Le Vent de la Chine Numéro 27

du 29 août au 4 septembre 2010

Editorial : Zhouqu—coulées de boue et électrochoc

Soldées par 1435 morts et 350 disparus — la plupart sous des mètres d’épaisseur de limon, les coulées de boues à Zhouqu (Gansu), le 8 août, ont causé dans la nation entière un examen de conscience, en dévoilant soudain l’immense retard dans l’infrastructure de prévention.

Faute d’un radar-météo, Zhouqu n’a pas su donner l’alarme une heure à l’avance, qui lui eût permis d’évacuer jusqu’ à 80% des habitants. Quant aux digues de 1995, le professeur Chen Ningsheng, envoyé de Pékin pour enquêter sur les causes du drame, fit sur elles un verdict sans appel : les digues étaient de «tofou»,trop minces et sans renforts auxiliaires. Elles auraient même aggravé le bilan, en relâchant avec l’avalanche les sédiments accumulés les années précédentes.

Or, Zhouqu n’est pas un cas isolé, et le changement climatique n’est plus un phénomène que le Conseil d’Etat puisse mettre en doute: de janvier à juillet, suite à 14 fronts de pluie violentes, le pays a souffert de 26000 désastres naturels, dans 28 provinces: le quadruple de 2009, avec +170% de morts (843). Et l’automne promet d’autres déluges, sous l’effet d’une vague mondiale de La Niña…

Sous le choc, l’Etat a annoncé ses premières mesures de prévention:

[1] 200MM¥ au reboisement d’ici 2021—mais c’est moins que ses invests de ’99-2009 (233MM¥).

[2] l’ordre aux villages d’évacuer de force en cas de coulée imminente.

[3] 15.000 paysans autour de Pékin vont être déplacés.

[4] Entièrement rebâtie, Zhouqu, la ville martyre, recevra un système de prévention hors-pair, à 328M$.

Dès le 15/07 le Conseil d’Etat publiait un règlement de mitigation des désastres, supprimant bien des flous. Désormais en cas d’incendie, crue, glissement de terrain etc, les gouverneurs et maires devront obéir aux ordres de l’agence nationale ad hoc, et lui fournir moyens de transports et radio-téléphones. Ils devront présenter leurs plans, et former leurs équipes de 1ers secours. Et suite à l’évaporation de plus de la moitié des donations faites aux victimes du séisme du Sichuan en 2008, la supervision des donations est réorganisée: les pouvoirs locaux devront publier les listes complètes des donateurs, des fonds et leur usage, et les dénonciateurs de détournements devront être protégés.

Autant de mesures de bon sens, mais qui ne suffiront pas. A Zhouqu, la cause de la coulée de boues est la fondation de la ville en fond d’une vallée. Nationalement, 240.000 sites tels sites vulnérables aux risques sismiques et telluriques ont été identifiés—et la liste n’est pas complète, un tiers des 26.000 désastres de l’année, y manquant: face à telle soif aveugle de terre, des accidents sont inévitables, et toute une politique est à revoir !

Un autre acteur du drame est le réchauffement global, dont l’Etat doutait encore récemment, et qui le met à présent en porte-à-faux face à l’opinion. Face au monde, et à sa recherche d’un plan solidaire de restriction des émissions de CO2, Pékin prétend toujours attendre « des riches » qu’ils agissent seuls, en premier. Mais il réalise aussi que surpeuplé et surpollué, son sol pourrait bien être en fait plus fragile que d’autres. Et il ne peut plus empêcher sa presse de l’aiguillonner jour après jour pour qu’il «assume ses responsabilités de 2de puissance industrielle mondiale » (China Daily).

En octobre à Tianjin, la Chine reçoit les pays du monde, ultime meeting avant le sommet de Cancun (novembre 2010), en quête d’un plan climatique planétaire. On verra alors si le régime est déjà prêt à abandonner la poussiéreuse rhétorique pour s’engager en partenariat avec le monde, dans ce qui l’angoisse le plus : des engagements contraignants.

