Le Vent de la Chine Numéro 10

du 29 mars au 3 avril 2009

Editorial : Une BRIC chinoise dans la mare …du FMI

Le G20 de Londres espère rebâtir un système monétaire ruiné et relancer des échanges voués à reculer de 9% cette année, selon P. Lamy, Secrétaire Général de l’OMC – l‘Organisation mondiale du commerce. Or, voilà que le 23 /03), à 12 jours du RV, Pékin sort du rang pour offrir, par la voix de Zhou Xiaochuan, Gouverneur de la Banque centrale, une alternative à l’étalon dollar.

1ère urgence : rétablir le crédit, surtout pour le Tiers-Monde. Comme outil, Pékin préfère le Fonds monétaire internationale, le FMI, fief européen, à la très américaine Banque mondiale. Il propose de le recapitaliser en l’autorisant à émettre jusqu’à 550MM$ d’obligations, dont il achèterait une bonne part, une fois son directoire réactualisé pour mieux refléter les voix des pays émergents -la Chine elle-même n’y compte que pour 3,7%, la moitié de ses 7% de PIB mondial.

Le ressort du plan chinois vise à remplacer le US$ par une facilité monétaire du FMI vieille de 40 ans mais quasi-inconnue, le «Droit de Tirages Spéciaux», composé de quatre devises dont ² et US$. Pékin veut qu’un Droit de tirages spéciaux élargi à d’autres grandes devises (Yen, Yuan) soit l’outil de paiement des échanges, des matières 1ères, des titres boursiers. Zhou en attend une meilleure prévention des accidents spéculatifs, et une gestion plus fiable et scientifique des flux monétaires, en supprimant la dépendance des pays envers la devise d’un seul pays, juge et partie, qui s’en serve pour vivre au crédit mondial. Ainsi le FMI deviendrait l’arbitre ou gendarme des flux financiers globaux. Tandis que les règles de ce jeu mondial, propose Zhou, viendraient d’une autre instance (séparation des pouvoirs!) : le Forum de stabilité financière qui, depuis 1999, réunit les instances financières des membres du G7—son élargissement aux pays du G20 est déjà acquis.

En même temps, comme pour «amadouer» les USA, Hu Xiaolian, Présidente de la SAFE (Administration d’Etat des devises étrangères), confirme que le pays poursuivra ses achats de bons du Trésor, dont elle est déjà 1er créancier avec 740MM$ de réserves. Malgré les « soucis » du régime, sur les risques évidents (quasi certains) de dévaluation du dollar à l’avenir. Malgré aussi l’apparente contradiction entre ce renforcement du billet vert, et la proposition d’un système concurrent…

Cependant, face à l’offre chinoise, la réponse américaine ne pouvait être que « non » : un «non» triple en 24h, de Ben Bernanke (patron de la Réserve Fédérale, la FED), Tim Geithner, Secrétaire d’Etat aux finances, et Barak Obama qui la qualifie d’«inutile», au vu de son dollar «extraordinairement fort».

Pékin doit commencer à s’inquiéter d’avoir laissé s’altérer de quatre mois ses rapports avec l’Europe pour cause de Tibet. L’Union face à cette offre, aurait pu être l’allié précieux de son poulain, pour l’instant soutenu uniquement par Moscou, Séoul (mais pas par Tokyo) et Pretoria. D’où le rapprochement pressenti avec Paris (cf. article Rubrique Etranger)

Comme superbement indifférent à cette faiblesse, Zhou reprend la parole (26/03) pour accuser l’Ouest de laxisme velléitaire, dans la lutte contre la crise, et manque de coordination. En même temps, par voie de presse, le régime dépeint l’image peut-être inexacte d’une économie chinoise déjà en pleine remontée (cf article «conjoncture») : tout ceci ressemble à une stratégie cohérente d’appel aux pays émergents, de pari sur la paralysie des puissances traditionnelles (US-UE-Japon), pour passer à cette organisation financière nouvelle, rendue indispensable par l’échec des plans des nations – la Chine prend date.

