Le Vent de la Chine Numéro 12

du 3 au 9 avril 2011

Editorial : Nankin – le Yuan, au panier !

A Pékin le 30/03, le Président Nicolas Sarkozy fut tancé par son homologue Hu Jintao, pour avoir inspiré la coalition aérienne contre le Colonnel Kadhafi. Envers un hôte de passage, une telle rebuffade est rare en Chine. D’autant que Pékin avait déjà laissé le Conseil de sécurité voter le texte autorisant ces frappes.

Deux heures plus tôt, à l’inauguration de la future ambassade de France – carré de gazon et de verre signé Alain Sarfati qui ouvrira en octobre, Sarkozy avait tenté d’amadouer ses hôtes, chantant leur «chemin parcouru» et «réussites exceptionnelles»… Rien n’y fit. N. Sarkozy subit ces reproches, qui sont en partie sincères: Pékin craint toute remise en cause de souveraineté d’un régime au nom du droit des peuples.

Mais dans la remontrance chinoise entrait aussi une dose de rouerie. Car face à la France, Pékin avait un autre embarras. Président du «G20» cette année, Sarkozy tente une forte réforme du système monétaire mondial. Désamorçant la stérile guéguerre sino-américaine (accusations de Yuan manipulé et trop bas d’un côté, d’irresponsable planche à billets verts de l’autre), il prétend renforcer le FMI (Fonds monétaire international) comme arbitre, et un de ses instruments comme monnaie de réserve, affranchissant le monde des incertaines fluctuations du dollar. Pour associer la Chine au processus, il l’invitait… chez elle, à Nankin (31/03), à un séminaire « de réflexion »: offre que Hu n’avait pu refuser, mais qu’il n’aimait pas, et qu’il s’était ingénié à minimiser.

Dans ce contexte, l’affaire libyenne, pour le Parti communiste chinois, était du pain bénit: l’objectif du sommet put être ainsi commodément détourné grâce à cette diatribe contre la coalition anti-Kadhafi…

Le lendemain à Nankin, N. Sarkozy rassemblait 20 ministres des finances, 20 gouverneurs des banques centrales et des experts tel R. Mundell, Prix Nobel d’économie. Ce fut en apparence le dialogue de sourds attendu entre USA et Chine. Wang Qishan,Vice-1er fit sa harangue en forme de 不 (bu, «non»), rabâchant que «toute réforme doit être graduelle» -les temps n’étant pas mûrs. Sans vouloir l’admettre, Pékin voit dans le vieux mécanisme liant yuan et dollar le garant de sa survie à long terme, et de son économie tournée sur l’export.

T. Geithner, grand argentier américain nota «hors sujet» les offres de N. Sarkozy : le vrai problème étant la manipulation du ¥uan, jeu perdant pour tout le monde, source d’inflation à l’intérieur et de protectionnisme à l’extérieur.

Sarkozy proposa d’intégrer le Yuan au «droits de tirage spéciaux» (DTS), la monnaie-panier d’une valeur actuelle de 1,5855$, alimentée par 4 devises ($, ², yen, £), qui permet au FMI d’intervenir sur le marché des changes. Depuis 1990 les flux monétaires se sont brisés 42 fois, par thésaurisation de crédits des banques centrales pour protéger leurs marchés. Le meilleur espoir de policer ce no-man’s land de la finance et des échanges, résiderait dans le FMI et son DTS, pour peu que le yuan vienne le renforcer. Mais rien sans rien : il devrait en contrepartie, passer à la libre convertibilité.

Or, divine surprise: au-delà des affirmations de désaccord, relata après le meeting Christine Lagarde, ministre française de l’économie, les 20 pays convinrent «dans les grandes lignes» d’intégrer au Droits de tirage spéciaux -DTS – le yuan, sous réserve de sa convertibilité totale et libre circulation. Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque centrale admit l’éventualité de cette intégration. Li Daokui, conseiller, alla jusqu’à estimer que sans yuan, le DTS serait «ridicule»-non représentatif- explicitant ainsi une vieille faille entre politiciens et financiers chinois, ET une discrète mais ardente demande en rôle mondial pour le yuan.

