada de sortir. 

Papi Hopital CadenasUne fois face à leur client, une ultime surprise les attendait : soulevant le drap, ils constatèrent que Chen s’était enchaîné d’un poignet à son lit, de l’autre à celui d’à côté. C’était ce qu’il avait trouvé pour protéger son « jardin d’Eden imaginaire » (shì wài táo yuán, 世外桃源). Cinq minutes et une pince-monseigneur, suffirent pour faire sauter le dérisoire moyen, suite à quoi il fut porté, hurlant comme un goret jusqu’à chez lui, où il rentra après 3 ans et demi d’absence, sans autre cause que sa folie. 

Avec sa femme, il allait au moins pouvoir renouer : de retour à la maison, il n’aurait d’autre choix que de faire table rase du passé et de renouer!


Rendez-vous : Semaine du 16 au 22 mars 2015
Semaine du 16 au 22 mars 2015

19-22 mars, Shanghai : « Rendez-vous à Roland Garros » à la Shanghai Tencher Tennis Academy,  tournoi permettant à un jeune Chinois et une jeune Chinoise (de 13 à 18 ans) de se qualifier pour une phase finale à Paris et d’affronter un Brésilien et un Indien pour gagner une Wildcard pour le tournoi de Roland-Garros Junior à Paris, du 24 mai au 7 juin.
Durant à la compétition à Shanghai, venez également admirer les mythiques Trophées.

17-19 mars, Shanghai : SEMICON China, Salon international pour l’équipement des semi-conducteurs

18-20 mars, Shanghai : CHIC, Salon international de l’habillement et des accessoires

18-20 mars, Pékin : China Attractions Expo, Salon chinois des parcs d’attraction

18-20 mars, Shanghai : CFTE, CSCE, ICC China, YARN Expo Zone, Salon du textile et accessoires

18-22 mars, Canton : HOME TEXTILE & HOMEDECOR, Salons de la décoration et de l’aménagement intérieur

18-22 mars, Canton : OUTDOOR & LEISURE, Salon des loisirs de plein air

20-23 mars, Shanghai : Salon du Marché de l’immobilier

21– 23 mars, Pékin—Diaoyutai State Guesthouse : China Development Forum , sponsorisé par le Centre de Recherches pour le Développement, du Conseil d’Etat

24-26 mars, Shanghai : DOMOTEX ASIA/ CHINA FLOOR, Salon professionnel international du revêtement de sol et équipements, pour l’Asie Pacifique et la Chine

24-26 mars, Shanghai : INTERMODAL Asia, Salon et Conférence sur le transport naval et la logistique portuaire

24-26 mars, Shanghai : R+T ASIA, Salon professionnel des volets déroulants, portes et portails et protections contre le soleil

24-27 mars, Chengdu : VINITALY, Salon du vin et des spiritueux en Chine

25-27 mars, Suzhou : BUSWORLD, Salon professionnel pour l’Asie, des bus et transport publics