 

 


A la loupe : Deux fraudes épinglées

[1] Suite, mais sans doute pas fin du scandale de Sanlu et du lait à la mélamine, qui avait causé l’an dernier six morts et 294.000 nourrissons malades. Dans une série d’actions de la Commission centrale de discipline du Parti, huit apparatchiks viennent de voir leur carrière brisée. Wang Bubu est limogé et exclu du Parti -un directeur juridique à l’AQSIQ, administration de l’hygiène. Sont congédiés Lu Yangang, le n°2 de la qualité alimentaire à l’Administration de l’Industrie et du Commerce, et Wu Xianguo, Secrétaire du Parti à Shijiazhuang, capitale du Hebei, où Sanlu avait son siège social et ses protections. Wang Zhicai, directeur de l’élevage au ministère de l’agriculture, s’en tire avec une rétrogradation. Si l’on ajoute les peines capitales assénées début 2009 à deux trafiquants (confirmées en appel), et la perpétuité à la PDG de Sanlu, on voit le régime tenter de rétablir l’ordre dans ce secteur, après le scandale qui lui a coûté si cher. Mais il ne va pas jusqu’à faire la lumière sur le réseau de collusion qui permit ce trafic délétère, entre cadres publics et industriels : lumière n’est pas, et ne sera pas faite. NB : Sanlu a été adjugé le 4/03 à son concurrent pékinois Sanyuan pour 70M² : une « bouchée de pain, pour ces 30 usines, qui vendaient encore en 2007 pour 1,2MM²,

[2] Encore une affaire de trafic pyramidal. Pour 1,68MM¥, soit 200M² ont été volés à 22.000 investisseurs naïfs. La fraude vient de Zhao Pengyun, récidiviste qui l’avait conçue en 2004 depuis sa prison, purgeant une peine pour le même délit. Zhao avait créé Yilin-Bois, firme aux 11 bureaux provinciaux. Ayant acheté 64000ha de “forêt” ou de sol réputé tel, il promettait aux investisseurs 9 à 10.000² de profit à l’hectare “dans sept ans” (après coupe) soit du “57% de rapport annuel”. Mais plus les investisseurs recrutaient eux mêmes de nouveaux clients, plus ils montaient en grade dans l’armée des vendeurs, et plus ils gagnaient. L’un d’eux a pu amasser 5M² en commissions, cinq autres plus d’1M², 18 autres plus de 100.000²… Faut-il le préciser? Ces fonds ont été investis très peu en sylviculture, beaucoup plus en maisons, bagnoles de luxe voire même, en chirurgie esthétique et en un disque musical à compte d’auteur. Au tribunal de Pékin, Zhao l’âme du complot en prend pour 15 ans assortis de 40M² d’amende. 27 comparses écopent de 15 à un an, et d’amendes pour éponger leurs gains mal acquis.

L’affaire est significative, par le succès irrésistible de sa technique. En 11 mois de 2007, 3747 trafics pyramidaux ont été identifiés, dont une calamiteuse arnaque d’élevage de fourmis qui aurait écrémé pas moins d’1MM² d’1M de naïfs en 8 ans. Un peu comme la loterie ou la magie, elle exprime l’espoir diffus des gens de tirer le gros lot, en une époque incertaine, où l’on sait que le dernier train de la fortune est déjà parti !

 

 


Joint-venture : Chine—France : dégel printanier

Chine—France, dégel printanier

En laissant planer de longs mois de 2008 les doutes sur sa venue aux Jeux Olympiques de Pékin, Nicolas Sarkozy avait gagné en Chine le surnom de «Laibulai» (viendra-viendra pas). A présent, comme en réponse, son homologue Hu Jintao laisse planer le brouillard sur l’éventualité d’une rencontre londonienne au G20 du 2/04. Tout en montrant un carnet de Rendez-vous déjà plein de 8 tête-à-tête, avec des leaders tels Obama, G. Brown et le russe Medvedev. En réalité, Paris et Pékin semblent bien s’être entendus sur ces retrouvailles, après quatre mois de brouille depuis décembre 2008, avec black-out de tout dialogue politique et gel ostensible de contrats -sans aller toutefois jusqu’au boycott chinois des affaires, ni des visas aux citoyens français. Pour orchestrer l’embellie, il a fallu que la min du commerce extérieur, Christine Lagarde, fasse à Paris devant des industriels chinois une citation du I-Ching (le Livre des Changes), et que M. Camdessus, ex-Directeur Général du FMI (Fonds monétaire international) vienne à Pékin en bons offices. En avril, il sera suivi par 2 ex-Présidents (Chirac, Giscard), un ex-1er ministre (Raffarin) à la tête du Comité France-Chine, et le Président en exercice de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer.