La table est mise : la Chine réalise qu’elle peut lâcher son ombrageuse souveraineté monétaire pour un système mondial qui rendra son yuan roi. Mais quand ?

Aucun calendrier n’a été convenu, et l’on peut douter qu’un accord se fasse au G20 de Cannes à l’automne. Ce qui est sûr, est que la graine semée à Nankin germera. Peut-être pas à temps pour dépanner Sarkozy dans sa réélection en 2012. Mais ce n’était pas l’enjeu, et en se lançant dans ce pari, le Président français en était bien conscient, et prêt à prendre ses risques !

 

 


A la loupe : Halte à la cuisine au plomb !

Les problèmes de sécurité alimentaire figurent parmi les sujets d’angoisse de la rue, et aussi du pouvoir. Face aux édiles de l’ANP, l’Assemblée nationale populaire, en mars, le vice 1er Wang Qishan avouait le «grand embarras» de Pékin sur le sujet et déplorait «la farine trop blanche et le riz trop brillant».

C’est de l’affaire des grains aux métaux lourds (cadmium, plomb mercure, entre autres) dont il parlait. Selon Century, hebdomadaire national, cette pollution frappe au moins 20Mt de riz par an, 10% de la récolte : assez pour plomber 40M de Chinois. Le poison provient des milliers de mini fonderies obsolètes aux effluents non retraités, dans 14 provinces telles Guangdong, Yunnan, Hunan ou Guangxi. L’alibi est la sauvegarde d’emplois en régions défavorisées. Mais le mal se traduit par des cancers, cécité et autres pathologies souvent fatales : un fléau majeur et évitable, comme l’admet le 1er ministre Wen Jiabao.

Entre-temps, un autre scandale éclate, qui laissera des traces dans l’opinion : celui du porc forcé aux hormones, clenbutérol ou ractopamine, aussi utilisées dans le dopage, qui développent les muscles et non la graisse. C’est mi-mars par un reportage de la CCTV qu’arrive le scandale du groupe Shuanghui (Henan), fourguant ses carcasses malsaines, les contrôles vétérinaires fermant les yeux. Des éleveurs, Shuanghui n’acceptait pas de bêtes à moins de 70% de chair. Suite à l’alerte, « au moins 2000t de viande transformée et 70t de viande fraîche » sont rappelées au plan national, ce qui est peu comparé à Chongqing, où 2500t de boudin ont été détectées. Wan Long, Président du groupe, parle d’un «cas isolé» dans une de ses filiales, et promet qu’il n’y aura pas de «2d Sanlu» (géant du lait maternisé aujourd’hui disparu, auteur en 2008 du scandale du lait à la mélamine — 300.000 bébés victimes de calculs aux reins). Le ministre de l’agriculture confirme du bout des lèvres, annonçant que les contrôles n’ont détecté que 134 porcs aux hormones sur 310.000 contrôlés. Mais faut-il faire confiance ? Pour Shuanghui en tout cas, un des fleurons du secteur porcin chinois, avec Goldman Sachs comme investisseur, la perte d’image est lourde : 150M$ de ventes en moins en 10 jours.

Assiégé de tous les côtés par les «affaires», l’Etat tente de reprendre le contrôle. Au Henan, 72 passeurs d’hormones sont arrêtés, et 53 cadres interrogés ou limogés. 1300 élevages, 300 broyeurs d’aliments vétérinaires sont visités: une frappe interministérielle d’un an (agriculture, santé, environnement) est lancée. Sur les métaux lourds, 4400 PME sont sous surveillance, prélude à leur fermeture. Même réveil au clairon chez 800 laiteries, dont 20 à 25% perdent leur licence suite à la dernière inspection achevée le 30/03. Ceci pour «permettre aux compagnies chinoises de remonter sur le marché intérieur» – le client votant fermement aujourd’hui contre tout lait «made in China ».

