Le Vent de la Chine Numéro 15

du 20 au 26 avril 2013

Editorial : La Chine en ébullition…

Le KeqiangLa campagne de « frugalité, anti-corruption » bat son plein – réforme la plus importante politiquement, en tout cas la plus visible. Pas un jour sans son lot de hauts cadres épinglés, tel Huang Sheng, ex-vice gouverneur du Shandong, jugé à Nankin (15/04) pour prévarication et débauche, ayant entretenu 46 amantes dans une seule résidence de sa propriété. 

Ou Deng Hong, milliardaire de 50 ans, ex-militaire spécialisé dans les parcs d’exposition, devant répondre à la CCID (Commission centrale d’inspection de la discipline) pour détournement de fonds. Second groupe auto, FAW (First Auto Works) dément qu’un tiers de son état-major soit sous enquête pour fraude – deux de ses leaders sont en prison.

Aussi pour les cadres, c’est un bon moment pour se faire discrets. Au 1er trimestre, les ventes ont baissé de 2,5% par rapport au 4ème de 2012, et les restaurants de 30 à 35%. Ferrari, LVMH, l’alcool, la bijouterie reculent. 
La moyenne bourgeoisie, non concernée, garde un comportement de consommation normal, faisant remonter légèrement les ventes en mars à +10,3%.

Mais on ne voit pas encore le grand plan anti-corruption, qui validerait la volonté des dirigeants contre le chancre du régime. L’appareil freine par refus de perdre ses privilèges et craint d’être déstabilisé. Fin février, présidé par Wang Qishan, un meeting de la CCID étudiait la publication obligatoire du patrimoine privé des cadres. Un participant affirma que la proposition fut rejetée par tous, comme « impensable à cette heure. L’opinion ne supporterait pas d’apprendre l’étendue de nos richesses ». Ce qui explique la censure renforcée des réseaux sociaux (17/04), interdits de citer des « journalistes pigistes » ou la presse étrangère.
Autres limites de cette campagne :  La consommation de luxe se reporte hors de la vue publique, dans des clubs privés (dans les parcs, les anciens temples), et lors de missions à l’étranger. 

Sous pression de produire des résultats et souffrant d’une pratique arbitraire dite shuanggui (« double enquête », 双轨), la CCID fait des bavures : Yu Qiyi, 42 ans, cadre de Wenzhou (Zhejiang) a disparu 38 jours avant de réapparaître le 09/04 et décéder – la presse parle d’un « accident »…
Le 17/04, Yi Gang, vice-gouverneur de la Banque centrale, évoque un imminente avancée vers la dérégulation du yuan : peut-être 1% de flottement/jour, pour mieux refléter la tendance quotidienne. Ceci devrait tirer le yuan vers le haut, tendance peu favorable à l’export, et ce, malgré un effritement de la croissance au 1er trim. Signe que l’Etat garde le cap sur la réforme, le marché intérieur, l’urbanisation. Comme pour compenser, le Conseil d’Etat met la dernière touche à un stimulus « écologique », favorisant l’achat de produits à faible besoin en énergie. 

A cette heure, concernant les autres réformes évoquées par le nouveau pouvoir, sur la fin du hukou (permis de résidence), la taxation, l’environnement, on ne voit pas plus venir. Mais on en sent des préparatifs. 

Le 15/04 encore, Li Keqiang appelle à la « mutation promotionnelle, dans la stabilité maintenue. S’il doit y avoir des mesures transitoires, ajoute-t-il, elles ne devraient pas faire barrière aux réformes de marché de l’avenir » - déclaration qui sonne comme un aveu des murs que lui dressent les « intérêts déguisés » (les lobbies et les clans des nantis). 

Mais Li Keqiang et Xi Jinping ont-ils le temps ? Le 27/03, Tribune du Peuple, filiale du QdP, proposait un sondage en 4 questions sur la « confiance, la conviction et la foi » en le Parti Communiste Chinois. Sur les 3000 répondants, 80% furent négatifs et presque 84% niaient que « seul le PCC puisse conduire le peuple sur le chemin du socialisme aux couleurs de la Chine» – suggestion que l’opinion réclame le multipartisme. 

