Le Vent de la Chine Numéro 33
À 10 jours du 4ème Plénum du Comité Central (20-23/10), la classe politique serine des messages flous et contradictoires : l’éloge d’une démocratie « consultative » en même temps que l’interdiction à Hong Kong d’une élection libre ; ou la défense simultanée d’un retour aux valeurs « maoïstes » et une réhabilitation de celles de Confucius (que Mao souhaitait éradiquer).
Ceci est dû à l’imminence de ce Plenum, à l’issue duquel le Président Xi Jinping et son 1er ministre Li Keqiang y promettent de longue date des décisions « de rupture », vers l’Etat de droit et une redistribution plus équitable des ressources de la nation.
Or, telle perspective déchire la classe au sommet : les fils des leaders (高干子弟, gaoganzidi—1000 à 2000 membres d’un club très fermé, entre Parti, armée, consortia publics et provinces) s’y opposent bec et ongles, tout comme à la campagne anti-corruption.
En 18 mois 162.629 emplois fictifs, 14.418 voitures de fonction ont été supprimés, 20.069 cadres punis, dont 51 de niveau « ministériel ». Les derniers sont : Gao Jianyun, du Groupe Spécial de contrôle de l’internet, et Guo Yipin, vice-maire de Luoyang (Henan), en cavale, épinglé à Changsha (Hunan) le 07/10. Mais selon un expert, la « chasse aux tigres » serait terminée (on attend toujours le procès de Zhou Yongkang, en semi-détention depuis un an). En un an de traque, les clans ont eu le temps de « bétonner » leurs alliances, pour faire échec aux inspecteurs de la CCID. L’opposition est donc très forte, et Xi Jinping doit composer. Aussi certains de ses slogans visent à les rassurer, grappiller leurs voix pour renforcer les chances de succès de sa réforme.
Li Keqiang lui, tente de mettre en exergue le coût social de la non-réforme, dans les campagnes par exemple. Le 15/09, publiant son bilan d’une mission 6 mois plus tôt en Mongolie Intérieure, il énumère 6 obstacles à la croissance rurale : le manque de routes, eau, électricité, santé, écoles et environnement sain. Il aurait pu citer la rareté du crédit et la faiblesse du droit foncier, permettant au cadre de voler sa terre au paysan. Mais par ce constat, à la veille du Plenum, il met les « anti-ré-formistes » devant leurs responsabilités.
Enfin, via la SARFT (tutelle du cinéma et de l’audiovisuel) qu’il dirige, Liu Yunshan, conservateur, veut contrebalancer le souffle libéral que Xi avait inspiré à la presse en septembre. La Sarft étend la censure aux sites web de diffusion libre (streaming) tel Youku, désormais forcés de solliciter une licence de cinéma ou de TV. Ces plateformes proposent un large éventail de films/séries populaires, même à l’étranger, et grignotent ainsi la part de la télévision d’Etat et du cinéma national, trop compassés et censurés. Sous 5 ans, disent les experts, le streaming chinois dépassera les revenus du box-office…
L’heure est donc moins à la réforme qu’à la recherche d’alliances politiques et de compromis. Mais avouons le, par rapport aux envolées lyriques de changement qui caractérisaient l’arrivée aux affaires du tandem Xi-Li en 2012, l’attente des masses est retombée. La Chine, à ce stade, semble paralysée.
Le Clud Med en Chine peut à nouveau respirer. Soutenu par le Conseil d’administration du Clud Med (06/10), le partenaire chinois de longue date, Fosun, a surenchéri sur l’OPA de l’homme d’affaires, Andrea Bonomi : Fosun proppose 22 euros par action, soit 1 euro de plus que l’offre italienne. Il parait inopportun que A. Bonomi surenchérisse.
Cette nouvelle se profile comme une sortie de crise pour le groupe qui patiente depuis un an, dans l’attente de son destin, et rassure ses ambitions dans l’Empire du Milieu – le Club Med souhaite faire du pays son deuxième marché d’ici 2015. Afin de rassurer les sceptiques, Fosun s’est également engagé à maintenir le siège et la cotation à Paris.
