Editorial : XVIII. Congrès — Hu Jintao fait le grand écart

C’est dans un Palais du Peuple sécurisé à la Fort Knox (chien renifleur, fouilles, scanners et cameras à reconnaissance faciale) que Hu Jintao ouvrit (08/11) le XVIII. Congrès du Parti communiste chinois, dans une ambiance électrique. Quelques tenues folkloriques ne suffisaient pas à égayer la foule des deux-pièces anthracite, pas plus que les trilles de la fanfare en kaki. Le 1er Secrétaire sortant, affrontait un parti déchiré, en crise identitaire suite aux scandales à rallonge depuis la chute de Bo Xilai, l’ex-« roi » de Chongqing déchu en février. 

Traditionnellement, ce discours du n°1 aux 2300 édiles sert à tracer la ligne idéologique du quinquennat à venir. Mais vu les circonstances, Hu devait aussi donner des arguments qui satisfasse les factions rivales : jeunes loups réformistes, diplômés des universités et conservateurs (vieux gardes rouges). 

Pour ces derniers, il évoqua 11 fois le « marxisme », 6 fois Mao (frustrant les espoirs de ceux qui croyaient à une démaoïsation imminente), 8 fois Jiang Zemin ou son fumeux slogan de « triple représentation ». Côté réforme, il cita 12 fois sa propre « société harmonieuse », 17 fois sa « croissance axée sur les sciences », 22 fois « l’écologie » (sujet qui entre ainsi dans la vulgate socialiste), 29 « démocratie », 31 « loi » ou « Etat de droit ». En même temps, comme pour ravaler la façade d’unité entre « petits princes » et « populistes », il invoquait ses 2 mantras fédérateurs : le « socialisme à la chinoise » (41 fois), le « développement » (82 fois) et le bon vieux « enrichissez-vous » de Deng Xiaoping ! 

De façon atypique, Hu s’est gardé de triomphalisme, se contentant de rappeler le PIB à 7301 milliards de $, passé du 6ème au second rang mondial en cinq ans. Il aurait pu préciser, comme le fit la presse, le bond en avant de prospérité réalisé en 10 ans, la création de plus de 2millions de lits d’hôpitaux (+50%), le décuplement des entrées au cinéma (10 milliards € de recettes) ou le passage des « smartphones » de 0 à 356 millions, soit 1 pour 4 habitants. 

L’objectif de Hu était ailleurs : sonner l’alerte et annoncer un tournant. Face à la corruption qui ronge vivant ce parti géant, il s’écria, dans un silence de mort dans la salle : « faute de savoir endiguer le fléau, le Parti risque sa propre perte, et avec elle, celle de l’Etat qu’il dirige ». 

A l’avenir, le Parti devra « contrôler étroitement le comportement de ses membres, contre la corruption, la dégénérescence et les situations dangereuses ». Autant dire que Bo Xilai, pour son procès prochain, a des soucis à se faire. 

D’autre part, des réformes sont annoncées, sous le règne de son successeur Xi Jinping : favoriser « l’économie non publique », lui donner « l’accès égal aux facteurs de production selon la loi » (c’est-à-dire au crédit et au foncier), et partager « rationnellement le profit national »…Hu parle aussi de « dissocier les rôles du gouvernement et des organisations sociales (entendez, des ONG), dont les droits et responsabilités seront clairement définis ». Si cela se faisait, ce serait une vraie révolution car en 60 ans de pouvoir, le PCC a toujours jalousement interdit aux associations privées, même charitables, d’exister légalement ou de collecter des fonds, afin de préserver son monopole. 

Mais en même temps, Hu parlait aussi de…renforcer l’économie d’Etat, les groupes géants et déjà hyper privilégiés. De même, le président sortant se garde bien de promettre de l’autonomie ou des transferts de compétence hors du Parti. 

Autrement dit, par ce discours-chant du cygne, Hu Jintao ne fait rien d’autre que ce qu’il a toujours fait : énumérer des possibles, tout en laissant à son successeur la responsabilité de les réaliser ou non. Lui léguant au passage ce parti divisé, sans voie clairement tracée. 

Un détail ne trompe pas : directement à son côté, au podium, Jiang somnolait, à une place statutairement réservée à un membre du Comité Permanent, ce qu’il n’est plus depuis 2002 – une manière atavique pour le régime de rappeler qu’ici, les relations rapprochées comptent plus que les postes officiels !

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