 

 


A la loupe : L’OMC aussi, redémarre

Côte à côte avec la réforme monétaire mondiale et l’action contre le réchauffement climatique, l’organisation mondiale du commerce, l’OMC aussi poursuit sa mue. Son patron Pascal Lamy sera au G20 de Londres le 2 avril, pour convaincre les 20 puissances commerciales de signer la ronde de Doha, paquet de concessions commerciales qui ouvriraient aux signataires des centaines de milliards de dollars de marchés, ardemment convoités par les temps qui courent.

A Londres, P. Lamy dénoncera les 47 mesures protectionnistes adoptées en catimini par «au moins 17 pays». Et, précise Gordon Brown, «à l’avenir, il continuera à dépister ces actes de protectionnisme, et à nous les rapporter». Tout se passe comme si affolés de crise, les pays faisaient du «n’importe quoi» pour sauver des bribes de leur emploi à l’export, sur le dos du voisin. La Chine se plaint de voitures américaines bradées sur son sol, l’Amérique dénonce le dumping chinois sur le textile, et le Canada et l’Inde, son dumping sur l’aluminium, les produits chimiques etc…

Inlassable, Lamy est monté (23/03) à Washington voir Ron Kirk le nouveau secrétaire au commerce et les lobbies américains agricoles et des services. Son argument est percutant : en réduisant le champ des taxes et des subventions, Doha sera la meilleure garantie d’éviter la guerre commerciale multilatérale. Mais pour ces lobbies, nul accord ne se fera sur la base du compromis rejeté en décembre, et Brown commente : « la pierre d’achoppement se trouve entre les Etats-Unis et l’Inde », Delhi ayant préféré faire tout capoter en décembre, plutôt que de risquer un déluge de livraisons agricoles US.

L’aspect encourageant et inattendu, est l’attitude de la Chine. Chen Deming, ministre du commerce annonce, en marge du Forum Chinois de Développement 2009, que le pays s’apprête, pour aider à aboutir, à «faire preuve de flexibilité sur des sujets, tel le mécanisme spécial de sauvegarde de l’agriculture». Cette question était justement celle qui avait amené à la rupture en décembre avec l’Inde et elle-même. Chen est aussi prêt à ouvrir davantage le secteur des services (tourisme, banque, assurance, bourse), « mais seulement après la conclusion de la ronde de Doha ». Pour lui, la balle est dans le camp des pays développés : Américains, voire Européens doivent encore éradiquer « 70 à 80% de leurs subventions vertes, qui font distorsion ».

Pour justifier un tel effort, et le démantèlement de ses tarifs douaniers industriels, Ron Kirk attend des pays émergents une ouverture plus convaincante de leur marché.

Les palabres débuteront ce 2/04 à Londres : les leaders devraient y affirmer leur encouragement unanime à ce dernier tour de piste. Lamy espère l’aboutissement au début de l’été, une fois que l’équipe d’Obama aura bien en main ses rênes et sa politique commerciale. Et une fois passées les élections législatives en Inde, cela va sans dire.

 

 


Argent : Conjoncture: La Chine brave le nouveau monde

Conjoncture: La Chine brave le nouveau monde

La Chine «pourrait sortir de la crise en premier, puis garder une croissance stable», dit Zhang Yutai, directeur d’un centre de recherche du Conseil d’Etat (23/03). D’ici 2010, le plan de stimulus devrait ajouter 1,9% à la croissance, et Li Keqiang, vice 1er maintient l’objectif de 8% en 2009 : « certains secteurs remontent déjà la pente ».

