Editorial : Pékin : F. Hollande, « diable inconnu » mais forte confiance

La Chine préfère « le diable qu’elle connaît, à celui qu’elle ne connaît pas ».

Après son élection en 2007, Nicolas Sarkozy s’était d’abord profilé à Pékin en « diable », par sa prétention de conditionner sa présence aux JO de 2008 à une avancée des droits de l’homme en ce pays. Mais après quelques mois de bisbille, Hu Jintao en était venu à apprécier son homologue français, et Sarkozy à se créer dans la rue chinoise l’image d’un homme flexible, dynamique et intéressé par la Chine où il s’était rendu à six reprises.

Après l’arrivée de François Hollande, quelle poursuite des relations ? Il faut d’abord le dire, la Chine est plus à l’aise en Europe avec des cabinets de droite que de gauche – plus pragmatiques, moins obnubilés par les questions de droits de l’homme. Cette défiance s’est exprimée en février, quand L. Fabius atterrit à Pékin sans préavis, espérant des rencontres à haut niveau. Ayant trouvé porte de bois, il était reparti plus tôt que prévu, sans cacher sa déception. Peut-être gêné par ce ratage, Pékin a tenté de rattraper le coup auprès d’un Hollande Président, et d’un Fabius pressenti ministre des Affaires étrangères.

Le 07/05, Kong Quan, son ambassadeur à Paris, était le second  dignitaire étranger à venir féliciter François Hollande. Par presse interposée, Hu Jintao tendait la main au vainqueur : « le nouvel hôte de l’Elysée pourra compter sur un  partenaire chinois fiable pour approfondir les relations bilatérales et sino-européennes, et l’aider à sortir l’Union Européenne de son maelström d’endettement ».

Cela dit, Pékin garde en mémoire les propos sur la Chine, tenus en campagne par le candidat Hollande : une hostilité à tout soutien financier chinois à la France (qui altérerait sa souveraineté), un rappel du vieux reproche d’un yuan sous-évalué. Pour rééquilibrer les échanges commerciaux, Hollande préfère aussi une solution communautaire,  comme une taxe des 27 aux exports « des pays ne respectant pas un minimum de protection sociale » des travailleurs.

D’autres voix chinoises s’inquiètent encore de la remise en cause par Hollande du plan communautaire de sauvetage de la crise de la dette des 27, et de son insistance d’y introduire de la croissance. En cas de tempête sur l’Euro, « la Chine en paierait les conséquences».Selon le sondage de Huanqiu (Global Times), 82% des Chinois s’attendent à une dégradation des relations bilatérales suite à l’arrivée de Hollande.

La Chine du pouvoir, elle, n’y croit pas. Elle en a vu d’autres. Tant de leaders fraîchement sortis des urnes, tel Sarkozy, ont tenté la confrontation pour chercher l’accommodement peu après. Dès le 07/05, le vainqueur des élections est vu à Pékin comme «non gauchiste, mais réformiste et pragmatique, qui gérera la relation en rondeur et souplesse». Tandis qu’en face,   JM. Ayrault, 1er ministre pressenti, prédit une visite du Président français, à l’automne sans doute, et ajoute: «nous respectons la Chine – nous devons discuter entre nos deux pays ». Il y a en effet urgence : sur le front chinois, côté Europe, depuis fin 2011, la France est absente, et c’est l’Allemagne, Angela Merkel seule, qui tient le flambeau de la croissance, comme des relations entre la Chine et l’UE. La France socialiste aura à coeur de se rattraper sur le double front de la ligne politique (austérité et croissance), et du dialogue avec le partenaire chinois.

Un problème pourrait être le déficit au sein du Parti socialiste, de cadres politiques connaissant la Chine – Hollande ne s’y est jamais rendu et vu l’absence de la gauche au pouvoir depuis plus de 10 ans, très peu de ses cadres ont des contacts en l’Empire du Milieu. Bruno Le Roux, Président des amitiés franco-chinoises au Parlement, aurait bien une expérience et un carnet d’adresses utiles, mais il est en passe d’entrer au gouvernement sur un portefeuille qui ne lui permettra pas de valoriser cette compétence. Symptomatiquement, Paul Jean-Ortiz, diplomate de carrière, 55 ans, comptant de longues heures de vol dans ce pays, vient d’être nommé conseiller diplomatique à l’Elysée en «période de transition», l’homme qu’était Jean-David Levitte à Nicolas Sarkozy : une recrue solide, à un moment opportun.

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