Pour Chen Zhu le ministre, la sécurité alimentaire est une priorité majeure d’ici 2015. Mais la tâche s’apparente au nettoyage des écuries d’Augias. Il faut coordonner les ministères, les officiers de répression des infractions, établir les procédures d’urgence. Il faut aussi «plus de budget», et «plus de foi, surtout à la base». Et sans doute aussi à la Commission nationale de sécurité alimentaire, dont l’optimiste Président Zhang Yong, voyait (03/02), la situation «en progrès pour 2010 pour à peu près tous les produits ». Le besoin de positiver, chez cet officiel, pouvant étouffer l’impératif d’éliminer l’inacceptable.

 

 

 


A la loupe : Filière nucléaire : Fukushima et après…

L’accident nucléaire de Fukushima cause en Chine une cacophonie : des voix contradictoires s’élèvent chez les planificateurs, pour redéfinir l’avenir -dans l’angoisse.

A Canberra, Xie Zhenhua ministre de l’environnement voit les objectifs «inchangés», à 86Gw d’ici 2020. Mais il est contredit par Wei Zhaofeng, n°2 du Conseil National de l’Électricité qui voit du délai dès 2015, et au moins 10Gw de retard sur les plans en 2020.

Dirigeant la Chambre de Commerce des énergies nouvelles, Li Hejun part en guerre contre le nucléaire, dont l’Etat voulait bâtir en Chine sous 20 ans 45% du nouveau parc mondial : «le nucléaire peut sans doute améliorer la sécurité énergétique, mais il faut décider maintenant, s’il est compatible avec la sécurité du pays». Par exemple, d’ici 8 ans selon les plans présents, la Chine aura 2400t/an de déchets nucléaires, sans avoir aujourd’hui la maîtrise du retraitement. Le salut pour lui, passe bien sûr par un retour aux renouvelables -l’Etat s’apprêterait, en une spectaculaire volte-face, à doubler l’objectif du XII. Plan en solaire, du 1Gw actuel à 10Gw en 2015.

Autre lobbyiste, Shi Dinghuan, milite pour l’abandon des réacteurs de 2de génération, option la moins chère (la mieux maîtrisée par les firmes du pays) mais en voie d’obsolescence, pour ne plus approuver que les outils de 3ème génération: les EPR d’Areva, les AP1000 de Westinghouse. D’autres évoquent même déjà la 4ème génération, aujourd’hui à l’état de prototype comme ce mini-réacteur refroidi à hélium, dont Huaneng lance le chantier à Rongcheng (Shandong), qui promet de résister durant des heures à la fusion de la cuve, même à 1600°. Le problème est la faible capacité (200Mw). Pour des capacités utiles (1Gw), l’avenir est dans les projets étrangers, l’ACPR1000 d’EDF avec CGNPC, l’Atmea d’Areva-Mitsubishi.

Ainsi la Chine réfléchit, au sommet, et cette réflexion a des effets immédiats. Wu Weizhang, patron de Harbin Power, 3ème constructeur chinois de centrales nucléaires, se prépare à une chute de la demande en 2011. Surtout dans les projets à l’intérieur, comme à Xianning (Hubei). Alors qu’il avait vu ses profits «nucléaires» prospérer de 69% à 100M² (sur 3MM² de ventes) en 2010, et que depuis 2009, ses commandes de centrales thermiques et hydroélectriques patinaient «pour cause de désaffection du public». Harbin s’attend à présent à voir la tendance re-basculer vers le conventionnel, voire vers l’export. Les centrales nucléaires programmées à l’intérieur du pays auront plus de retard, car elles dépendent le plus du financement de Pékin, qui fera dépendre son feu vert de nouvelles études de sécurité par son Bureau National de sismologie, dont le budget quadruple presque à 300M$ en 2011.

La population s’inquiète cependant, consciente des traces (infimes mais grandissantes) de iodine-131 relevées, jour après jour à la côte (14 provinces au 31/03). Les riverains ne sont pas rassurés : à Daya Bay, l’immobilier stagne aux prix les plus bas, 4748¥/m², quart du tarif à Shenzhen, à 50km de là. A Haiyang (Shandong), la morosité atteint son comble, sous les deux AP1000 en construction, en attendant celle de six autres (9Gw, 12MM$ d’investissement) : laissant l’impression qu’en Chine comme 30 ans plus tôt en Europe, bâtir du nucléaire contre l’opinion, aura de moins en moins d’avenir !