Parmi ceux-ci, la chimie, avec ChemChina qui mise 5,5MM² en 5 ans (co-financés par le stimulus), sur un méga site productif à Tianjin. Ses rachats en 2006 des Français Adisseo (alimentation animale), et de la branche silicone de Rhodia mettent ce groupe jeune (fondé en 2004) en position de force, avec des produits à faible besoin d’énergie et «écologiques». Autre bénéficiaire, l’immobilier : Shimao, le groupe de Xu Rongmao (l’homme le plus riche de Chine) reçoit 1,7MM² en prêts de la BdA, pour lui permettre le rachat de rivaux ruinés. Idem, la banque tire la bourse vers le haut, tels Minsheng ou Shenzhen Development Bank qui gagnent 2%, grâce à leurs prêts aux paysans et aux PME. La banque chinoise est moins frappée par la crise que ses soeurs étrangères : c’est qu’elle s’est cantonnée à la vente de produits simples, et à son marché intérieur. Même chose pour l’assurance: Ping An constate la prise de conscience par le public, du besoin de se protéger mieux des désastres tel le séisme de 2008 – ses affaires baisseront, mais pas en dessous de la barre des 10%, dit Keith Li, son vice Prsdt. Le commerce aussi anticipe la reprise, tel Suning, n°2 de l’électroménager qui prétend ouvrir «1000 surfaces» d’ici 2014, en franchise, dans des villes petites et moyennes. Enfin, les provinces de l’intérieur n’ont pas (encore) vu arriver la crise, car elles vivaient en circuit local, et l’Etat leur octroie de larges tranches de crédit frais. Ainsi, le Xinjiang émet pour 440M$ d’obligations, première province à le faire -c’est le ministère des finances qui se charge de l’opération. 30MM$ en obligation sont ainsi alloués aux régions, avec priorité au Centre et à l’Ouest.

Cela dit, ces chiffres sont-ils justes ? L’économie chinoise redémarre-t-elle vraiment? D’autres données moins vantées, parlent de profit industriel en fort recul (janvier-février), de consommation électrique en rechute, et de déflation toujours pendante (cf Vdlc n°09)… Plus insolite, cette campagne de slogans sur la convalescence chinoise, s’oppose à celle de février, qui disait « le pire est encore à venir… La Chine ne sauvera pas le monde ». Sur la réalité de cette reprise, il faudra attendre le mois de mai : le temps de constater si l’immobilier reprend, le vrai baromètre de sa croissance !

En attendant, cette affirmation d’une Chine convalescente, participe soit de la méthode Coué (faire semblant que tout va bien, pour que tout aille bien), soit d’un exemple à donner au G20, sur ce qu’il faut faire- et ceux qu’il faut suivre.

L’art contemporain chinois : back to reality

En janvier 2008, depuis cinq ans, le marché de l’art chinois chauffé à blanc avait monté de 583%. Il y avait quelque chose de pourri dans le royaume du pinceau : jusqu’à 80% des ventes en galeries étaient truquées, disaient les commissaires (indépendants) d’expositions : fausses enchères, remises secrètes… Souvent l’artiste était trop occupé pour peindre, et ne faisait que signer des oeuvres faites par ses « nègres ».

Avec la crise, la bulle a explosé. A Pékin en quelques mois, au « 798 », le quartier de l’art contemporain, 37 galeries ont fermé – des dizaines de peintres s’en sont retournés dans leurs provinces, caisses vides. Selon Brian Wallace, le vétéran de la Red Gate Gallery, la chute des cours a dépassé les 50%.

Même mur des lamentations à Canton, où le musée contemporain municipal n’a trouvé en sponsoring qu’1M¥, soit 20% de l’an dernier, pour monter ses 60 à 70 expos annuelles. Pour tenir, on rogne sur les coûts, on n’invite plus les célébrités. Pire, « Get it louder » la déjà célèbre Biennale cantonaise qui devait ouvrir en juin, est reportée à l’an prochain, faute du mécénat de piliers traditionnels, comme Chivas ou Pepsi.

Qu’on ne s’y méprenne pas : la plupart des vrais artistes, comme Pu Jie ou Su Xinping, reprennent philosophiquement leur bâton de pèlerin pour aller se plonger, comme dans leur jeunesse, dans l’auto-questionnement et les mystères de la création : « c’est le temps de repenser sobrement à ce que nous faisons », dit Pu Jie.

En même temps, des bourgeons d’art que l’on ne voyait pas avant, explosent en ce printemps : autres temps, autres financements. A Shanghai, le metteur en scène He Nian monte une comédie musicale jamais tentée auparavant, « le Capital » de Karl Marx. La trame en sera un groupe de travailleurs en col blanc, découvrant que leur patron genre Madoff les exploite et détourne la caisse. Quatre témoins doivent donner chacun leur version du délit (truffée de citations du penseur allemand), selon leurs points de vue professionnels et moraux, comme dans Rashomon, le film de Kurosawa.