 

 


A la loupe : Notre nouvelle grande muraille fait peau neuve

« Notre nouvelle grande Muraille », l’APL, l’armée chinoise, monte en puissance et en maturité, comme le suggèrent ces exemples :

[1] En matière de transports amphibies, le ministère américain de la défense évalue ces capacités au même niveau qu’en 1997, mais considérablement modernisées. Environ 35000 hommes (et femmes) servent entre la 1ère Division Amphibie mécanisée à Nankin, la 124ème à Canton, et trois brigades dans les régions militaires de Shenyang, Jinan et Pékin.

Les vieux rafiots des années ’60 ont laissé place depuis 2000 à des bâtiments de fort tonnage (27 plateformes d’accostage type 071 ou 072) ou moyen tonnage (31 plateformes de classe Yuhai et Yudeng), tous capables de franchir le détroit de Taiwan à pleine charge par gros temps. De même, les chars d’antan ont laissé place aux tanks amphibies 96A/63A, aux transports de troupes ZBD05 (vus pour la 1ère fois à la parade pékinoise de 2009) et aux obusiers automoteurs de 122mm.

Fait remarquable, ces capacités ont donc stagné par rapport à 1997. Pourtant, la Chine a les moyens industriels et financiers de bâtir en peu d’années une flotte suffisante pour envahir Taiwan. Si elle ne l’a pas fait, selon le Pentagone, c’est en raison du climat au beau fixe entre les deux rivages depuis 2008. Renforcer sa force de frappe, ne ferait que déstabiliser l’île et la replonger dans les bras de l’Amérique. Laquelle n’en a d’ailleurs nulle envie, et c’est ce qui explique l’écart entre les conclusions du rapport américain et celles du gouvernement Ma Ying-jeou, qui voit lui un renforcement de la capacité amphibie continentale.

[2] D’ailleurs, on voit Washington armer Taiwan plus lentement que celle-ci ne le souhaiterait. B. Obama vient d’octroyer les licences pour exporter des radars, pour un montant impublié mais sans doute faible. En janvier, il octroyait pour 6,4MM$ de ventes d’armes, mais excluant l’essentiel, navires ou avions. Les 66 chasseurs F-16 demandés début 2007, sont implicitement refusés, et le prochain dossier pour l’hiver 2010, de remise à la page des 145 F-16 obsolètes de la flotte insulaire, n’est pas gagné.

[3] Autre branche où l’APL progresse : les communications, avec le lancement le 9/08 du satellite Yaogan 10, porteur d’un radar à ouverture synthétique (SAR), opérationnel par tous les temps. De cette série à haute résolution optique, c’est le 4ème que l’APL lance en 2010. La Chine le présente comme satellite de recherche scientifique, tantôt sur les récoltes, tantôt sur les o céans, mais son intérêt primaire est la cartographie militaire, et entre autres, le suivi d’un porte-avions.

Le 1/09 décollait le 5. Satellite BeitouPôle nord»), chaînon du futur réseau GPS de 30 unités, dont une 20aine en service sous 2 ans, selon Sun Jiadong chef du projet. Outre fournir du GPS aux usagers, Beidou pourra guider des missiles longue portée avec précision à des milliers de km -même le « carrier killer » chinois, dont les US annoncent la mise au point proche.

[4] Progrès dans les promotions : 11 généraux ont été nommés le 19/07, qui formeront «l’ossature du haut commandement sous 5 à 10 ans» selon Phoenix Weekly (HK). Parmi eux, Liu Yazhou, Commissaire politique de l’université de Défense est si pacifiste qu’il affirme que la Chine n’a d’autre choix entre un virage vers la démocratie à l’américaine ou un effondrement à la soviétique. Enfin la dernière nomination pressentie, est la plus importante : celle de Xi Jinping au second rang de la Commission Militaire Centrale du Parti, soit n°2 de l’armée populaire de libération. Ce devrait être fait lors du Comité Central d’octobre prochain, lui ouvrant la dernière porte (?) vers le pouvoir suprême !