A Hong Kong, après avoir tenu 8 jours la Une de la presse mondiale, le sit-in « Occupy Central » commençait à se dissiper le 6 octobre. La « révolution des parapluies » (ainsi nommée car ces derniers servaient aux manifestants à se protéger des gaz lacrymogènes), avait canalisé la colère de centaines de milliers de jeunes, suite à la décision de Pékin (31/08) de renier sa promesse de suffrage universel complet pour l’élection du Chef de l’Exécutif dès 2017. Au 06/10 donc, le mouvement se défaisait suite à un rendez-vous pris entre étudiants et Carrie Lam, chef de l’Administration.
Mais dès jeudi, 2 rebondissements ont ranimé le mouvement:
– prétextant une « mauvaise attitude » des étudiants, Mme Lam annulait la rencontre. D’autre part, au même moment,
– CY Leung, le Chef de l’Exécutif, était accusé par la presse australienne d’avoir touché 6,5 Millions$ au début de son mandat, dans le cadre d’une transaction non déclarée.
Cette révélation tombe au pire moment pour lui. Sa cote est en effet au plus bas auprès des étudiants, lui reprochant sa complaisance envers Pékin et sa rudesse envers eux : 27.000 policiers avaient matraqué, tiré des gaz lacrymogènes et à poivre et n’avaient pas bougé lors de frappes de groupes mafieux contre leurs campements. Aux yeux de la rue, Leung s’était donc mis hors course, « traître » aux libertés de la RAS.
Soutenus par l’opinion dans la Région Administrative Spéciale, les étudiants réclament donc aussi la démission de Leung. Or, cette révélation à ce moment si sensible, ne pouvait être qu’intentionnelle, pour acculer ce leader à la démission : dès la nouvelle connue, l’ICAC, l’institut indépendant anti-corruption a annoncé l’ouverture d’une enquête, pouvant aboutir à son départ forcé.
De cette fuite, qui en est l’auteur ? Sin Chung-kai, député de Hong Kong prétend qu’il s’agit de Pékin en personne. L’hypothèse est audacieuse et sans preuve, mais crédible, même si huit jours plus tôt, Pékin soutenait encore « son » patron de la RAS. En effet, la situation dans l’île s’ est désormais radicalisée. Jusqu’àlors, Pékin appliquait face à la crise le mot d’ordre « 不妥协不流血» (bùtuǒxié bùliúxuè), « ni concéder, ni verser le sang », qui était un compromis entre réformistes et conservateurs : au sommet, le PCC se proposait de trancher plus tard sur le fond du problème.
Mais le déni par Mme Lam du rendez-vous avec les étudiants, changea toute la donne. Il fut aggravé par une autre annonce faite en même temps par ce gouvernement local : le Chef de l’Exécutif et sa patronne de l’Administration quittaient dès le lendemain (11/10) Hong Kong pour un colloque au Guangdong – il était difficile d’imaginer pire camouflet aux étudiants.
Aussi dès le 10/10 au soir, plus de 10.000 jeunes étaient de retour, avec tentes et équipements pour redémarrer « Occupy Central ».
Confronté à la relance d’un mouvement qui conteste son autorité, Pékin ne pourra rester longtemps passif. Il lui est impossible de céder à la revendication principale (revenir sur sa décision du 31 août, tolérer le suffrage universel). Mais il pourrait accéder à la seconde : écarter ce Chief Executif mal aimé permettrait sans doute de calmer les esprits et mettre fin à l’occupation. Or, l’exposer comme personnage corrompu, serait pour Xi Jinping une des seules raisons légitimes pour lui retirer son soutien.
