A la loupe : L’ultime bataille pour Gome

L’épilogue est proche, dans la guerre pour le contrôle de Gome, ex-1er groupe national de distribution de l’électroménager. Une guerre entre deux clans, ceux de Huang Guangyu, le fondateur, et Chen Xiao, son président.

Pour délit d’initié, corruption et pratiques illégales, Huang, self-made man de 41 ans, est condamné depuis 2008 à 14 ans de prison -sans que la lumière ait été faite sur la nature de ses délits, causant la perte d’un homme jusqu’ alors symbole d’esprit d’entreprise et de réussite.

Par suite, Gome avait perdu la confiance des fournisseurs et des clients. Pour l’anglo-saxon Bain Capital, c’était la chance de pénétrer sur ce marché. En 2009, il injectait en Gome 234M$, en obligations convertibles. Sous la poigne de Chen Xiao, lui-même fondateur de Yongle, distributeur fusionné en 2006 avec Gome, la maison entrait en convalescence. De son côté, depuis sa geôle, Huang tentait avec sa famille de ressaisir les rênes. Depuis lors, la chaîne aux 1041 magasins cahote sous ce désordre. Huang pèse de ses 34% de parts, auxquelles s’ajoutent ses 300 succursales privées. Chen a pour lui Bain et la majorité des 180 gros porteurs aux noms tels que JP Morgan Chase ou Morgan Stanley. De cette guerre interne, c’est le rival Suning qui profite, ayant coiffé Gome sur ce marché (8% chacun) avec 1071 magasins.

Au printemps, Huang déboulonnait les 3 membres de Bain au Conseil de direction et bloquait toute émission de parts nouvelles, qui diluerait sa majorité. Dans les jours suivants, le Conseil avait infirmé ces décisions.

Le 5/07, Huang écrivait aux actionnaires pour accuser Chen de mauvais résultats face à Suning. Chen répliqua en portant plainte contre Huang devant la bourse de Hong Kong, pour un rachat de parts effectué en 2008, plus dans son intérêt propre que dans ceux du groupe.

Le 24/08, il enfonçait le clou, produisant une courbe de profits du 1er semestre, meilleure que celle de Suning : +66% (962M¥), contre +53%(2,6MM) au concurrent. Redressement qu’il attribuait à sa stratégie de fermetures de magasins à la traîne (25), de réfection pour d’autres (75) et d’ouvertures (39), à 1 à 3M¥ d’investissement par surface. Surfant sur ces bons chiffres, Chen convoque les actionnaires en Assemblée générale le 28/09 pour un plébiscite : un mandat pour son programme d’émission de 3MM de parts (dont la moitié pour Bain Capital, qui passerait ainsi à 20% des parts, après conversion de ses obligations), ou bien sa démission. En échange, Chen promet 1400 filiales en 2014, déployées surtout sur le terreau vierge des villes nouvelles ou de l’intérieur. Selon l’analyste Guotai Junan (HK), ce pari pourrait séduire ceux en état de départager : les petits porteurs (21% de parts), les fournisseurs, très influents par leurs conditions de crédit.

Et l’Etat, dans tout cela ? Tout en gardant sa discrétion coutumière, on constate que cette fois, il s’abstient d’intervenir pour protéger le national contre l’étranger. A ceci, deux raisons plausibles : [1] Pékin a ces derniers mois d’autres soucis plus urgents [2] Il est difficile de sauver la mise à un homme qu’il vient de jeter en prison pour 14 ans.

 

 

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