Banque : L’arrivée de la banque en ligne

L’arrivée de la banque en ligne

Banquiers et financiers avouent ( 28/02) ne pas savoir pourquoi la Banque Populaire de Chine ( BPdC) a acheté du dollar, faisant chuter le yuan de 0,9% en 8 jours, la plus forte fluctuation depuis 2007. Depuis le 17/02, le yuan est descendu à 6,15¥ pour un dollar, soit -2%, inversant 9 ans de hausse (+34% depuis 2005). 

En même temps, la BPdC, par son gouverneur Zhou Xiaochuan, (cf photo) relâchait son emprise sur le marché interbanques, baissant le coût du crédit à court terme.
Elle surprit les traders qui pariaient sur la poursuite de l’action de l’Etat, du gel permanent dans les banques des liquidités, afin de maintenir un taux d’intérêt élevé. Il faut le dire, la tâche de la BPdC est complexe, devant à la fois combattre la banque grise et les entrées incontrôlées d’argent chaud, et juguler la bulle du crédit, désendetter l’économie, tout en évitant panique et banqueroutes en cascade.

A ce stade, les experts évoquent six motivations – qui ne s’excluent pas forcément mutuellement : - faire baisser le yuan, c’est dégonfler la bulle en douceur et s’acheminer vers une économie plus durable ;- c’est aussi encourager l’export, même si peu de secteurs en profiteront dans un premier temps, les commandes étant déjà passées ;- c’est enchérir le dollar, et gêner les Etats-Unis – donc « punir » Obama, après sa rencontre récente avec le Dalai Lama ;- à la veille de la session de l’ANP, c’est favoriser un débat de fond sur une croissance durable, qui aurait été inutile en cas de surchauffe ;- cette mesure selon certains, préparerait l’élargissement de la bande de fluctuation quotidienne de 1 à 2% ;- enfin, en baissant le yuan, on baisse le taux interbanques – on coupe la source où s’alimentait la banque internet, qui est le dernier avatar de la finance chinoise. Or, nous semble t-il, si cette raison n’est pas la plus importante, c’est la plus actuelle.

Historiquement en effet, la première de ces facilités financières online est Yu’E Bao, filiale d’Alibaba.
Elle est née de la fusion d’Alipay (son outil de paiement en ligne) et de Tianhong, Compagnie d’investissement rachetée en octobre 2013. En trois mois, Yu’E Bao a attiré 81 millions d’épargnants, soit un dizième des 800 millions de clients de ce n°1 mondial de la vente en ligne. Il a aussi drainé 40 milliards de $, avec une hausse de 50% en 30 jours. Ses atouts sont irrésistibles : on place ce qu’on veut, on sort sans pénalité, et on gagne du 7% par an, contre 3,3% offerts par les banques.
Le fait est qu’avec la stérilisation par la BPdC de leurs crédits flottants, les banques n’ont plus les fonds indispensables aux consortia et aux provinces, qui doivent se fournir, à taux plus élevé, sur le marché interbanques (29 banques partenaires) – lequel se finance sur le crédit gris et … des outils émergents tel Yu’E Bao, qui y place 90% des fonds de ses clients.
En somme, sans avoir achevé la dérégulation du crédit (empêché de le faire par les banques et les gros clients), le Conseil d’Etat l’a simplement bloqué, et ce faisant, a forcé les épargnants à aller voir ailleurs. Le mérite d’Alibaba, avec Yu’E Bao, est d’avoir inventé un des nouveaux circuits. Aussi, Tencent et Baidu, autres géants de la toile, se ruent à leur tour dans la brèche. 

Entretemps, Alibaba devrait recevoir la première licence bancaire privée et la CSRC (China Securities Regulatory Commission) annonce qu’elle prépare un cadre réglementaire de la finance sur internet : clairement, cette banque mutante de la toile est là pour durer !

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