Une autre oeuvre contemporaine vient d’obtenir les lauriers de la censure en s’en voyant interdire : la poupée en peluche dont toute la Chine parle, celle du mérinos mongol dit « cheval d’argile de la prairie », homonyme d’un juron chinois. Le « caonima » est banni de la toile chinoise, pour avoir «fait mousser un incident en confrontation entre internautes et gouvernement ». En particulier, le cheval d’argile ne doit plus jamais être associé au « crabe de rivière » ou à tout autre animal mythique. Hexie, crabe de rivière, étant homophone de « censure ». Mais par ces créations de potache, l’artiste nouveau retourne à deux de ses fonctions éternelles, qu’il négligeait un peu ces derniers temps pour cause de business : l’esprit ludique (l’humour), et la contestation.

 

 

 


Pol : Hu Xiaolian, Vice gouverneur de la Banque centrale, une femme d’appareil

Hu Xiaolian, une femme d’appareil

Hu Xiaolian préside la SAFE (Administration d’Etat des devises étrangères) et est n°2 de la Banque populaire de Chine. En 2007, le Wall Street Journal la désignait une des 50 femmes «à suivre» dans le monde. Son parcours dénote d’un génie des études, et du contact. Née en 1958 dans le Hubei, elle sort à 26 ans de la promotion inaugurale (18 élèves) de l’école de la Banque populaire de Chine, en finance, une des priorités de Deng Xiaoping. Pour rejoindre la SAFE, chapelle royale de la finance internationale où elle croisera désormais les patrons des JV, des corporations étrangères, des zones économiques spéciales. Dès lors sa carrière est tracée, membre de la section du Parti de la SAFE en 1999, de celle de la Banque populaire de Chine en 2004, puis suppléante au Comité Central en 2007.

Mère d’un enfant, nageuse émérite, bonne anglophone, elle a beaucoup d’amis dans la sphère financière. Sans être pour autant toujours dans le secret des Dieux: le 24/03, Zhou Xiaochuan son n°1, ne l’a pas informé de son projet de remplacement du dollar par une nouvelle monnaie panier: «nous ferions mieux de nous concentrer sur le renforcement du système financier international» a-t-elle répondu quelques heures plus tôt à la presse, pour critiquer le projet russe, jumeau de celui de Zhou… En somme, une apparatchik ayant mérité sa place, en prouvant sa loyauté indéfectible.

Missile coréen, le silence de Pékin

Se rappelant au bon souvenir du monde, Pyongyang annonce le 24/03, pour avril, le tir d’une fusée pouvant atteindre l’Alaska. Il la dit porteuse d’un satellite, mais USA et Japon, craignant un test nucléaire, se préparent à la détruire si elle vole vers leurs sols. En tel cas, Pyongyang menace de reprendre son programme atomique, dont les alliés avaient obtenu l’abandon en ’07. Dans ce jeu de poker, la Chine garde profil bas. En cas de tir de l’engin, elle acceptera une «réponse commune» avec la Corée du Sud, mais pas de sanctions. Pour différentes raisons: [1] Pékin croit que Pyongyang ne fait que tester la réaction d’Obama.

[2] Pékin s’efforce -dans certains cas!- d’éviter toute publicité à des démarches terroristes ou de chantage: histoire de lui refuser le bénéfice de cette publicité. [3] En tout état de cause, Pékin a déjà dit à la Corée du Nord ce qu’il attendait d’elle, durant la visite (17-22/03) de Kim Yong-Il, son 1er Ministre. Sans témoin, mais fermement. Car le « pays du matin calme» dépend pour sa survie, d’une large aide chinoise (grain, pétrole, vêtements), surtout en fin d’hiver -quand ses greniers sont vides. Wen Jiabao a pu rappeler à Kim ce proverbe qu’il affectionne: « on ne mord pas la main qui vous nourrit ».

Comment le migrant rentre chez lui

Par sondage, le Bureau de statistiques vient de dresser la carte la plus récente des «nong-mingong», ruraux non paysans. Au 31/12, ils sont 225 millions, dont 140 millions montés à la ville. Puis est tombé le couperet de la crise : au Chunjie (festival du printemps), 70 millions retournèrent au village, dont 14millions ne sont pas repartis. Parmi les 56 millions d’autres, revenus à la ville, 45 millions avaient repris le travail, 11M en cherchaient.