Aux gouvernements central et local, la détermination et la maturité du mouvement d’ « Occupy Central » ont été sous-estimés : toutes les autorités ont été prises de court. Le ralliement de Hong Kong à ses enfants a été large, ce qui est imputé d’abord à la maladroite démonstration d’autoritarisme de Leung. Mais celui-ci était seul pour gérer la crise, sans dialogue direct avec Xi Jinping – sans possibilité de faire des concessions.
Xi pour sa part était « attendu au tournant » par ses adversaires. À une mondanité du 29/09, on avait pu voir à ses côtés l’ex-président Jiang Zemin, des hommes tels He Guoqiang, Zeng Qinghong ou Li Peng, tous visés par la campagne anti-corruption mais qui démontraient alors qu’ils demeuraient inattaquables. Face à tel rapport de force, toute concession de Xi sur Hong Kong lui eût été imputé comme une faiblesse.
Dans ce contexte, cette crise de Hong Kong et son point de départ (le refus de suffrage universel) apparaît à un certain témoin privilégié comme un moyen de pression contre Xi. Il y en a d’ailleurs d’autres, comme l’incident du Ladakh où des militaires se déploient au moment même de la visite de Xi en Inde, sabordant ainsi cette démarche et lui infligeant une cruelle perte de face. L’objectif est clair : les fils de l’élite rouge veulent multiplier les obstacles devant Xi Jinping, pour saper la campagne anti-corruption qui menace leurs privilèges. De la sorte, c’est le retour à la case « départ », et Hong Kong reste sur la corde raide. Le principe « un pays, deux systèmes » (一国两制) joue son existence.
Il se passe bien des choses étranges au Royaume du Matin Calme. Il y eut d’abord la série de fêtes boudées de part et d’autre, tel le 87ème anniversaire de l’APL, l’armée chinoise, ignoré par les Généraux nord-coréens (04/08), la fête nationale chinoise (01/10) où Pyongyang oublia d’évoquer la traditionnelle « amitié indéfectible ». Il eut (12/09) l’arraisonnement d’un chalutier chinois en eaux mitoyennes. La Corée du Nord réclamait 40 000$ d’« amende ». De retour le 17/09, les 6 pêcheurs déclarèrent avoir été battus et dérobés.
Les deux pays sont en froid depuis janvier 2013, quand Pyongyang procéda à un nouveau test nucléaire. Puis la colère chinoise monta d’un cran en décembre, quand Kim fit exécuter son oncle Jang Song-taek, l’allié de Pékin, artisan convaincu de l’ouverture et la réforme économique.
Mais voilà que le 04/10, en un changement de ton dramatique, une mission nordiste s’en vint à Incheon (Corée du Sud) rencontrer des officiels sudistes, lors de la clôture des Jeux Asiatiques, en un meeting sollicité par Pyongyang en moins de 24h. En fait, cette très rare offensive de charme se déroulait simultanément sur plusieurs fronts : vers l’Union Européenne avec laquelle la Corée du Nord organisait une session sur les droits de l’Homme ; et vers l’ONU où elle offrait une rarissime conférence-débat, tout en se déclarant prête à rouvrir les palabres sur le désarmement nucléaire…
La clé de ces mystères doit être dans la disparition depuis le 03/09 de Kim Jong-un, le jeune leader bien-aimé (31 ans, fils de Kim Jong-il, petit-fils de Kim Il-sung). Dans ses dernières images, le dictateur en surpoids boitait– on lui prête 127kg, souffrant de la goutte. Qu’est-il advenu de lui ? Tout est possible.
La Chine réagit avec sa prudence habituelle, laissant les portes ouvertes à tout. Le 07/10, elle avait ostensiblement ignoré le 65ème anniversaire de leurs relations bilatérales. Mais le 29/09, jour du 69ème anniversaire du Parti (coréen) des travailleurs, Xi Jinping en personne promet de « consolider (…) les relations de coopération et d’amitié » avec le petit régime stalinien. Tandis qu’une filiale du Quotidien du Peuple rappelle les conditions chinoises : renoncer à la bombe et se lancer –enfin– dans la course à l’ouverture et au développement.