« Croyez-vous que le Parti ait assez de courage et d’intelligence pour accélérer et pousser les réformes ? » :
– Totalement d’accord : 6,96%
– D’accord : 4,95%
– Pas sûr : 12,69%
– Pas d’accord : 75,40%
Sondage internet (27/03) Tribune du Peuple

Le sondage a été retiré sans délai. Pour l’aile réformatrice, le désaveu est rude. C’est un signal que l’immobilisme, en ce pays aux changements si impérieux et imprescriptibles, n’est pas une option. 


Dernière minute : Dernière minute : La terre a encore tremblé au Sichuan
Dernière minute : La terre a encore tremblé au Sichuan

Après 2008, la terre a à nouveau tremblé ce samedi 20 avril au Sichuan, à Ya’an, dans le county de Lushan à 115 kms de Chengdu, la capitale provinciale, avec de force magnitude de 7.0, causant la mort de 193 personnes, blessant plus de 12.211 habitants, 25 toujours disparus, et détruisant plus de 10.000 maisons.

Plus de 2000 militaires ont été dépêchés d’urgence, apportant leur soutien aux secours sur place, rendus difficiles par la géographie de l’endoit – région montagneuse.

Le 1er ministre Li Keqiang, s’est rendu sur les lieux depuis Pékin.


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Environnement : Vers une planète bleue

À Pékin, le 18 avril, Xie Zhenhua, vice-président de la NDRC (National Development and Reform Commission), annonce la création sous deux ans d’un marché national d’échanges de crédits carbone, et dès juin 2013, celle d’un marché régional à Shenzhen.
Lesquels seront « à long terme » connectés à ceux d’Europe et du monde.

On va ainsi droit vers un outil de coopération directe sino-mondiale contre le réchauffement climatique.


Diplomatie : François Hollande en Chine, en demi-teinte

HollandeUne visite « de haute importance ». C’est ainsi que salue Xi Jinping l’arrivée de François Hollande à Pékin (25-26/04) avec une armada de patrons. Dix jours avant, Laurent Fabius, le ministre des Affaires Etrangères, soulignait lui aussi la portée « stratégique » de cette visite, au 50ième anniversaire des relations. 

Xi Jinping, Li Keqiang, tous les leaders ont reçu Fabius : c’est pour réparer l’erreur de 2012, quand l’envoyé spécial du « candidat Hollande » avait dû écourter son voyage (Pékin pariait alors sur Sarkozy). En outre, en eaux incertaines face à la récession, la Chine a besoin de stabilité mondiale, et celle-ci passe par l’Europe. 

Mais discrètement, le régime déplorait les 37h de la visite éclair, de Pékin à Shanghai, au pas de course…

Pour la visite de Hollande, Pékin donnera le feu vert à la JV de Renault, dernier venu sur ce premier marché mondial. Avec Dongfeng, Renault monte à Wuhan (Hubei) une usine à 7,2 milliards de ¥, d’une capacité de 150.000 véhicules par an (sans compter les autres modèles de son usine de Corée du Sud). 

Côté nucléaire, on annonce les « lettres d’intention » pour deux EPR de 1500MW pour le site de Taishan (Guangdong), et d’un centre de retraitement des matériaux irradiés – sans échéance connue. Promis à l’époque par Jacques Chirac, le centre de retraitement traine depuis 10 ans, par souci français de sécurité. 

En matière monétaire, après Londres, Paris veut devenir un centre de traitement du yuan. Enfin Unifrance, le lobby du cinéma français, veut sa part du gâteau des salles obscures chinoises (2,8 milliards $ d’entrées par an), un élargissement du quota de 34 films étrangers, trusté par Hollywood


Diplomatie : Islande et Chine : une alliance volcanique

Geothermal3 Low ResA l’arrachée, voici le premier Accord de Libre-Echange (ALE) entre la Chine et un pays d’Europe (mais non de l’Union Européenne) : signé avec l’ Islande, le 15/04 à Pékin, entre ministres du Commerce et même Premiers ministres. 

L’alliance d’un nain (14 milliards de $ de PIB en 2011) et d’un géant (7300 milliards de $). Aux dernières discussions, on sentait une certaine fébrilité. C’est que la séance du Conseil Arctique est prévue pour mai, et pour que la Chine y entre comme « observateur », cet ALE devait être acquis ! 

Calqué sur l’ALE euro-islandais, cet accord supprime sous 10 ans presque tous les tarifs douaniers : il couvre les biens et services, les règles d’origine, le piratage, la concurrence, l’investissement… Une commission mixte est créée pour les litiges. Dès que les Parlements auront voté, le texte s’appliquera.