Bilan : les villages ne retiennent plus que 37,7% de ces «non fermiers». Les régions les plus migrantes sont le Centre (37,6%) et l’Ouest (32,7%), et c’est à l’Est qu’ils vont à 71%. Le même Est rural a su retenir le plus de ces non-fermiers : 62% dont 17% au delta du Yangtzé, et 24% à celui des Perles (régions richissimes, où l’ouvrage ne manque pas)…

Selon la statistique, parmi les 23 millions de chômeurs migrants retournés ou non au bercail, seuls 6% à 13% restaient impayés, 2,2% à 6% restaient sans terre, et de ces derniers, seuls 5,7% l’étaient suite à expropriation. Dernier chiffre : parmi ceux ayant perdu leur terre, seuls 5,4% comptaient se battre pour la ravoir, et 0,3%, pour la cultiver eux-mêmes. Comme pour suggérer que pour le migrant, l’abandon du métier de cultivateur est un choix définitif.

 

 


Temps fort : Nouveau mot d’ordre pour l’eau chinoise : ‘small is beautiful’

Confrontée à son problème d’eau, dont elle ne détient que 6% de la ressource globale, la Chine a suivi au fil des décennies la tradition de grands travaux héritée de l’URSS, via des cadres comme Li Peng, hydraulicien formé à Moscou. Comme le christianisme du Moyen-âge, le socialisme veut laisser ses «cathédrales» aquatiques, tels le barrage des Trois Gorges, 18 ans d’efforts, 24MM² d’investissements pour le plus puissant ouvrage du monde produisant 80MM kWh par an, grâce à ses 24 turbines.

La Chine creuse aussi depuis 10 ans son réseau de canaux, Sud-Nord, devant acheminer 45MMm3 du Yangtzé vers le Fleuve Jaune, depuis trois routes (Ouest, Centre et Est), monstrueux effort qui coûtera 60MM².

Mais ces «mammouths» suscitent des soucis techniques à leur échelle. [1] Le bassin des Trois-Gorges est pollué, comme 70% des cours, qui doivent souffrir le rejet de 60MMt/an d’effluents non retraités. [2] L’assèchement des lacs, le pompage excessif ont accéléré désertification et réchauffement du climat.

[3] L’exploitation sans concertation pose des litiges, cause potentielle de conflits. [4] Surtout, cette politique a privé le pays de moyens pour maintenir les réseaux d’irrigation, aujourd’hui parmi les moins performants, gaspillant 70% de la ressource. Ainsi, 78% de l’eau chinoise va aux champs, dont la majorité s’y perd.

Entre-temps, la ressource mondiale s’amenuise: le pouvoir sait que sa stratégie n’est plus adaptée, et l’opposition de la presse et même des élus, le met en position toujours plus inconfortable. C’est pourquoi, lors du 5ème Forum mondial de l’eau qui réunissait (17-23/03) 25.000 politiciens et experts à Istanbul, le ministre de l’eau, Chen Lei annonce le changement de cap : «dans la planification future, notre priorité va se déplacer de l’exploitation à la conservation», l’ère des mastodontes est révolue. D’ici 2020, le but est d’assurer l’eau potable aux 90M de citoyens encore privés. Parmi les 10 nouvelles priorités annoncées figurent le renforcement des barrages, l’eau potable en milieu rural, la restauration des réseaux d’irrigation dans un sens d’économie, la gestion intégrale des cours d’eau et lacs, la remise à niveau des stations de pompage, les aménagements des sources, la micro-hydroélectricité.

Ce que Chen Lei n’a pas annoncé, est la hausse du prix de l’eau, indispensable (et programmé!) pour financer son recyclage, souvent par technologies importées de l’étranger (Veolia, Suez, Degrémont).

Enfin, deux éléments risquent de compliquer ce tournant dans la politique chinoise de l’eau : les nombreux grands chantiers de lutte anti-récession (dont le souci n’est pas l’économie d’eau), et le découpage administratif inefficace entre trois ministères, celui de l’eau pour les lacs et fleuves ; celui de la construction pour les eaux usées et potables, et celui du sol et des ressources pour les nappes aquifères.

 

 


Petit Peuple : Fuzhou—la jalousie, mauvaise conseillère

Homme d’affaires à Fuzhou (Fujian), Lin Ping fut en 2007 la proie de la « maladie des yeux rouges» (红眼病 hong yan bing), autrement dit du démon de la jalousie. Elle lui arriva le jour où un ami lui révéla avoir surpris, à Shanghai, sa femme Wang Xia au bras d’un autre homme. Or, Wang s’était bien rendue à cette date en cette ville, soi-disant pour un colloque. L’accompagnait Jiang, président d’université dont elle était depuis 10 ans la secrétaire. Se pouvait-il que cet intellectuel au-delà de tout soupçon, ami du couple, le trompe ainsi qu’elle-même ?