Depuis 2009, les pouvoirs publics s’efforcent de réformer l’offre de
santé. Ils étendent une couverture sociale légère à presque toute la population. Ils créent une liste de 300 médicaments à prix fixe. Ils encouragent privé et étranger à investir, et rénovent des milliers d’hôpitaux publics. Mais alors apparaît une contradiction inattendue : le pays se retrouve suréquipé mais en pénurie de docteurs. <p>La Commission nationale de Santé et de Planning familial vient d’émettre en septembre une « circulaire urgente », bannissant dans le secteur public la création de lits, de départements « 5 étoiles », et l’emprunt pour de tels projets. Elle dénonce une « hausse irrationnelle des frais médicaux » qui sape le développement des hôpitaux locaux et privés. Sur les 27.000 hôpitaux du pays, 10 comptent plus de 4000 lits—le record va à l’hôpital n°1 de l’université de Zhengzhou (Henan) avec 10.000 unités. Ces énormes centres tentent de truster le marché naissant, en s’équipant en luxe et en équipements du plus haut vol.Paradoxe : la raison de fond tient au défaut de financement de l’Etat, qui n’assume que 10% des frais de la santé publique. Les hôpitaux savent ne pouvoir compter que sur eux-mêmes. Constatant la croissance d’une demande solvable en soins de qualité, ils empruntent pour prendre leur part du marché.
Mais cet investissement dans les lits plutôt que dans la formation et les bas salaires du personnel hospitalier, font que les médecins adviennent à manquer. Ouvert en juillet, l’hôpital en JV de Cixi (Chinaco Healthcare Corp, 500 lits, investissement de 163 millions de $) ne fonctionne qu’à 20% de sa capacité. La Chine, selon la Deutsche Bank, compte 1,4 médecin pour 1000 habitants contre 2,4 aux Etats-Unis. Et à en croire l’OMS, de 2008 à 2012, le déficit a empiré de 26% dans le public, 16% dans le privé. Dans leurs cabinets, les médecins auscultent 100 à 200 patients par jour, au rythme insensé de 2 à 3 minutes par consultation.
Le grand paradoxe, à ce sujet, est que la Chine veut payer plus pour sa santé. Le marché vaudrait 600 milliards de $ d’ici 2020 selon Bain & Co, 1000 milliards de $ selon McKinsey. Autant dire que la Chine fait ici face à un sérieux problème systémique : créer des lits plutôt que former des soignants, ressemble beaucoup à la crise des universités chinoises qui, depuis 10 ans, s’endettent pour créer dortoirs et amphis, sans penser à moderniser cursus et diplômes, ni aux besoins réels de la société. La cause est la même (le défaut de financement public) et les résultats sont comparables (du volume, mais pas de qualité, et de la corruption en prime).