Au fil de l’accord, on voit la Chine faire preuve d’une souplesse rare, symptomatique d’un intérêt majeur à assurer :
– La Chine avait réclamé la liberté de mouvement pour ses travailleurs : Reykjavik a refusé et Pékin a dû céder.
– L’Islande exigeait l’abandon à 100% de tout tarif douanier sur tout poisson (90% de l’export islandais), Pékin finit par accepter. 

De plus, on décompte trois arrangements avantageux pour le Scandinave : 

– L’Islande octroie à un pétrolier chinois, non désigné, une JV d’exploration au Nord-Est de ses côtes, sur le site de Dreki. ‚
– La Chine lève ses 17% de taxes sur la fibre de carbone (extraite de la lave),
– Un accord en technologie géothermique est conclu, exploitant la vapeur des volcans, qui assure 25% de l’énergie du pays. 80 étudiants chinois suivent déjà le programme géothermique de l’ONU à Reykjavik.

 Par tous ces signaux, Pékin montre à la région sub-arctique la puissance des moyens qu’elle peut lui offrir pour soutenir son bien-être social-démocrate. Ainsi, le Groenland va recevoir des milliers d’actifs et 2,3 milliards $ chinois pour une mine de fer qui ne fournira que 13,6 millions de tonnes par an. Ce minerai groenlandais promet d’être le plus cher de la planète. Mais les ports et les infrastructures locales seront islandais. 

On voit ainsi un nouveau rapport se dessiner, à coup de dépenses chinoises sans compter. Mais par rapport à l’enjeu, c’est peu cher, vu les réserves halieutiques, minérales et énergétiques que l’on devine inépuisables. Quand le temps sera mûr pour l’exploitation, la Chine ne revendiquera pas qu’un siège d’observateur au Conseil Arctique, mais de votant à part entière. D’autres d’ailleurs, y entreront avec elle : Inde, Singapour, entre autres. Et si les membres font bon accueil au nouvel arrivant, c’est que l’offre arrive à point : en 2010, l’Islande faisait faillite, croulant sous 85 milliards $ de dettes suite aux paris osés de son fonds de pension pour soutenir le niveau de vie. Vu sous cet angle, vendre poissons et géothermie à la Chine, pour Reykjavik, c’est diversifier ses revenus, tout en retournant à son savoir-faire d’origine.

Enfin, ce Premier ALE sino-européen, explicite que la Chine ne croit plus à l’accord multilatéral OMC de Doha—lequel agonise. Deux méga accords se négocient, entre USA et Etats du Pacifique (le « TPP »), l’autre avec l’UE. La Chine n’est dans aucun d’entre eux. Pour préserver l’avenir, elle n’a d’autre choix, que de conclure un à un ses accords bilatéraux… 


Joint-venture : Pékin réinvente l’outil anti-trust

Glencore XstrataComme toutes les puissances, la Chine dispose—depuis peu – d’un service anti-trust, qui autorise les plus grosses fusions-acquisitions à travers le monde, en fonction de ses intérêts, et dans la mesure où le deal a un impact sur son économie. C’est le cas de la reprise d’ Xstrata (Suisse) par Glencore (UK-Suisse), fondant le 3ème groupe mondial du cuivre, moyennant paiement de 30 milliards de $. 

Ce qui frappe ici, est l’usage « patriotique » et opportuniste que l’agence du MOFCOM fait de cette opportunité. En échange du feu vert, la Chine obtient deux avantages exorbitants : 

– durant 8 ans, Glencore-Xstrata s’engage à lui fournir 900.000 tonnes de cuivre (l’équivalent de ses ventes en 2011 et 2012), dont le quart à un prix « benchmark » en réalité fixé par la Chine. En sus, il doit aussi livrer des concentrés de zinc et de plomb à des prix « équitables et raisonnables ». 

– le groupe doit revendre un gisement non développé de Xstrata de Las Bambas, au Pérou, d’une valeur de 5,2 milliards de $ et d’une capacité de 400.000 tonnes  par an. La vente se fera à un re-preneur « approuvé  par la Chine » – donc chinois, et probablement à un prix égal à tous les investissements réalisés par le groupe.

