A la loupe : Filière nucléaire : Fukushima et après…

L’accident nucléaire de Fukushima cause en Chine une cacophonie : des voix contradictoires s’élèvent chez les planificateurs, pour redéfinir l’avenir -dans l’angoisse.

A Canberra, Xie Zhenhua ministre de l’environnement voit les objectifs «inchangés», à 86Gw d’ici 2020. Mais il est contredit par Wei Zhaofeng, n°2 du Conseil National de l’Électricité qui voit du délai dès 2015, et au moins 10Gw de retard sur les plans en 2020.

Dirigeant la Chambre de Commerce des énergies nouvelles, Li Hejun part en guerre contre le nucléaire, dont l’Etat voulait bâtir en Chine sous 20 ans 45% du nouveau parc mondial : «le nucléaire peut sans doute améliorer la sécurité énergétique, mais il faut décider maintenant, s’il est compatible avec la sécurité du pays». Par exemple, d’ici 8 ans selon les plans présents, la Chine aura 2400t/an de déchets nucléaires, sans avoir aujourd’hui la maîtrise du retraitement. Le salut pour lui, passe bien sûr par un retour aux renouvelables -l’Etat s’apprêterait, en une spectaculaire volte-face, à doubler l’objectif du XII. Plan en solaire, du 1Gw actuel à 10Gw en 2015.

Autre lobbyiste, Shi Dinghuan, milite pour l’abandon des réacteurs de 2de génération, option la moins chère (la mieux maîtrisée par les firmes du pays) mais en voie d’obsolescence, pour ne plus approuver que les outils de 3ème génération: les EPR d’Areva, les AP1000 de Westinghouse. D’autres évoquent même déjà la 4ème génération, aujourd’hui à l’état de prototype comme ce mini-réacteur refroidi à hélium, dont Huaneng lance le chantier à Rongcheng (Shandong), qui promet de résister durant des heures à la fusion de la cuve, même à 1600°. Le problème est la faible capacité (200Mw). Pour des capacités utiles (1Gw), l’avenir est dans les projets étrangers, l’ACPR1000 d’EDF avec CGNPC, l’Atmea d’Areva-Mitsubishi.

Ainsi la Chine réfléchit, au sommet, et cette réflexion a des effets immédiats. Wu Weizhang, patron de Harbin Power, 3ème constructeur chinois de centrales nucléaires, se prépare à une chute de la demande en 2011. Surtout dans les projets à l’intérieur, comme à Xianning (Hubei). Alors qu’il avait vu ses profits «nucléaires» prospérer de 69% à 100M² (sur 3MM² de ventes) en 2010, et que depuis 2009, ses commandes de centrales thermiques et hydroélectriques patinaient «pour cause de désaffection du public». Harbin s’attend à présent à voir la tendance re-basculer vers le conventionnel, voire vers l’export. Les centrales nucléaires programmées à l’intérieur du pays auront plus de retard, car elles dépendent le plus du financement de Pékin, qui fera dépendre son feu vert de nouvelles études de sécurité par son Bureau National de sismologie, dont le budget quadruple presque à 300M$ en 2011.

La population s’inquiète cependant, consciente des traces (infimes mais grandissantes) de iodine-131 relevées, jour après jour à la côte (14 provinces au 31/03). Les riverains ne sont pas rassurés : à Daya Bay, l’immobilier stagne aux prix les plus bas, 4748¥/m², quart du tarif à Shenzhen, à 50km de là. A Haiyang (Shandong), la morosité atteint son comble, sous les deux AP1000 en construction, en attendant celle de six autres (9Gw, 12MM$ d’investissement) : laissant l’impression qu’en Chine comme 30 ans plus tôt en Europe, bâtir du nucléaire contre l’opinion, aura de moins en moins d’avenir !

 

 

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