 

 


Argent : Qingming : l’au-delà fait peau neuve

Mardi 5/04, la fête de la Clarté (清明, Qingming) sera très suivie. 3millions rien qu’à Pékin, 500.000 de plus que d’autres années iront rafraîchir les tombes des ancêtres: signes du retour de la foi et du vieillissement de la population.

L’État mène campagne pour des cérémonies moins coûteuses et moins dangereuses. Chaque année se dépensent en 1000t de papier jaune et «monnaie de l’enfer», Iphones et maisons de papier qui causent ensuite pollution et incendies quand on les brûle. Aussi Pékin encourage les fleurs en soie et la visite des sanctuaires en ligne, où en un seul clic, on peut offrir des chants funèbres et brosser virtuellement la tombe : « seule l’intention compte ».

En funérailles aussi, on innove pour épargner l’espace, et éviter à une ville comme Pékin de perdre 30 ha/an dans ses 70.000 décès annuels. Des formules créatives d’immobilier de l’au-delà se multiplient : sous arbre (en urne bio), en columbarium, en «mini-tombe» d’1m², en mer. Cette dernière, qui fut celle de Zhou Enlai en 1976, attirera 1000 Pékinois cette année. Ces offres permettant en outre de diviser jusqu’à par 10, le coût d’une sépulture conventionnelle (60.000-100.000¥).

Les cimetières aussi se modernisent-de façon moins convaincante. Pour faire moins cher, s’ouvrent au village les cimetières «commerciaux» et «communautaires» (biens communaux). Souvent illégaux, ils font courir aux pensionnaires le risque d’être tirés bien trop tôt de leur dernier repos.

 

 


Pol : Mer de Chine – le poisson, et l’argent du poisson

On constate en 2011 une inattendue disparition dans la vie publique, des revendications du régime sur la Mer de Chine : le temps d’une apparente révision au sommet.

Au printemps 2010, le Conseiller d’Etat Dai Bingguo semait l’émotion en nommant cette zone «intérêt national central», au même titre que le Tibet ou Taiwan. Telle assertion, et des exercices maritimes musclés avaient inquiété les riverains: à l’été, les pays de l’Asean renforçaient leurs liens avec les USA dont les Secrétaires d’État H. Clinton et R. Gates réitéraient l’«intérêt national» sur la zone—manière de contester la revendication chinoise.

En 2011 donc, la Chine n’utilise plus le terme : le 24/03, un porte parole revient à la formule standard de «souveraineté indiscutable » sur les îles Spratley, au coeur de cette mer. Cela dit, le retrait n’est que conceptuel : en haute mer, on voit toujours les garde-côtes chinois arraisonner ou contrôler des navires de pêche ou de contrebande, des hélicoptères chinois frôler des navires de guerre nippons.

Mais l’essentiel est ailleurs : le livre blanc de l’APL, l’armée populaire de libération, (01/04) tente de dissiper les inquiétudes et de se poser en « soft power », uniquement défensif, escorte anti-pirates maritimes etc, et propose aussi de reprendre le débat sur un mécanisme de sécurité commun avec Taiwan. Ce qui ne peut être crédible, en maintenant simultanément des revendications exclusives sur la Mer de Chine…

 

 


Temps fort : La nouvelle « e-culture » : une affaire d’Etat

La Chine de 2011 produit de la culture, à la même mode qu’elle produit des TGV et des avions : à coup de volontarisme et de milliards de dollars d’investissement.

D’ici 2015, le XII. Plan veut faire de la culture une de ses industries-piliers, générant 5% du PIB. En 2011, l’Etat y versera 18,5MM². Mais cette culture, selon les dogmes du passé, est l’affaire quasi-exclusive de l’É-tat et du Parti. De même, elle se limite à l’«e-culture»: générée et consommée par les masses, via des gadgets électroniques. Il est d’ailleurs vertigineux de réaliser que ce monde chinois vierge 20 ans plus tôt de ces technologies, s’est entre-temps hissé au sommet mondial comme producteur et utilisa-teur, et passe à l’étape suivante: à la conquête de la planète, comme 1er fournisseur de contenu audiovisuel. Rien moins.