 

 


A la loupe : L’ultime bataille pour Gome

L’épilogue est proche, dans la guerre pour le contrôle de Gome, ex-1er groupe national de distribution de l’électroménager. Une guerre entre deux clans, ceux de Huang Guangyu, le fondateur, et Chen Xiao, son président.

Pour délit d’initié, corruption et pratiques illégales, Huang, self-made man de 41 ans, est condamné depuis 2008 à 14 ans de prison -sans que la lumière ait été faite sur la nature de ses délits, causant la perte d’un homme jusqu’ alors symbole d’esprit d’entreprise et de réussite.

Par suite, Gome avait perdu la confiance des fournisseurs et des clients. Pour l’anglo-saxon Bain Capital, c’était la chance de pénétrer sur ce marché. En 2009, il injectait en Gome 234M$, en obligations convertibles. Sous la poigne de Chen Xiao, lui-même fondateur de Yongle, distributeur fusionné en 2006 avec Gome, la maison entrait en convalescence. De son côté, depuis sa geôle, Huang tentait avec sa famille de ressaisir les rênes. Depuis lors, la chaîne aux 1041 magasins cahote sous ce désordre. Huang pèse de ses 34% de parts, auxquelles s’ajoutent ses 300 succursales privées. Chen a pour lui Bain et la majorité des 180 gros porteurs aux noms tels que JP Morgan Chase ou Morgan Stanley. De cette guerre interne, c’est le rival Suning qui profite, ayant coiffé Gome sur ce marché (8% chacun) avec 1071 magasins.

Au printemps, Huang déboulonnait les 3 membres de Bain au Conseil de direction et bloquait toute émission de parts nouvelles, qui diluerait sa majorité. Dans les jours suivants, le Conseil avait infirmé ces décisions.

Le 5/07, Huang écrivait aux actionnaires pour accuser Chen de mauvais résultats face à Suning. Chen répliqua en portant plainte contre Huang devant la bourse de Hong Kong, pour un rachat de parts effectué en 2008, plus dans son intérêt propre que dans ceux du groupe.

Le 24/08, il enfonçait le clou, produisant une courbe de profits du 1er semestre, meilleure que celle de Suning : +66% (962M¥), contre +53%(2,6MM) au concurrent. Redressement qu’il attribuait à sa stratégie de fermetures de magasins à la traîne (25), de réfection pour d’autres (75) et d’ouvertures (39), à 1 à 3M¥ d’investissement par surface. Surfant sur ces bons chiffres, Chen convoque les actionnaires en Assemblée générale le 28/09 pour un plébiscite : un mandat pour son programme d’émission de 3MM de parts (dont la moitié pour Bain Capital, qui passerait ainsi à 20% des parts, après conversion de ses obligations), ou bien sa démission. En échange, Chen promet 1400 filiales en 2014, déployées surtout sur le terreau vierge des villes nouvelles ou de l’intérieur. Selon l’analyste Guotai Junan (HK), ce pari pourrait séduire ceux en état de départager : les petits porteurs (21% de parts), les fournisseurs, très influents par leurs conditions de crédit.

Et l’Etat, dans tout cela ? Tout en gardant sa discrétion coutumière, on constate que cette fois, il s’abstient d’intervenir pour protéger le national contre l’étranger. A ceci, deux raisons plausibles : [1] Pékin a ces derniers mois d’autres soucis plus urgents [2] Il est difficile de sauver la mise à un homme qu’il vient de jeter en prison pour 14 ans.

 

 


Argent : Fin de 2102 jours de sécurité aérienne

Comme souvent en fait de désastres aériens, le drame du vol Harbin-Yichun (Heilongjiang), écrasé à l’atterrissage le 25/08, tuant 42 des 96 passagers, résulte sans doute d’un faisceau de circonstances défavorables. Ratant la piste, vers 9h du soir, l’avion de la Henan Airlines (ex-Kunpeng Airlines) s’écrasait en forêt à 1,5km de la piste, et prenait feu. Les survivants, dont l’équipage et Sun Baochu, vice min. des ressources humaines, s’échappaient par une fissure à l’avant. Parmi les causes possibles, comptent :

[1] la localisation de l’aéroport de Lindu en forêt, souvent embrumé. En juillet, China Southern renonçait au trafic nocturne sur cet aéroport pourtant à peine ouvert (18 mois), en raison d’une météo chroniquement mauvaise et du mauvais éclairage des pistes.