En fait d’
environnement et surtout de décarbonisation économique, la Chine avance à vitesse fulgurante. C’est encourageant et surtout inattendu, après 30 ans d’inaction, où la pollution était considérée comme corolaire indissociable du bien-être. <p>Au meeting de l’ONU à New-York contre le réchauffement global, le ministre Xie Zhenhua annonça (24/09, VdlC n°31) pour 2016 un réseau national de crédits-carbone, où les firmes échangeront leurs droits d’émission de CO2—les plus économes ou propres vendant le reliquat de leur quota annuel aux plus pollueuses ou imprévoyantes.Aujourd’hui, on apprend que ce marché couvrira d’emblée 40% de l’économie, 3 à 4 milliards de m3 de CO2, et vaudra 65 milliards de $. Bien des régions industrielles (Californie, Mexique, Corée) se mettent sur les rangs sans attendre, pour pouvoir y vendre et acheter. Aux Nations Unies, Christiana Figuerez, en charge du groupe préparatoire de la future Convention du Changement climatique, a applaudi le plan chinois : « dès que le système sera en marche, il donnera un signal positif à tous les autres marchés (des crédits carbones) »… Selon les experts, les crédits-carbone chinois déjà échangés sur les 7 places boursières locales, verront leurs prix remonter en étant échangés nationalement. L’objectif étant d’induire de forts investissements et de créer des emplois dans les secteurs à bas carbone. Pour Xie, cette nouvelle « industrie verte », si elle est bien gérée, générera en Chine 730 milliards de $ de PIB par an les premières années et soutiendra 32 millions d’emplois.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Le risque, à griller les étapes, est de mal intégrer et mal harmoniser les prix des filières d’énergies, les règles de production et de vérification de région à région : comme on le voit en Europe aujourd’hui, le cadre concurrentiel, faussé, inciterait à la fraude. La Chine saisit le taureau par les cornes et veut mettre toutes chances de son côté. Au 13ème Plan quinquennal de l’énergie (2016-20), les renouvelables auront la part belle. L’éolien doublera en capacité (200GW d’ici 2020) et le solaire quintuplera (100GW). À cette échéance, par économies d’échelle, le tarif du KW/h éolien rejoindra celui du thermique en ligne (0,4¥) et le solaire, allégé d’un tiers, égalera celui du thermique « à l’usager » (0,6¥).
Si la Chine va si vite, c’est aussi en raison du rendez-vous incontournable à Paris le 30 novembre 2015, au COP 21 où les nations espèrent signer ensemble la Convention, un mécanisme contraignant toutes les nations à franchir le pic d’émissions puis les réduire. Ces dernières années, c’étaient Washington et Pékin qui faisaient barrière. Désormais chacun de son côté, Obama et Xi Jinping militent pour faire sauter le verrou !
Gare au romantisme naïf pour autant. Les chiffres de l’Etat, souvent, font mauvais ménage avec la réalité des experts indépendants. Pékin a promis en 2020 une baisse d’ « intensité carbonique » de 45% par rapport au niveau de 2005. Au 1er semestre 2014, il publie une baisse de 5%. Pourtant, une étude de l’Université of East Anglia établit que de 2002 à 2009, l’intensité en Chine aurait en fait augmenté de 3%. Les gains réalisés par le remplacement d’unités polluantes par d’autres plus performantes, ont été neutralisés par la croissance ininterrompue de fonderies et cimenteries. « La Chine doit réaliser, conclut le professeur Guan Dabo, que son programme de baisse d’émissions de CO2 ne sera pas compatible avec la poursuite de construction d’unités industrielles géantes – même plus efficaces ».
Comme pour poursuivre le raisonnement, deux juristes américains, Alex Wang (UCLA) et B. van Rooij (UC-Irvine) étudient l’effet de la loi de l’Environnement révisée cette année. Leur constat est rude : en province, les agents de l’environnement, indirectement, sont payés par les pollueurs. Fonderies, usines chimiques financent les budgets des provinces : moins elles produisent, plus les bureaux de l’environnement s’appauvrissent. De fait entre industriels et cadres, les liens sont étroits, soudés par le conflit d’intérêt. D’où la conclusion sans appel des deux juristes : sans réforme du droit, ni indépendance des juges et administrateurs, les problèmes de pollution ne disparaîtront pas.
Chen Jiping, ex-membre du Groupe « politique et légal » du Comité Central, révèle que « la pollution a dépassé les expropriations abusives, comme source première de conflits sociaux en Chine ». De ce fait, l’urgence de réforme légale, doit figurer en haut de l’agenda du pouvoir. Même si, pour l’heure, tout thème de réforme politique est pieusement banni du vocabulaire.
A Xi’an (Shaanxi), par un bel après- midi de début septembre, Liu Juyou, 26 ans, chauffeur, retournait chez son patron, quand il fut bloqué dans un embouteillage.
Aux comportements des gens, il sentit que ce bouchon n’était pas comme les autres : tel conducteur faisait demi-tour tranquillement, tel autre la même manoeuvre, mais faisant crisser ses pneus, blanc de panique.
