Petit Peuple : Wuhan – Luo Jingyu,  le collégien aux mains d’or

A Shiyuan (Hubei), rien ne prédisposait Luo Jingyu à la fulgurante destinée qu’il connaît à 19 ans – sinon le business dans le sang !

Dès les tendres années, sa mère maîtresse, son père boutiquier, lui rabâchaient leur petit rêve : pour réussir, il fallait bosser et ne pas faire de dettes ! En guise d’argent de poche, ils lui trouvaient des petits jobs, une voiture à laver, des ménages à faire. 
De la sorte, à l’âge où les copains scotchaient au mur la photo de Gong Li, Luo affichait celles de Jack Ma (créateur d’Alibaba, la 1ère galerie virtuelle du pays) ou de Yu Minhong (le créateur des cours privés New Oriental). Sur les traces de ses héros, c’est milliardaire qu’il voulait devenir et rien d’autre. C’était son but, et il savait qu’il y arriverait.

A 14 ans, il fut inspiré par la lanterne Kongming , l’invention du célèbre stratège Zhuge Liang de l’époque Han (206-219). Le tacticien avait gagné une bataille nocturne, ayant affolé l’adversaire en lançant en masse ces lanternes volantes.
Au marché de gros à Wuhan, Luo acheta à 2¥ ces lampions, qu’il revendit 8¥ le soir aux badauds. Mais huit jours après, faisant ses comptes, il devait bien admettre qu’il s’épuisait pour rien : au mieux, il écoulait 10 lanternes par soir…Ce n’était pas comme cela qu’il ferait fortune ! Après quelques semaines, il trouva sur internet un fournisseur à 0,5¥. Puis il mobilisa sa classe, 40 vendeurs à la sauvette, leur assurant 2¥ par vente. Et là le tableau se métamorphosa : en 48h, il avait 5000¥, plus que ne gagnait son père ou sa mère par mois. Il venait d’inventer un modèle commercial, fort rémunérateur !

Enhardi, à 16 ans (en classe de seconde) il passa à la deuxième étape. Faisant miroiter de gras profits, avec une aisance qui l’étonna lui-même, il emprunta aux camarades 120.000¥ pour lancer sa boutique de mode, payer le pas de porte dans la bonne rue piétonnière, constituer son stock de fringues. 
Chaque week-end après les cours, il prit le bus pour Canton, Yiwu ou Hanzhengjie, les Mecque chinoises de la fripe. De chaque virée il rapportait un ballot haut d’1 mètre, qu’il suait à traîner sur les quais, pour s’éviter le prix du porteur. Hélas pour lui, Luo cette fois avait présumé de son talent : ses goûts immatures lui avaient fait réunir une collection invendable : c’était la faillite !

Faute d’oser tout dire à ses parents, le désastre le força à la fugue. Depuis des lunes, Luo ne discutait plus avec ces vieux qui ne comprenaient rien à sa vie et qui l’agaçaient, l’adjurant bêtement de se concentrer sur ses études – comme si elles pouvaient lui offrir la brillante carrière qu’il avait déjà à portée de main. 
Cette nuit de naufrage, c’est sous un pont que Luo considéra l’avenir. Il voyait l’erreur à éviter, mais aussi le prochain pas qu’il allait tenter. Il avait perdu une bataille mais pas la guerre. La seule faute impardonnable serait d’abandonner. A l’aube, après cette nuit d’examen de conscience, il s’était reconstruit, prêt à repartir !

En 2011, espérant lui faire oublier sa maudite lubie des affaires, ses parents l’inscrivirent au bac, section « beaux-arts ». Mais à peine découvrit-il l’attirail de toiles, fusains, gouaches, pinceaux qu’une nouvelle idée germa dans ce cerveau fertile. Illico, entre deux cours, il créa sa boutique de fournitures (cf photo). Il trouva un partenaire pour y mettre 10 millions de ¥, un réseau de vendeurs qu’il lança à travers les galeries et écoles, pour démarcher artistes et potaches. Ils essuyèrent d’abord des milliers de refus mais insistèrent. Au 4ème passage, les achats se mirent à pleuvoir : à la fin de l’année, il encaissait 6 millions ¥ de ventes.

Dès lors, tout en poursuivant ses études, il n’arrêta plus de commercer. En mai, il présenta son bilan 2012 : il avait monté un catalogue de 1600 produits d’art et de musique, réalisant des millions de ¥ de profit. Il possédait 4 entreprises, 8 magasins, 3 galeries virtuelles, sans compter l’académie privée des beaux-arts « Rongyi 100 », dont il était vice-président.

Ses amis lui voient un seul défaut : l’avarice, qui lui fait porter des vêtements tout simples, de ses propres boutiques, tout en maniant un téléphone portable bas de gamme. Mais, se justifie-t-il, c’est pour arriver plus vite à son rêve : créer une fondation, aider d’autres jeunes à se construire comme lui l’a fait, à « quitter le foyer natal, les mains vides » (bái shǒu qǐ jiā, 白手起家) : suivre sa voie, partager sa passion, laisser sa trace !

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