Donc, une opération blanche et sans profit. Ce deal est justifié par une position « dominante » de Glencore-Xstrata, mais pas tant que cela, le nouveau groupe fournissant 14% de l’import chinois, loin du plafond classique de 35%. La Chine vient ainsi d’inventer une nouvelle forme de politique anti-trust, moins motivée par le souci de voir un groupe menacer les intérêts du pays, que par la chance de payer son cuivre mois cher !


Santé : H7N9—le nouveau virus frappe à la porte

La Chine vit ses premières semaines de grippe aviaire comme une « drôle de guerre ». La discrétion du combat en cours ne doit pas faire illusion sur l’enjeu potentiellement dévastateur. 

Ce sont bien deux « armées » qui se battent : les scientifiques d’un côté, le virus de l’autre, tous en aveugles dans le noir ! 

Avec 102 malades et 20 décès (au 21/04), ce virus H7N9 a déjà dépassé le H5N1 qui frappait la Chine en 2005, avant d’atteindre d’autres régions du monde. Il le bat aussi en diffusion : parti du delta du Yangtzé, il est à présent dans 7 provinces de la côte et s’avance vers l’intérieur. Selon certains chercheurs, pour se propager à travers la Chine, le virus serait transporté par des oiseaux migrateurs

Ce virus était bien connu, mais comme aviaire, non transmissible à l’homme. Aussi près d’un mois après son apparition, on ignore encore l’espèce d’oiseau ayant abrité sa mutation. On sait qu’il y a eu recombinaison de gènes, à partir de 3 souches virales (retrouvées sur les patients) : elle a permis au H7N9 son passage des oiseaux aux mammifères (dont l’homme), attesté par le fait qu’une majorité des malades proviennent d’un milieu maniant de la volaille… L’habitat a aussi joué son rôle, avec un climat plutôt chaud, humide, à très forte concentration humaine et d’animaux d’élevage. 

La mutation se poursuit à présent dans le corps humain : par échange d’autres gènes, le H7N9 cherche la faille lui permettant le passage direct d’homme à homme beaucoup plus performant que celui depuis l’oiseau. S’il réussit, ce sera la pandémie, susceptible de frapper des dizaines de millions de cas. Perspective inquiétante, mais qu’on se rassure, depuis la grippe « espagnole » de 1918 (50 millions de morts), l’humanité a fait des progrès décisifs dans la maîtrise de ce type de fléau. 

Par rapport aux épidémies de SRAS (2003) et H5N1 (2005), coexistent de bonnes et mauvaises nouvelles: 
– Suite à une recherche active à Pékin (16/04), sur 20 proches d’une fillette contaminée, le H7N9 a été détecté chez un garçonnet, qui ne présentait aucun symptôme. Chez les animaux de même, on trouve le virus sans signes de fièvre ou de douleur. Ce qui signifie que le mal peut se « cacher » plus longtemps sans être repéré, retardant le soin et prolongeant les chances de propagation. Autre souci : 40% des malades n’ont aucun lien connu avec l’univers de la volaille… 

– Mais on prend aussi acte du comportement exemplaire de l’administration centrale de santé, sous l’angle de la transparence des données et de la coopération mondiale – contrairement à son attitude face au SRAS en 2003, où elle avait nié le fléau. De ce fait, quoique inquiète, la population ne cède pas à la panique. 

L’OMS communique que 1000 proches des malades ont été mis en isolement, et leurs habitats interdits. Par centaines de milliers, poulets et canards ont été abattus. Des chaînes telles KFC souffrent, voyant leurs restaurants vides. Partout dans le monde, des équipes cultivent des souches, recherchent l’origine du virus, son vaccin. Huit chercheurs internationaux dont 4 de l’OMS sont en chemin. Entre la Chine et le monde, jamais, la coopération médicale n’a été si étroite, ni le sentiment d’une communauté de destin si fort. 


Economie : Pédale douce sur la reprise

Sous l’œil des professionnels, la conjoncture du 1er trimestre ne trompe pas : avec ces 7,7% de croissance, de 0,2% en recul sur le 4ème trimestre de 2012, on assiste au freinage d’une reprise sauvage, par un Etat qui tente de réorienter l’économie vers une croissance vertueuse.