[2] des problèmes du modèle ERJ-190 d’Embraer (Brésil): Henan- et Tianjin Airlines, exploitants des 30 ERJ-190 en Chine, se sont plaints de données erronées apparaissant au tableau de bord.

[3] une faiblesse du chef-pilote Qi Quanjun, 40 ans, qui avait été démis de son rang à Shenzhen Airlines et aurait démissionné pour le récupérer chez Henan, compagnie bien plus petite. L’impéritie a pu être aggravée par la nouveauté de cette ligne de Henan Airlines, ouverte 15 jours plus tôt : selon CCTV, c’était pour Qi son 1er vol sur Yichun.

Autre Bilan : Li Qiang, Directeur Général de Henan Airlines a été remercié sur le champ, et les assureurs devront payer 15M¥ aux familles des victimes. C’était le 1er accident aérien chinois depuis 2004— l’appareil sinistré, à l’époque, était un CRJ de Bombardier (Canada). Sans délai, le Conseil d’Etat a ordonné une enquête, et tous les groupes révisent fiévreusement leurs procédures de sécurité.

 

 


Pol : Le pèlerinage de Kim

Semi-secrète suivant la tradition, la visite de Kim jong-il (26-27/08) crée un précédent spectaculaire: celui d’une seconde visite chinoise du Cher leader en deux mois.

Franchissant la frontière par une voie ferrée différente (la route via Dandong étant sous crue), Kim s’est rendu à Jilin à l’école Yuwen de son enfance. Mis à part ce pèlerinage confucéen (remarquable aperçu de sa personnalité morale, et révélant aussi son bilinguisme), cette visite suivrait trois buts :

[1] obtenir de Pékin davantage d’aide alimentaire, alors que les crues frappent cruellement, et que l’hiver approche sur un « pays du matin calme » aux greniers vides.

[2] Donner une visibilité internationale à Kim Jong-Un son fils (27 ans), qui l’accompagne, et devrait être intronisé comme son successeur en septembre. Et en même temps, parfaire sa connaissance de la réforme économique à la chinoise, dans le Nord-Est, par des visites industrielles entre Jilin, Changchun et autres étapes d’un itinéraire d’une semaine, tenu secret.

[3] Relancer sur demande de la Chine, les négociations de dénucléarisation de la péninsule. En ce sens, la visite simultanée à Séoul de Wu Dawei, le diplomate chinois responsable du dossier coréen, n’est pas innocente, pas plus que celle à Pyongyang de Jimmy Carter  (25/08) : tout ce carrousel vise à ouvrir un dialogue secret à distance entre frères ennemis sud-coréens.

NB: dans cette normalisation, la Chine, marraine de la Corée/Nord, a tout à gagner —à commencer par le marché de la reconstruction!

 

 


Temps fort : XII. Plan – le grand tournant arrive

Depuis des mois, au sein du Parti, dans la presse et les milieux d’affaires, un débat intense accompagne la négociation du XII.Plan (2011-2015). Outil d’ordinaire pâle et prédictible, il promet cette fois un tournant radical de la société chinoise: une réforme politique graduelle, désormais acceptée, rendue inévitable par la masse des déséquilibres qui hantent le pays.

Signal fort : la révision du code pénal, à l’ANP, le Parlement, cette semaine, élimine 13 des 65 cas de peine capitale, dont la fraude fiscale, le trafic de reliques, et tout crime, passé 75 ans. Après le recours donné en 2007 au Juge Suprême pour toute condamnation à mort, c’est un 2d recul (symbolique) du verdict suprême.