Pékin compte sur une avance technologique (réseau 3G, intégration de la TV, radio et internet), et sur une poignée de groupes publics ou semi-publics de media intégrés (presse et éditions, radio, TV, internet). La bourse leur fournira l’épargne d’une population jeune, pour financer des produits e-culturels mutants (musique, films, textes, jeux etc), que celle-ci consommera ensuite, sur ses téléphones portables et e-books. Les 457M d’internautes présents seront 750M en 2015, océan de clients qui permettront d’accéder à des coûts de développement imbattables.

A présent la Chine compte 303M internautes de 25 à 40 ans, reliés sans fil via leur tel. portable. Grâce à eux, l’e-édition a cru de 56%/an depuis 2006, à 8MM² en 2009 (540M² au e-livre), dépassant pour la 1ère fois le chiffre de l’édition papier. En 2010, les lecteurs sur le web, prêts à payer pour télécharger sont 195M. L’éditeur virtuel Shanda déclare avoir vu au 4. trimestre près d’1,5M d’écrivains déposer 4,1M de manuscrits auprès de ses 7 portails littéraires (85% du marché). En 2010, les Chinois achetèrent aussi 1M de e-books…

Le défi dépasse l’entendement. L’Etat peut rêver en tirer d’immenses profits, un contrôle accru des masses en censurant à la source tout l’éventail e-culturel. Et à terme, pourquoi ne pas inonder le marché mondial de l’audio-visuel par son offre abondante et à bas prix de n’importe quel produit ?

Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Le critique Zhu Dake doute de la rentabilité d’un investissement-massue par l’État sur la culture. Ainsi en 2010, «Confucius », film d’une maison publique n’a pas recoupé son invest de 22M$ par les entrées en salle (18M$), malgré les privilèges outrageux ménagés par la censure. Pour cause : ennuyeuse, l’oeuvre reflétait trop les poncifs sur le grand homme, pas assez les recherches récentes sur sa vie réelle. De même, sur 522 films tournés en 2010, 52% ne sont jamais sortis, et 80% jamais amortis. La création artistique, disent ces critiques, devrait refléter plus l’inspiration individuelle, dans un environnement de PME…

C’est à ce moment que 50 écrivains et éditeurs attaquent (15/03) Baidu Wenku, le site littéraire gratuit. Hou Xiaoqiang, le PDG de Shanda, accuse Baidu de dérober au secteur plus de 100M² /an, et de tuer la création littéraire. Or, Baidu est protégé au plus haut lieu, comme «Grande muraille» contre l’e-culture américaine. A ce jour, nulle maison de production, chinoise ou étrangère n’a pu s’imposer en justice contre le piratage de Baidu. Mais cette fois, l’attaque semble faire vaciller le colosse. Le 29/03, Baidu ampute son catalogue en ligne (29/03) de 2,8M titres à…1100. Mais comme il réfute toute accusation de piratage et demande de compensation, les négociations avec les auteurs sont rompues.

La bataille de l’e-culture en Chine, en fin de compte, oppose deux conceptions opposées et incompatibles de la création artistique. Celle de Mao, qui l’inféodait au Parti (discours de Yan’an, 1942), et celle classique, altruiste, posant l’art au service de l’homme. Il s’agit de créer une organisation économique de cet art, sur la base des technologies nouvelles. Une question qui dépasse de loin le domaine de l’art, et les frontières chinoises. On suivra la suite avec grand intérêt !

 

 


Petit Peuple : Nankin, le hacker mégalo

En novembre, à Hangzhou (Zhejiang), le webmestre d’un site de jeux vidéo avait des sueurs froides : depuis septembre, sa caisse en ligne (vendant en yuan des unités de compte utilisés dans ces jeux), augmentait chaque jour d’1,25 milliard de ces jetons virtuels, pour 10.000 ¥.

