Temps fort : TIBET – dans l’ombre du glacier, le dégel ?

Sur le front tibétain, c’est le dégel, après 15 mois. En nov. 2008, les palabres entre le PCC et les émissaires du Dalai Lama s’étaient achevés sur un désaccord complet. Pékin rejetait le mémorandum des exilés (leur offre de paix, basée sur leur concept de « voie médiane). Le statut du Tibet était « non-négociable ». Pékin n’acceptait de discuter que des conditions d’un retour du Dalai Lama.

Or les 18-20/01 se tint à Pékin un rare conclave des 300 principaux décideurs du pays, sur l’avenir du plateau, qui de manière atypique, conclut sans diatribe hostile au Dalai Lama, affirma que le Tibet était au centre des intérêts stratégiques du pays et émit une liste de mesures pour réduire le décalage de richesse entre Tibet et autres régions du pays, entre paysans (pasteurs) et citadins tibétains. Parmi celles-ci, il offrit aux transporteurs aériens chinois et étrangers des avantages fiscaux pour ouvrir de nouvelles routes vers le Toit du Monde. Il annonça une hausse des crédits jusqu’en 2020 pour plus créer d’écoles, d’hôpitaux, de projets écologiques, d’agronomie, de tourisme, de mines et de PMI. Fait notable, ce plan est offert au grand Tibet historique, incluant les zones ethniques des provinces riveraines, et non au seul Territoire autonome. Surtout Hu Jintao, qui connaît bien le plateau pour en avoir été Secrétaire du Parti, souhaitait «bâtir le Tibet selon ses propres caractéristiques»: écho curieux à Hu Yaobang qui appelait dès 1980 à Lhassa, à « 50 ans de liberté religieuse et administrative complète ». Or, ce slogan libéral avait été aboli en 1994.

Encore plus fort: les 30-31/01 à Pékin, le dialogue formel reprenait avec côté Dalai Lama, Lodi Gyari, Keltsang Gyaltsen, ses ambassadeurs itinérants. Démontrant un ton conciliant inhabituel, Pékin était prêt à réécouter les exilés lui expliquer leur «voie médiane». Que se passe-t-il donc? Tentons quelques éclairages :

[1] Barak Obama s’apprête à recevoir le Dalai Lama en février, ce qui force Pékin à rouvrir les palabres, pour ne pas apparaître comme obstructionniste.

[2] Pékin veut stopper le retour des émeutes de 2008 qui firent 200 morts. Le meilleur moyen, étant d’accorder aux Tibétains certaines de leurs demandes: l’amélioration de leur sort, un dialogue avec leur père spirituel.

[3] Sous les armes depuis 22 mois, le Tibet n’a plus connu de violences: Pékin peut croire le temps mûr pour aller de l’avant. L’économie s’est peut-être redressée («5 millions de touristes» l’an dernier), mais avec ses routes barrées, l’économie réelle du Tibet doit souffrir : pour la relancer, il faut des crédits, mais -aussi- de la confiance.

[4] De l’avis d’experts tel Robbie Barnett, aucune de ces mesures ne constitue une concession réelle. Par contre, le système a été pris de court par l’éclatement simultané en mars 2008, de 125 manifestations, symptôme d’échec d’une politique, plus que des agissements des exilés. Politique dont les causes et les effets se dupliquaient un an après au Xinjiang. D’où, pour la frange la plus libérale du régime, la conscience de la nécessité d’explorer des voies nouvelles.

[5] Pékin aurait-il en tête cet enjeu d’obtenir un concordat sur le Pays des Neiges, du temps du vivant du Dalai Lama? Y verrait-il la chance de valider son autorité sur le plateau et de prévenir que resurgisse un sentiment séparatiste, une fois disparu son père spirituel, symbole de son identité et de tous ses espoirs ? Plus que l’issue de la réunion secrète, les mois prochains permettront d’y voir plus clair.

 

 

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