Selon Confucius, chaque année pour le
Chunjie, la Chine doit régler ses problèmes et faire aboutir ses projets, histoire de pouvoir aborder cette année du Cheval au galop et sans épines sous le sabot. <p>Aussi les 2 super commissions imposées par Xi Jinping en novembre 2013 (NSC pour la sécurité, et la Commission Réforme) virent leurs fonctions précisées et leurs membres nommés. Elles vont désormais décider des priorités (celles à soutenir, comme celles à proscrire), et distribueront les responsabilités exécutives entre ministères.Tout cela met fermement les rênes aux mains de Xi, Président des 2 commissions. Seuls 2 des 7 membres du Comité Permanent (l’«organe suprême») n’ont pas trouvé leur place dans les nouveaux organes :
Yu Zhensheng et Wang Qishan, patrons de la CCPPC (Conférence Consultative Politique du Peuple chinois) et de la CCID, la police du Parti.
Pour, Yu Zhensheng, à la tête d’une Chambre consultative aux pouvoirs symboliques, rester hors des sphères décisionnelles ne peut que renforcer son aura de neutralité objective.
Wang Qishan
lui, à la tête de la CCID, garde indéniablement la confiance du Président: pour ce grand commis de l’Etat et pourfendeur des corrompus, rester hors de la NSC est un atout opérationnel: la position l’abritera des pressions visant à épargner tel prince rouge ou tel lobby.
Mais cette nouvelle structuration du sommet de l’appareil impose la question de sa finalité : s’agit-il de renforcer l’exécutif en le rendant plus personnel et moins collégial ? Si cela se vérifiait, ce serait la fin de 30 ans d’une recette politique de Deng Xiaoping, et un retour à une formule plus maoïste, voire militaire. L’avenir le dira…
La NSC aura deux directions, « générale » et « financière ». Cette dernière contrôlera les influx d’argent chaud, ces milliards de $ qui (re-)passent en Chine, avec pour effets d’alimenter le crédit gris et de rehausser le cours du yuan.
La 1ère action de la NSC aura peut-être été de sauver le China Credit Trust d’une faillite au 1er février. Manquaient à ce fonds de gestion de fortune, 496 millions de $ d’épargne qui avait été levée sous forme d’obligations pour Zhenfu Energy, groupe minier du Shanxi. Officiellement, pour des investissements, mais en fait pour refinancer la dette du groupe. Or le 29/01, date butoir du remboursement, et de la faillite attendue, trois sources « anonymes » payèrent (identifiées par la presse comme la province, l’ICBC et le propriétaire Wang Pingyan), sauvant ainsi China Credit Trust. Issue inespérée pour les 700 agioteurs ayant misé sur ce mauvais cheval : ils récupèreront leur mise.
Mais pour l’Etat, c’est une mauvaise nouvelle. Le tandem Xi Jinping/Li Keqiang voit ainsi frustrée son ambition de « laisser jouer le marché ».
Aussi les provinces et les fonds de gestion de fortune peuvent croire que l’Etat, par peur d’un effet boule de neige sauvera indéfiniment leurs investissements ratés.
Selon Morgan Chase, ces 67 fonds ont 1670 milliards de $ placés. Le crédit gris lui, en lien avec les banques (pour contourner les consignes centrales) « pèse » 5950 milliards de $. Le monde attendait que Pékin laisse advenir une faillite, à titre d’exemple: le cas China Credit Trust vient de prouver que face à cette épreuve, il venait de refuser l’obstacle.
Le sort veut qu’au même moment, les tribunaux condamnent jusqu’à 4 ans, 3 des 8 militants du groupe « nouveaux citoyens », pour avoir revendiqué la publication des patrimoines des hauts cadres. Cette série de verdicts qui casse à moyen terme tout espoir de réforme ou de militance citoyenne, a été voulue par le sommet de l’appareil.
Entre ces verdicts sans concession et le sauvetage du fonds failli, on croit discerner une volonté d’exprimer un pouvoir fort: de frapper à gauche et à droite (les hauts cadres, et les dissidents) : pour s’assurer à moitié leur soutien, à moitié leur obédience.
Enfin, la nuit du Chunjie, le gala de la CCTV vit le présentateur en costume Mao, et de nombreuses performances directement resurgies de l’ère révolutionnaire. Xi Jinping lui, revenait d’une visite au porte-avions « Liaoning », où il avait enjoint ses marins aviateurs d’accélérer leur passage à la capacité opérationnelle.
Ce virement à gauche n’a pas empêché le gala de battre tous les records mondiaux d’audimat, dépassant les 750 millions de téléspectateurs en Chine continentale seulement. Difficile dès lors, de pronostiquer un mécontentement de la base, une fêlure dans le Rêve de Chine. Cette Chine va de l’avant, impavide face aux froncements de sourcils des démocrates intérieurs, comme de l’étranger !
Sommaire N° 6