En août, à l’exception notable de Hu Jintao, les leaders y vont l’un après l’autre de leurs petites phrases en tournées d’inspection, pour marteler le nouveau concept: Wen Jiabao à Shenzhen (sur le thème «réformer, ou perdre l’acquis économique»), le Vice-Président Xi Jinping à Pékin (sur la réforme du Parti), le vice 1er Li Keqiang à Hangzhou, le n°1 de la CCPPC Jia Qinglin à Canton (sur le recadrage économique)…

Le voyage de Wen Jiabao, surtout, est signifiant. D’abord du fait de son passé réformiste— le 1er ministre, fin des années ’80, était le bras droit du Secrétaire du Parti Zhao Ziyang, fer de lance des idées nouvelles. Et comme date de son voyage, il a choisi le 30. anniv. d’une autre tournée historique à Shenzhen par Deng Xiaoping, laquelle devait arracher le pays de l’ère maoïste.

Ce voyage permet de décrypter, via le langage codé de Li Luoli (n°2 d’un centre de recherche local), une expérience qui sera annoncée lors du Comité Central d’octobre 2010, expérience en vase clos dans la Zone économique spéciale, de réforme démocratique sans précédent. Parmi les tests envisagés figurent notamment :

-des élections de base, au Parlement, à la mairie de Shenzhen,

-de nouvelles taxes -TVA, impôt/revenu, droits de succession,

-la séparation de la justice (moins dépendante) et du Parti,

-le démantèlement partiel de la censure. Ces deux dernières visent à brider la collusion entre business et Parti, la corruption, et enrayer la désobéissance chronique des cadres en province.

Après 5 à 10 ans, ces réformes seraient étendues à la nation, avec prudence, selon le principe de Deng Xiaoping de «traverser la rivière en tâtant les pierres» (摸着石头过河, mō zhe shítou guò hé).

L’idée de fond est aussi d’enrayer le fossé croissant entre riches et pauvres : de taxer les riches, pour financer une politique sociale. Selon le prof.Wang Zhenyao (Président de l’université Normale de Pékin), l’Etat doit trouver au moins 100MM²/an de 2011 à 2015 pour financer ce rattrapage des laissés pour compte, créer 100M d’emplois en 5 ans, dont 30 à 50M d’assistance sociale au service de la couche grandissante du 3ème âge -Pékin seule nécessiterait 5 à 7 assistantes par « communauté » ou bloc.

Un chapitre spécial va aux 150M de migrants, que l’Etat veut convertir en citadins à part entière: Wang rêve d’un fonds spécial pour financer 9 ans d’école aux enfants migrants, et pour leurs familles, une caisse nouvelle de sécurité sociale. Ainsi, sous 5 ans, la population urbaine passerait de 46 à 52%, soit 700M de consommateurs. De grands changements sont aussi à l’étude pour le logement social, avec la fondation d’une structure étatique d’immobilier à bas prix, prioritaire pour les crédits et terrains, en concurrence avec les promoteurs.

Dans le domaine industriel, le XII. Plan va punir les usines « gaspis » (les 2085 tout juste estampillées polluantes), et rationaliser des secteurs tels ceux des terres rares, des aciéries, du ciment etc. Les deux actions étant complémentaires.

Comme on le voit, ce XII.Plan, façonné par Xi Jinping, futur maître du pays, est aussi ambitieux que plein de zone d’ombres. Tout restera en négociation jusqu’à octobre prochain, au Plenum du Comité Central. Ce qu’on voit le moins, est le groupe (sans doute hétéroclite) de ses opposants. Mais la direction est claire. Cette réforme politique prudente et réaliste a d’ailleurs un atout-maître, celle de n’avoir pas d’alternative : depuis début 2010, l’instabilité gagne du terrain, qu’une police ultramoderne et suréquipée ne parvient plus à contenir , malgré un budget de 514MM¥ (2009), supérieur à celui de l’APL plus que l’armée (480MM¥) !

