Editorial : Une BRIC chinoise dans la mare …du FMI

Le G20 de Londres espère rebâtir un système monétaire ruiné et relancer des échanges voués à reculer de 9% cette année, selon P. Lamy, Secrétaire Général de l’OMC – l‘Organisation mondiale du commerce. Or, voilà que le 23 /03), à 12 jours du RV, Pékin sort du rang pour offrir, par la voix de Zhou Xiaochuan, Gouverneur de la Banque centrale, une alternative à l’étalon dollar.

1ère urgence : rétablir le crédit, surtout pour le Tiers-Monde. Comme outil, Pékin préfère le Fonds monétaire internationale, le FMI, fief européen, à la très américaine Banque mondiale. Il propose de le recapitaliser en l’autorisant à émettre jusqu’à 550MM$ d’obligations, dont il achèterait une bonne part, une fois son directoire réactualisé pour mieux refléter les voix des pays émergents -la Chine elle-même n’y compte que pour 3,7%, la moitié de ses 7% de PIB mondial.

Le ressort du plan chinois vise à remplacer le US$ par une facilité monétaire du FMI vieille de 40 ans mais quasi-inconnue, le «Droit de Tirages Spéciaux», composé de quatre devises dont ² et US$. Pékin veut qu’un Droit de tirages spéciaux élargi à d’autres grandes devises (Yen, Yuan) soit l’outil de paiement des échanges, des matières 1ères, des titres boursiers. Zhou en attend une meilleure prévention des accidents spéculatifs, et une gestion plus fiable et scientifique des flux monétaires, en supprimant la dépendance des pays envers la devise d’un seul pays, juge et partie, qui s’en serve pour vivre au crédit mondial. Ainsi le FMI deviendrait l’arbitre ou gendarme des flux financiers globaux. Tandis que les règles de ce jeu mondial, propose Zhou, viendraient d’une autre instance (séparation des pouvoirs!) : le Forum de stabilité financière qui, depuis 1999, réunit les instances financières des membres du G7—son élargissement aux pays du G20 est déjà acquis.

En même temps, comme pour «amadouer» les USA, Hu Xiaolian, Présidente de la SAFE (Administration d’Etat des devises étrangères), confirme que le pays poursuivra ses achats de bons du Trésor, dont elle est déjà 1er créancier avec 740MM$ de réserves. Malgré les « soucis » du régime, sur les risques évidents (quasi certains) de dévaluation du dollar à l’avenir. Malgré aussi l’apparente contradiction entre ce renforcement du billet vert, et la proposition d’un système concurrent…

Cependant, face à l’offre chinoise, la réponse américaine ne pouvait être que « non » : un «non» triple en 24h, de Ben Bernanke (patron de la Réserve Fédérale, la FED), Tim Geithner, Secrétaire d’Etat aux finances, et Barak Obama qui la qualifie d’«inutile», au vu de son dollar «extraordinairement fort».

Pékin doit commencer à s’inquiéter d’avoir laissé s’altérer de quatre mois ses rapports avec l’Europe pour cause de Tibet. L’Union face à cette offre, aurait pu être l’allié précieux de son poulain, pour l’instant soutenu uniquement par Moscou, Séoul (mais pas par Tokyo) et Pretoria. D’où le rapprochement pressenti avec Paris (cf. article Rubrique Etranger)

Comme superbement indifférent à cette faiblesse, Zhou reprend la parole (26/03) pour accuser l’Ouest de laxisme velléitaire, dans la lutte contre la crise, et manque de coordination. En même temps, par voie de presse, le régime dépeint l’image peut-être inexacte d’une économie chinoise déjà en pleine remontée (cf article «conjoncture») : tout ceci ressemble à une stratégie cohérente d’appel aux pays émergents, de pari sur la paralysie des puissances traditionnelles (US-UE-Japon), pour passer à cette organisation financière nouvelle, rendue indispensable par l’échec des plans des nations – la Chine prend date.

 

 

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