Pressée de questions sur ces missions qui se multipliaient depuis 15 mois, Wang Xia protesta de son innocence, et Jiang renchérit. Pourtant, leurs dénégations ne purent rien faire pour dissiper le soupçon qui taraudait désormais le mari jaloux.

Lin recruta un détective privé. Ce dernier lui offrit ce deal honnête en apparence, mais en fait ruineux : pour chaque indice de trahison qu’il lui fournirait, Lin paierait 2000 yuans. Dès lors, photos, enregistrements de téléphone, rapports de filature, photocopies de lettres et vidéo pirates commencèrent à pleuvoir sur son bureau, mais sans aucune preuve définitive : le flic privé n’avait nul intérêt à tuer sa poule aux oeufs d’or, et pour leur part, les amants avaient su éviter le flagrant délit en redoublant de prudence.

Sur le fond, avec 35 indices, le mari avait sa conviction faite : le président et sa femme filaient le parfait amour, avec chambre en ville et escapades. Même si Wang Xia et Jiang continuaient à nier mordicus !

Pour confondre ses infidèles, notre homme saisit, si l’on peut dire, le taureau par les cornes. Il alla trouver sa belle-mère à son home. Il obtint qu’elle l’aide. A la prochaine visite de sa fille, elle la somma d’avouer et sa fille au pied du mur, ne put plus mentir. Alors, sacrifiant à l’honneur le bonheur de sa fille, la vieille remit au mari la confirmation de son infortune.

Pour cet hypochondriaque maladif, des mois d’angoisse s’achevaient. L’heure de gloire arrivait, apothéose de la revanche tissée de mépris et de haine. En morale chinoise, pour le préjudice subi, il avait ses coupables à sa merci, et tout pouvoir sur eux. En guise de hors d’oeuvre, il exigea de Jiang qu’il demande pardon à genoux, et souffre une paire de soufflets retentissants. Ce n’était pas cher payé : le président acquiesça vite. Mais à peine les gifles administrées, le cocu présenta au suborneur la liasse des 70.000¥ de frais du détective. Là encore, Jiang paya sans sourciller.

Ce fut pour s’entendre annoncer qu’il devrait racheter sa maison «souillée» par les péchés du faux couple : 2M¥, ou bien il conterait au tout Fuzhou les galipettes du président d’université, avec pour immanquable résultat de le perdre de réputation, dans cette province très à cheval sur les apparences morales.  

Jiang fut au désespoir: la demande dépassait de loin ses moyens. C’était bien ce que voulait le mari berné : détruire son assise morale et financière. Jiang tenta de l’apitoyer, parlant de suicide: Lin en jouit d’aise, et lui offrit de l’aider : de lui couper les jambes, à moins qu’il ne lui cède…

De la sorte, l’on tomba vite dans le sordide. Pour racheter la maison au prix du marché, 1,2M ¥, Jiang trouva un ami compatissant. Il paya aussi toute l’épargne de ses vieux jours, 370.000 ¥, sans parvenir à satisfaire les exigences du mari, qui menaçait toujours. Il envisagea de sauter du haut de son immeuble, ou sous une voiture—mais sans trouver le courage pour le faire.

En désespoir de cause, Jiang se rendit le 24/01 au commissariat pour dénoncer le maître-chanteur, aussitôt arrêté, et qui y restera douce vengeance est consommée, ayant réussi à « briser la fortune et la carrière » du trop faible président (身败名裂 shēn bài míng liè) qui, à l’aube de la retraite, voit sa vie en miettes. Seul regret de Lin : derrière les barreaux, il ne peut plus démolir Wang Xia, qui dès lors, reprend sa vie normale -et son amour peut-être… Le monde est trop injuste, se dit-il!

 

 

 


Rendez-vous : A Shanghai, les Salons de l’hôtellerie, du nettoyage industriel et de la construction

30-31 mars, Shanghai : Salon du textile européen

31 mars – 2 avril, Shanghai : Clean Expo – nettoyage industriel

31 mars – 3 avril, Shanghai : Hotelex, Salon de l’hôtellerie

31 mars – 3 avril, Shanghai : Salon du bâtiment, construction

1-3 avril, Pékin : Salon international du radar

1-3 avril, Qingdao : Salon int’l du caoutchouc et des pneus