Hong Kong : Occupation à Hong Kong : double coup de théâtre

A Hong Kong, après avoir tenu 8 jours la Une de la presse mondiale, le sit-in « Occupy Central » commençait à se dissiper le 6 octobre. La « révolution des parapluies » (ainsi nommée car ces derniers servaient aux manifestants à se protéger des gaz lacrymogènes), avait canalisé la colère de centaines de milliers de jeunes, suite à la décision de Pékin (31/08) de renier sa promesse de suffrage universel complet pour l’élection du Chef de l’Exécutif dès 2017. Au 06/10 donc, le mouvement se défaisait suite à un rendez-vous pris entre étudiants et Carrie Lam, chef de l’Administration.

Mais dès jeudi, 2 rebondissements ont ranimé le mouvement: 

– prétextant une « mauvaise attitude » des étudiants, Mme Lam annulait la rencontre. D’autre part, au même moment,
CY Leung, le Chef de l’Exécutif, était accusé par la presse australienne d’avoir touché 6,5 Millions$ au début de son mandat, dans le cadre d’une transaction non déclarée.
Cette révélation tombe au pire moment pour lui. Sa cote est en effet au plus bas auprès des étudiants, lui reprochant sa complaisance envers Pékin et sa rudesse envers eux : 27.000 policiers avaient matraqué, tiré des gaz lacrymogènes et à poivre et n’avaient pas bougé lors de frappes de groupes mafieux contre leurs campements. Aux yeux de la rue, Leung s’était donc mis hors course, « traître » aux libertés de la RAS.
Soutenus par l’opinion dans la Région Administrative Spéciale, les étudiants réclament donc aussi la démission de Leung. Or, cette révélation à ce moment si sensible, ne pouvait être qu’intentionnelle, pour acculer ce leader à la démission : dès la nouvelle connue, l’ICAC, l’institut indépendant anti-corruption a annoncé l’ouverture d’une enquête, pouvant aboutir à son départ forcé.
De cette fuite, qui en est l’auteur ? Sin Chung-kai, député de Hong Kong prétend qu’il s’agit de Pékin en personne. L’hypothèse est audacieuse et sans preuve, mais crédible, même si huit jours plus tôt, Pékin soutenait encore « son » patron de la RAS. En effet, la situation dans l’île s’ est désormais radicalisée. Jusqu’àlors, Pékin appliquait face à la crise le mot d’ordre « 不妥协不流血» (bùtuǒxié bùliúxuè), « ni concéder, ni verser le sang », qui était un compromis entre réformistes et conservateurs : au sommet, le PCC se proposait de trancher plus tard sur le fond du problème.
Mais le déni par Mme Lam du rendez-vous avec les étudiants, changea toute la donne. Il fut aggravé par une autre annonce faite en même temps par ce gouvernement local : le Chef de l’Exécutif et sa patronne de l’Administration quittaient dès le lendemain (11/10) Hong Kong pour un colloque au Guangdong – il était difficile d’imaginer pire camouflet aux étudiants. 

Aussi dès le 10/10 au soir, plus de 10.000 jeunes étaient de retour, avec tentes et équipements pour redémarrer « Occupy Central ».
Confronté à la relance d’un mouvement qui conteste son autorité, Pékin ne pourra rester longtemps passif. Il lui est impossible de céder à la revendication principale (revenir sur sa décision du 31 août, tolérer le suffrage universel). Mais il pourrait accéder à la seconde : écarter ce Chief Executif mal aimé permettrait sans doute de calmer les esprits et mettre fin à l’occupation. Or, l’exposer comme personnage corrompu, serait pour Xi Jinping une des seules raisons légitimes pour lui retirer son soutien.

Aux gouvernements central et local, la détermination et la maturité du mouvement d’ « Occupy Central » ont été sous-estimés : toutes les autorités ont été prises de court. Le ralliement de Hong Kong à ses enfants a été large, ce qui est imputé d’abord à la maladroite démonstration d’autoritarisme de Leung. Mais celui-ci était seul pour gérer la crise, sans dialogue direct avec Xi Jinping – sans possibilité de faire des concessions.
Xi pour sa part était « attendu au tournant » par ses adversaires. À une mondanité du 29/09, on avait pu voir à ses côtés l’ex-président Jiang Zemin, des hommes tels He Guoqiang, Zeng Qinghong ou Li Peng, tous visés par la campagne anti-corruption mais qui démontraient alors qu’ils demeuraient inattaquables. Face à tel rapport de force, toute concession de Xi sur Hong Kong lui eût été imputé comme une faiblesse.

Dans ce contexte, cette crise de Hong Kong et son point de départ (le refus de suffrage universel) apparaît à un certain témoin privilégié comme un moyen de pression contre Xi. Il y en a d’ailleurs d’autres, comme l’incident du Ladakh où des militaires se déploient au moment même de la visite de Xi en Inde, sabordant ainsi cette démarche et lui infligeant une cruelle perte de face. L’objectif est clair : les fils de l’élite rouge veulent multiplier les obstacles devant Xi Jinping, pour saper la campagne anti-corruption qui menace leurs privilèges. De la sorte, c’est le retour à la case « départ », et Hong Kong reste sur la corde raide. Le principe « un pays, deux systèmes » (一国两制) joue son existence.

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