A l’arrachée, voici le premier
L’alliance d’un nain (14 milliards de $ de PIB en 2011) et d’un géant (7300 milliards de $). Aux dernières discussions, on sentait une certaine fébrilité. C’est que la séance du Conseil Arctique est prévue pour mai, et pour que la Chine y entre comme « observateur », cet ALE devait être acquis !
Calqué sur l’ALE euro-islandais, cet accord supprime sous 10 ans presque tous les tarifs douaniers : il couvre les biens et services, les règles d’origine, le piratage, la concurrence, l’investissement… Une commission mixte est créée pour les litiges. Dès que les Parlements auront voté, le texte s’appliquera.
Au fil de l’accord, on voit la Chine faire preuve d’une souplesse rare, symptomatique d’un intérêt majeur à assurer :
– La Chine avait réclamé la liberté de mouvement pour ses travailleurs : Reykjavik a refusé et Pékin a dû céder.
– L’Islande exigeait l’abandon à 100% de tout tarif douanier sur tout poisson (90% de l’export islandais), Pékin finit par accepter.
De plus, on décompte trois arrangements avantageux pour le Scandinave :
– L’Islande octroie à un pétrolier chinois, non désigné, une JV d’exploration au Nord-Est de ses côtes, sur le site de Dreki.
– La Chine lève ses 17% de taxes sur la fibre de carbone (extraite de la lave),
– Un accord en technologie géothermique est conclu, exploitant la vapeur des volcans, qui assure 25% de l’énergie du pays. 80 étudiants chinois suivent déjà le programme géothermique de l’ONU à Reykjavik.
Par tous ces signaux, Pékin montre à la région sub-arctique la puissance des moyens qu’elle peut lui offrir pour soutenir son bien-être social-démocrate. Ainsi, le Groenland va recevoir des milliers d’actifs et 2,3 milliards $ chinois pour une mine de fer qui ne fournira que 13,6 millions de tonnes par an. Ce minerai groenlandais promet d’être le plus cher de la planète. Mais les ports et les infrastructures locales seront islandais.
On voit ainsi un nouveau rapport se dessiner, à coup de dépenses chinoises sans compter. Mais par rapport à l’enjeu, c’est peu cher, vu les réserves halieutiques, minérales et énergétiques que l’on devine inépuisables. Quand le temps sera mûr pour l’exploitation, la Chine ne revendiquera pas qu’un siège d’observateur au Conseil Arctique, mais de votant à part entière. D’autres d’ailleurs, y entreront avec elle : Inde, Singapour, entre autres. Et si les membres font bon accueil au nouvel arrivant, c’est que l’offre arrive à point : en 2010, l’Islande faisait faillite, croulant sous 85 milliards $ de dettes suite aux paris osés de son fonds de pension pour soutenir le niveau de vie. Vu sous cet angle, vendre poissons et géothermie à la Chine, pour Reykjavik, c’est diversifier ses revenus, tout en retournant à son savoir-faire d’origine.
Enfin, ce Premier ALE sino-européen, explicite que la Chine ne croit plus à l’accord multilatéral OMC de Doha—lequel agonise. Deux méga accords se négocient, entre USA et Etats du Pacifique (le « TPP »), l’autre avec l’UE. La Chine n’est dans aucun d’entre eux. Pour préserver l’avenir, elle n’a d’autre choix, que de conclure un à un ses accords bilatéraux…
Sommaire N° 15