 En partie dû à la finance grise, le crédit a explosé, pour préparer la relance : en mars, l’import de minerai de fer remontait de 14,4%. En même temps, les banques prêtaient 172 milliards de $, +12%. Le « financement social total », la masse des liquidités selon la Banque Centrale, faisait plus que doubler par rapport à février, à 2,4 trillions de yuans. 

En mars aussi, l’immobilier s’envolait dans 70 villes, avec un logement neuf enchéri de 2,1% (parfois à plus de 10%). Sentant la reprise, l’étranger renforçait ses investissements (IDE) de 5,7%, à 12,4 milliards de $. 
D’autre part, ce climat d’optimisme est porté par la fin d’une longue période de déstockage : durant tout 2012, les mauvaises ventes avait forcé les secteurs à stocker et produire au ralenti, au risque pour certains de devoir éliminer leur stock, comme chez l’habilleur sportif Li Ning, qui annonçait en décembre la reprise de plus de 300 millions de $ de marchandises et la fermeture de près de 2000 magasins (25%). Mais à l’issue de cette cure amère, les entrepôts presque vides, en ciment comme en automobile, commencent à se re-remplir, suscitant un climat d‘espoir. 

Mais à laisser faire, l’Etat dépassait les prévisions de croissance, au risque d’une surchauffe : en 2012, l’immobilier constituait 13,8% du PIB et affectait directement 40 secteurs, du verre au ciment en passant par le meuble et l’assurance. Or l’annonce du grand plan d’ « urbanisation » par Li Keqiang a incité les aciéries à restocker trop vite (+23% et 155 millions de tonnes en mars), afin d’alimenter des projets d’infrastructures approuvés par la NDRC. Et c’est là que l’Etat a freiné le financement, au nom de la stabilité, inquiet des plans des provinces, ne tenant pas compte de ses directives. Selon la même NDRC, plus de 20 provinces avaient remis des plans de croissance de +20%, voire +30%. Le Hunan voulait bâtir six « grandes villes » et six « très grandes villes ». Or dans ces plans, la terrible nouvelle pollution urbaine n’était pas prise en compte. 

Pire, Zhang Ke, auditeur national, refuse d’associer son agence Shinewing du travail de vérification des finances des provinces, estimant ces dernières « trop dangereuses » et la capacité provinciale à gérer cette dette, trop faible. Selon l’ex-ministre des Finances Xiang Huaicheng, leurs encours sont de 3200 milliards de $ – double du chiffre admis jusqu’à un mois en arrière. L’Agence Fitch, elle, évalue ces emprunts à 25% de la dette publique fin 2012 (la dette publique totale serait de 74% du PIB). 
C’est surtout le statut de cette dette qui pose problème : s’agit-il de projets « rentables » ou non, et « garantis » par l’Etat ou non ? L’Etat lui-même n’a pas statué sur sa part de responsabilité, en cas de faillite. D’où ce climat très complexe et mitigé, et l’actuelle fermeté du nouveau Conseil d’Etat, déterminé à user de la pédale douce face à la reprise, tout en privilégiant la qualité sur le volume !


Petit Peuple : Shenyang – la cavale de Zhao Xiyong, au service du peuple

A Shenyang (Liaoning), Zhao Xiyong avait toujours mené une vie hors du besoin, à la tête de sa société familiale, qui lui permettait de voyager à travers le pays, de séminaire en colloque, fréquentant ainsi une joyeuse faune de cadres et autres patrons. Une seule ombre ternissait son existence : ce concours d’entrée au Conseil d’Etat qu’il avait raté en 2004, à 49 ans. 

Pourtant il en était sûr, il avait toutes les qualités requises pour être chercheur à la NDRC, l’institution chef d’orchestre de l’économie nationale… Aussi de cet échec, il avait gardé une pincée d’amertume. Or, voilà pas que cinq ans plus tard, se produisit le miracle. 

À un colloque à Shenyang, Zhao découvrit qu’il avait été inscrit, par erreur, comme chercheur… au Conseil d’Etat. Dans la foulée, il goûta aux honneurs liés à ce rang qu’il usurpait : une suite réservée dans un palace, une place au 1er rang du colloque dont il fut prié de prononcer le discours d’ouverture… Ce qui le frappa le plus, fut le changement palpable dans l’attitude des autres : de froids ou hautains ils se firent instantanément déférents, serviles -avec parfois des éclairs de jalousie dans le regard. Aussi pourra-t-on comprendre que dans ces conditions, renoncer à cette identité, apparaisse au-delà des forces du pauvre Zhao. Il ne pouvait plus se dépouiller de cette tenue de roi qu’on lui avait passée par erreur, le rêve de sa vie. Pour se justifier de sa fraude (car cette erreur de secrétariat au départ, en devenait une désormais), notre patron-consul-tant se promit de saisir cette chance de jouer le fonctionnaire, « mieux que les autres ». 