Au loin, des plots récents marquaient une file d’attente. Bâton lumineux en main, un homme en uniforme, gérait le trafic. Pas de doute, c’était un contrôle de police !
Liu soupira pour le temps qu’il allait perdre, mais resta calme : il n’avait rien à se reprocher, papiers et véhicule en règle. Parvenu au barrage, il constata l’objectif de la mission : détecter l’ivresse au volant, un délit lourdement réprimé au Céleste Empire.
Tous de bleu vêtus, fiers sous leurs casquettes, les préposés faisaient souffler les conducteurs dans l’embout d’un alcootest. Sur le bas-côté, 15 voitures étaient garées, aux chauffeurs clamant leur innocence, et d’autres déjà vaincus, assis, sombres et silencieux sur la banquette du véhicule de police.
Aux yeux de Liu, tout ceci était banal. Ce qui suivit toutefois, le prit de court. L’ayant conduit derrière un camion, un policier lui tendit une fiole curieuse et complexe, lui intimant l’ordre d’uriner.
60 secondes plus tard, tombait le coup de tonnerre, qui allait briser à jamais l’ordonnance confiante et simple de son univers : un voyant écarlate apparut. Les visages des policiers brillèrent d’excitation : « tiens, tiens, un toxico ! ». Le sous-officier lui asséna : « l’opiomanie est un délit, au volant pire encore. Mets tes poignets en avant, plus vite que ça ! ». Le malheureux chauffeur se retrouva menotté, passé du statut de bon citoyen à celui de lie de la société, sans avoir eu le temps de dire « ouf » !
De toute sa vie, Liu Juyou n’avait jamais goûté aux paradis artificiels. Il n’avait pas même idée de l’apparence de ces substances. Il tenta de faire valoir l’argument. Mais les agents ne firent qu’en rire : « c’est cela, répondit le préposé, et moi, je suis le Président de la République ! ».
C’est ainsi que 90 minutes plus tard, un Liu prostré se retrouva au Centre de détention provisoire de la police – un édifice anonyme, moderne, encerclé de grillages électrifiés et de miradors. Son patron était averti d’envoyer un autre chauffeur, quérir son véhicule.
Dans un hall aux murs tristes bardés de caméras et de slogans sur la loi et le service du peuple, meublé de sièges baquets vissés au sol par rangées et côte à côte, Liu côtoyait des êtres précaires. Il y avait des vagabonds aux relents de vieil alcool, de sueur et de peur ; des jeunes voleurs à la tire ; des dealers de drogue ; des joueurs de mahjong invétérés, surpris (dénoncés) à miser de l’argent…
Après avoir pris contact avec son avocat, l’employeur l’avait rappelé, mais pour dynamiter son ultime espoir. Pour sortir, avait dit l’homme de loi, Liu n’aurait d’autre choix que de prouver son innocence – fournir une preuve qu’il n’était pour rien dans le fait de s’être trouvé sous l’emprise d’un psychotrope. En bref, il devrait se débrouiller seul. Même sa femme, en larmes au bout du fil, ne pouvait rien pour lui.
Puis vint la détention, dans une cellule de béton brut aux lits à étages. Après la fouille corporelle, on lui confisqua tous ses vêtements civils, remplacés par l’infâme uniforme. Les heures s’égrenèrent, interminables… La plupart des 9 autres pensionnaires restaient prostrés sur leur paillasse. Certains tentaient d’égayer l’atmosphère par des blagues minables ; d’autres, de masquer la déchéance en racontant leur vie ; d’autres se disputaient pour leur tour au lavabo. Sous un néon blafard, l’espace exsudait des relents fétides. Passé 20 heures, c’était l’extinction des feux –nul n’osait transgresser la règle énoncée par un garde au ton rude.