S’en étant aperçu dès le 1er jour, il avait cherché le cheval de Troie vecteur du virus, la porte par laquelle, et l’adresse vers laquelle le hacker réexportait chaque nuit la monnaie virtuelle qu’il venait clandestinement de générer. Mais rien à faire. Il en avait déjà pour plus de 4M de ¥ de détournés. Le préjudice fut tel que l’administrateur dut se résigner à porter plainte, dépassant ses propres craintes de la police et des bavardages que ce scandale ne manquerait pas de susciter parmi la clientèle.

L’hébergeur étant sis à Nankin (Jiangsu), c’est là qu’il déposa sa doléance, réclamant la surveillance en ligne du portail. Les informaticiens firent le guet derrière leurs écrans jour et nuit : eux aussi firent chou blanc. « Nous n’avons remonté ni la route suivie, ni le bug exploité par les faussaires » avouait piteusement Sun Yongming, le vice-directeur du service.

Les flics du net ne commencèrent à avancer qu’après trois semaines, en changeant de stratégie. Tournant le dos au virtuel, ils revinrent aux bonnes vieilles méthodes, indics et filatures, cherchant en aval la filière de vente. Là encore, les malfaiteurs leur tinrent longtemps la dragée haute, effaçant magiquement les moindres traces pistées par les limiers qui vivaient sous l’impression qu’un formidable cerveau tapi dans l’ombre, se jouait d’eux, gardant un coup d’avance.

Début décembre, la chance tourna. Un tuyau les mit sur les talons d’un quidam Gu Lin, qui venait d’écouler sur la toile avec discount des masses importantes de ces jetons. Cette fois, le poisson était ferré. Se gardant de le prendre, ils l’observèrent, avec prudence, le temps de remonter au génie de la lampe, un certain Xu Fang.

Quand ils découvrirent le personnage, le souffle leur manqua. Xu Fang, était l’un des meilleurs espoirs des sciences chinoises. Natif de Mianyang (Sichuan), il était monté à l’une des universités scientifiques les plus respectées du pays. Il avait suivi un master de physique, puis un doctorat de gestion de l’énergie.

Mais Xu Fang s’était aussi avéré tricheur invétéré, et un milieu académique perclus de plagiat et de mandarinat, n’avait été que trop propice à son vice. Dès 2007, Xu perdait (à vie) son poste d’assistant pour délit de hackage. Émigré, il avait trouvé sans peine à l’étranger un nouveau poste de chercheur. Puis, il accepta une place en or à Hangzhou (Zhejiang), assistant d’un professeur étranger invité dont il préparait les cours de MBA.

C’était moins pour de l’argent qu’il hackait ce site, mais plus par défi, pour voir si la police pourrait mettre la main sur lui -il « aurait mis sa tête à couper » que non. Une autre raison plus prosaïque, était qu’il allait épouser une «payse», dans son Mianyang natal, ville sinistrée par le séisme de 2008. Il préparait un mariage fastueux — mais même au Sichuan, il y avait de quoi casser plus d’une tirelire… C’est pourquoi il avait accumulé et placé son magot sur un fonds d’investissement.

Quand on voulut l’arrêter, il était hors d’atteinte, hors du pays.

Le maillon faible était son projet matrimonial. Les noces étaient pour le chunjie, le 5 février. On attendit gentiment son retour. Les inspecteurs de Hangzhou remontèrent à Mianyang, orchestrer avec les collègues le coup de filet la veille de la fête. Menottes aux poings, Xu Fang réalisait, mais un peu tard, que même avec une prodigieuse intelligence comme la sienne, « quoique à larges mailles, le filet du ciel ne laisse rien passer » (天网恢恢, 疏而不漏  tiān wǎng huī huī, shū ér bú lòu) !

 

 


Rendez-vous : A Shenzhen, le Salon du nucléaire

6-8 avril, Shenzhen : Salon int’l de l’énergie nucléaire

6-9 avril, Shanghai : Sinocorrugated, Salon emballage en carton ondulé

7-9 avril, Shanghai : Salon de la réfrigération

8-9 avril : Suzhou, Fastener Trade Show, Salon de la fixation

8-10 avril, Shenzhen : Salon et Forum de la 3D

8-10 avril, Shenzhen : CEF, Salon de l’électronique