Mais à Shenyang où il était connu, impossible de faire avaler son imposture. En un semestre, il prépara sa peau neuve : en 2010, il partit rejoindre son nouveau poste comme « docteur en économie, chercheur à la NDRC, détaché au comité des projets d’investissements » de Loudi (Hunan), 3000km plus au sud. On trouvera peut-être aberrant que cette mairie l’ait nommé en une instance si stratégique sans rien vérifier. Mais pour cette ville plutôt pauvre, obtenir le détachement d’un expert national, c’était une aubaine, et surtout gratuit, car il ne réclamait aucun salaire, « touchant sa solde », comme il disait. 

Durant deux ans, de la sorte, il travailla. Il visita 6 provinces, assista à bien des inaugurations, prononça des centaines de discours. En 2012, il s’adjugea une mirifique promotion au rang d’« inspecteur vice-ministériel »–c’était juste pour la forme, pour éviter que les collègues ne s’étonnent qu’un tel élément n’ait pas d’avancement. A Yuxi (Yunnan) avec 89 autres chercheurs, il partit inspecter des villages et projets d’irrigation : ce fut son apogée. Quelle magnifique occasion de « mener tout ce monde en bateau » (mán tiān guò hǎi, 瞒天过海) !

Depuis longtemps pourtant, chaque nuit au fond de son lit, une main de glace lui broyait le cœur. Pas par peur de se faire prendre (à la limite, c’est ce qu’il eût souhaité) mais par remords découvrant la vanité de son entreprise. Car pour améliorer les vies de ces braves gens, il ne faisait rien, que des mots creux sans résultat. C’est d’ailleurs pourquoi en tous temps, il faisait le modeste : pour se rendre moins odieuse à lui-même son usurpation et absence de valeur intrinsèque. 

Aussi n’y tenant plus, à Kunming, en novembre 2012, il lâcha sciemment la grenade qui dynamiterait sa position : pour la ville, déclara-t-il, Pékin préparait une zone économique spéciale dotée de moult avantages fiscaux. C’était le scoop en milliards de dollars ! Cadres et journalistes foncèrent à leurs téléphones, pour vérifier au Conseil d’Etat. Comme celles de la justice, les meules de ce dernier tournent lentement, mais inexorables : le 08/03, après quatre mois, sa supercherie était révélée au grand jour.

Zhao fut arrêté deux semaines plus tard, chez lui où il attendait, après avoir réservé les services d’un avocat. Mais pour l’Etat, le dévoilement de l’escroc ne fait qu’ouvrir et non conclure l’affaire, et son embarras croît de jour en jour. En effet durant tout son office, Zhao n’a pas empoché un seul « fen », ni profité de la moindre largesse publique – toutes ses « victimes » sont là pour en témoigner. L’une d’elle déplore même la perte pour la Chine, « d’un homme de cette qualité, ayant gaspillé ses talents sur le mauvais chemin ». 

En fait, Zhao s’est profilé, durant ses trois ans de cavale, comme l’archétype du cadre intègre, humble et frugal que tente de promouvoir Xi Jinping : « libérez-le ! », réclament les bloggeurs sur la toile. Le procès est ouvert. 


Rendez-vous : Rendez-vous de la semaine du 22 au 28 avril 2013
Rendez-vous de la semaine du 22 au 28 avril 2013

22 avril : Journée de la Terre 

21-24 avril, Shanghai : China Asia Expo, Salon de l’imprimerie  

23-24 avril, Shanghai : LUX Pack, Salon de l’emballage des produits de luxe

23-25 avril, Shanghai : NEPCON, Salon des équipements électroniques

24-27 avril, Wuhan : API, INTERPHEX, Salons de l’industrie pharmaceutique

25-27 avril, Pékin : China Lighting Expo et LED 

28-30 avril, Pékin : CRTS, Salons des technologies ferroviaires

28-30 avril, Shanghai : Tunnel Expo, Salon asiatique des tunnels