A l’aube, tous attendaient l’ouverture de la porte blindée. Alors, ils explosaient en un brouhaha de récriminations anxieuses et protestations d’innocence. Sans sourire, le maton répliquait par l’une ou l’autre de ses deux réponses invariables : « tu t’expliqueras quand ce sera ton tour » ou bien « t’es pas ici en vacances, mais pour gémiàn xǐxīn » (革面洗心),à savoir « te réformer la face et laver le cœur » – regretter ses fautes et en baver !
Comment le malheureux Liu allait-il se tirer de ce mauvais pas ? Vous le saurez en lisant la suite !
– Pendant ces vacances nationales (« Golden Week », du 1er au 7 octobre), gardant en mémoire les foules de l’an passé, les Chinois ont quelque peu déserté les grands lieux touristiques comme la Cité Interdite (Pékin – 142 000 visiteurs le 1er octobre, contre 182 000 en 2013) ou le parc de Jiuzhaigou (Sichuan) avec seulement 9000 visiteurs le 01/10 (50 000 en 2013 !). Le West Lake à Hangzhou (cf photo), celui de Qiandao (Zhejiang), Huangshan (Anhui), les monts Wutai (Shanxi) et Emei (Sichuan) ont connu des baisses de fréquentation allant de 20 et 40% en début de vacances.
Ils ont tout de même été 31,4 millions à visiter les 124 sites chinois les plus touristiques (en hausse par rapport à 2013).
– Pour leurs déplacements, 450 millions de touristes ont pris la route – nombre en hausse, suite à l’achat d’un véhicule par de plus en plus de particuliers – sur un total de 480 millions de voyageurs, soit +13% par rapport à 2013.
– Fatigués de passer leurs vacances dans la foule et de dépenser une part de plus en plus importante de leur budget dans les tickets d’entrée et dans des hôtels bondés, les touristes ont préféré s’envoler vers l’étranger, avec 160 000 Chinois en Corée du Sud, (40 000 de plus que l’an dernier) mais également des vols pleins vers Los Angeles, Berlin, Paris ou Chiangmai (Thailande) ! Hong Kong, destination habituellement prisée, est en recul à cause des manifestations, Pékin décida même d’annuler les visas de groupes de touristes – les commerçants hongkongais évaluent des ventes en baisse de 40%…
L’Agence de presse Xinhua estime que le nombre de touristes chinois à l’étranger pendant la Golden Week a augmenté de 18%, à 116 millions !
Rappelons que les vacances ont été l’objet d’un débat l’an passé afin de les rendre plus flexibles – réforme qui n’avait pas abouti.
17-19 octobre, Pékin, Site Olympique, « L’esprit du cheval dragon » (Longma jingshen, 龙马精神), créature mi-cheval mi-dragon, créée par François Delarozière et sa compagnie « la Machine » à Nantes.
Cadeau de la France à la Chine, dans le cadre du 50ème anniversaire des relations diplomatiques franco-chinoises, l’immense machine est comme un véritable être vivant. Du grand spectacle !
13-19 octobre, Shanghai, 13ème édition de la Semaine Française sur la rue piétonne de Yandang – Huai Hai.
9 – 17 octobre, visite du 1er Ministre Li Keqiang, en Allemagne, Russie, Italie (FAO, et au 10 ème Sommet de l’Asia-Europe Meeting ASEM)
14-16 octobre, Shanghai :
Green Building China, sur la construction durable et de l’efficacité énergétique dans le bâtiment14-16 octobre, Shanghai : UPAD, Salon de l’architecture, de l’ingénierie et de l’urbanisme
14-16 octobre, Shenzhen, Xian : HOSFAIR, Salon des équipements et fournitures pour l’hôtellerie
14-17 octobre, Canton : ALEEX, Salon pour les fournisseurs et fabricants de matériel électronique
15-17 octobre, Pékin : ILOPE, Salon de l’industrie optoélectronique et de la photonique
15-17 octobre, Pékin : Inter Airport China
15-17 octobre Shanghai : EQUIPMAG Retail Expo, Salon des équipements et technologies des points de vente