 

 


Petit Peuple : Shaoxing— la passion de laisser trace

En 2000, le retraité He Liang s’ennuyait copieusement, arpentant chaque jour les rues de Shaoxing (capitale du vin jaune, dans le Fujian) suivant des itinéraires qu’il connaissait jusqu’à la nausée, quoiqu’il s’ingéniât à en varier les circuits. À 77 ans, cet homme maigrelet sans histoire, de taille moyenne (1.70), en complet mastic défraîchi, aux besicles globuleuses et aux rares cheveux blancs, se sentait aigrir de saison en saison sous ses rhumatismes qui lui rappelaient sans cesse l’approche du grand repos. Confucéen, il n’avait rien contre la mort, mais regrettait de devoir disparaître sans laisser trace, faute d’avoir fait une quelconque oeuvre dans sa vie.

Il restait quand même en lui une chose vivace : son indignation face aux traces indélicates abandonnées par tout un chacun sur la voie publique. Les pubs placées par des zombies sous les essuie-glace des voitures en plein bouchon, ou dans les mains des passants -papiers qui finissaient invariablement à terre. Les stickers promettant des guérisons miraculeuses du sida et autres maladies vénériennes ; les offres (populaires) de diplômes falsifiés (factures légales, ou licences) ; les annonces collées aux cabines, taguées aux poteaux et arrêts de bus… Autant de bouteilles à la mer pour un chat perdu, un enfant kidnappé, un appart à échanger. Tous ces boutons de fièvre urbaine faisaient pousser au vieux He des soupirs d’exaspération, les traitant de «teignes insupportables ».

Un jour n’y tenant plus, il entreprit d’arracher à la main une affichette, puis une autre, ne s’arrêtant qu’ une fois ses ongles en sang.

Le lendemain dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, sans écouter la douleur, il retourna armé d’ un grattoir de peintre et poursuivit sa frénétique ouvrage. Améliorant sa technique, il se munit de brosses et d’une bouteille d’eau pour ramollir le papier.

Aux premiers signes de cette nouvelle passion, Tianping son épouse prit plutôt mal  la chose. Craignant que les voisins ne se moquent, ou que le policier ne vienne lui dire de se mê-ler de ses affaires, elle refusa de l’accompagner dans ses pérégrinations d’illuminé. Mais constatant bientôt la réaction favorable, parfois même enthousiaste des passants, elle conclut que son action était moralement irréprochable: elle se mit à l’aider dans ses opérations, lui conseillant même des trucs de bonne femme, certains détachants pour les stickers les plus vicieux, ou de masquer d’un coup de peinture l’inscription ou le tag offensants, quand tout autre moyen avait été tenté sans succès.

De la sorte en 10 ans, le vieil obstiné a fait disparaître pas moins d’1,3 million d’affichettes, graffitis et tags tout en usant à force de raclage, 20 couteaux et grattoirs, un nombre indéfini de pinceaux et une tonne de peinture. « Chaque soir depuis lors, dit le souriant vieillard, pensant à toute cette vermine éliminée, je ne sens plus la fatigue, seulement la fierté ».

Et comme un bienfait n’est jamais perdu, en mars 2010, la mairie lui a décerné le prix du maire, au nom de sa «persévérance» (十 年如一日, shí nían rú yí rì, « durant 10 ans comme au premier jour »).

La médaille était assortie d’un chèque de 50.000¥: il s’empressa de le refuser, alléguant avec hauteur que « l’amélioration de la ville, dépendait primordialement de celle de la conscience de ses citoyens». C’était un petit péché d’orgueil, mais bien pardonnable au fond. Il avait déjà gagné l’essentiel : un sens à sa vie, avec en prime la considération de ses pairs. Face à tel privilège sans prix, la prime de la ville était négligeable, méprisable, même !

 

 


Rendez-vous : Visite de Catherine Ashton, Haut représentant de l’Union Européenne

29 août – 4 septembre, Visite en Chine de Catherine Ashton, Haut Représentant de l’Union Européenne aux affaires étrangères et à la politique de sécurité

31 août- 2 sept: Shenzhen, NEPCON, Salon sur les semi conducteurs

2-5 sept : Shanghai, PET Fair, Salon de l’animal familier