Temps fort : Nouveau mot d’ordre pour l’eau chinoise : ‘small is beautiful’

Confrontée à son problème d’eau, dont elle ne détient que 6% de la ressource globale, la Chine a suivi au fil des décennies la tradition de grands travaux héritée de l’URSS, via des cadres comme Li Peng, hydraulicien formé à Moscou. Comme le christianisme du Moyen-âge, le socialisme veut laisser ses «cathédrales» aquatiques, tels le barrage des Trois Gorges, 18 ans d’efforts, 24MM² d’investissements pour le plus puissant ouvrage du monde produisant 80MM kWh par an, grâce à ses 24 turbines.

La Chine creuse aussi depuis 10 ans son réseau de canaux, Sud-Nord, devant acheminer 45MMm3 du Yangtzé vers le Fleuve Jaune, depuis trois routes (Ouest, Centre et Est), monstrueux effort qui coûtera 60MM².

Mais ces «mammouths» suscitent des soucis techniques à leur échelle. [1] Le bassin des Trois-Gorges est pollué, comme 70% des cours, qui doivent souffrir le rejet de 60MMt/an d’effluents non retraités. [2] L’assèchement des lacs, le pompage excessif ont accéléré désertification et réchauffement du climat.

[3] L’exploitation sans concertation pose des litiges, cause potentielle de conflits. [4] Surtout, cette politique a privé le pays de moyens pour maintenir les réseaux d’irrigation, aujourd’hui parmi les moins performants, gaspillant 70% de la ressource. Ainsi, 78% de l’eau chinoise va aux champs, dont la majorité s’y perd.

Entre-temps, la ressource mondiale s’amenuise: le pouvoir sait que sa stratégie n’est plus adaptée, et l’opposition de la presse et même des élus, le met en position toujours plus inconfortable. C’est pourquoi, lors du 5ème Forum mondial de l’eau qui réunissait (17-23/03) 25.000 politiciens et experts à Istanbul, le ministre de l’eau, Chen Lei annonce le changement de cap : «dans la planification future, notre priorité va se déplacer de l’exploitation à la conservation», l’ère des mastodontes est révolue. D’ici 2020, le but est d’assurer l’eau potable aux 90M de citoyens encore privés. Parmi les 10 nouvelles priorités annoncées figurent le renforcement des barrages, l’eau potable en milieu rural, la restauration des réseaux d’irrigation dans un sens d’économie, la gestion intégrale des cours d’eau et lacs, la remise à niveau des stations de pompage, les aménagements des sources, la micro-hydroélectricité.

Ce que Chen Lei n’a pas annoncé, est la hausse du prix de l’eau, indispensable (et programmé!) pour financer son recyclage, souvent par technologies importées de l’étranger (Veolia, Suez, Degrémont).

Enfin, deux éléments risquent de compliquer ce tournant dans la politique chinoise de l’eau : les nombreux grands chantiers de lutte anti-récession (dont le souci n’est pas l’économie d’eau), et le découpage administratif inefficace entre trois ministères, celui de l’eau pour les lacs et fleuves ; celui de la construction pour les eaux usées et potables, et celui du sol et des ressources pour les nappes aquifères.

 

 

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