Les « petits ruisseaux » des droits de l’homme
Pour sa 1ère enquête depuis sept ans, le Comité de l’ONU contre la torture, à Genève, tenta le 11/11 d’interroger la délégation chinoise. Comme réponse, elle se borna à une déclaration écrite comme quoi le pays, champion de la «tolérance zéro» serait en train d’éradiquer la pratique dans son système judiciaire. Les 31 diplomates chinois présents acceptèrent d’évoquer un seul cas de personne disparue, celui du Tibétain Gendun Choekyi Nyima, enlevé en 1995 à l’âge de 6 ans après avoir été reconnu comme réincarnation du Panchen Lama par le Dalai Lama : il «mènerait une vie normale et ne souhaiterait pas être dérangé».
Situation bloquée en apparence, donc, mais sur d’autres plans, la Chine tentent de ravauder son image. Le 4/11, Pékin promet un plan d’action pour les droits de l’homme, et sous deux ans une «amélioration des droits des citoyens » (sic), « renforçant démocratie et état de droit ». Fin octobre, de même, Fu Xianwei, président du Mouvement patriotique des églises (l’organe de contrôle de toutes les confessions en Chine) se déclare prêt à légaliser les églises au foyer, celles qui ont fait le choix de clandestinité et de non allégeance. Autant de minces concessions, qui visent peut être à adoucir la critique du rapport du Conseil des droits de l’homme, à paraître en février 2009… Dans la société, cependant, l’audace grandit : au tribunal à Chengdu, lors du procès de Chen Daojun accusé de séparatisme, l’avocat Zhu Jiuhu osa (5/11) déclarer son client innocent, du fait que « le Dalai Lama n’était pas sécessionniste ». A la tête du magazine Yanhuang Chunqiu, Du Daozheng est depuis septembre sous le coup d’un limogeage exigé par Li Changchun, le censeur national qui lui reproche trop de liberté : soutenu par sa rédaction unanime, il réussit, pour l’instant, à rester en place. A Hohhot (Mongolie Intérieure), fin octobre, Cui Fan, journaliste au quotidien local China Business Post ose traîner l’Etat en justice, après la suspension du titre pour trois mois. La plainte a peu de chances d’aboutir, mais le seul fait d’avoir été enregistrée aurait été impensable cinq ans plus tôt—comme tous les autres faits cités dans cet article, signes discrets du chemin parcouru depuis.
SOCIETE – 社会
Nouveaux temps, nouveaux maux (ou antiques!)
4M d’adolescents (10%) sont accros à l’internet. Faute de définir le mal, les autorités ne pouvaient le combattre. Le10/11, le ministère de la Santé rajoute l’«internite» à sa liste des maladies cliniques avec 5 variantes : jeux, Eros, forum, information et business en ligne. Il y aurait addiction, passées 6h/j derrière l’écran. Ses symptômes sont l’insomnie et le manque (malaise, colère) en cas de sevrage. Le ministère ne dit pas comment il compte traiter ces malades, ni s’il en éradiquera la cause, à savoir la pression des études et l’incapacité des parents à écouter leurs jeunes. Après étude de 23.640 consultations de journalistes, l’association des docteurs en médecine est formelle : 97,5% d’entre eux, sans souffrir d’un mal précis, sont en santé déplorable. Les raisons: trop de travail, tabagisme, repas au lance-pierres, absence d’exercice… Pas étonnant que le reporter chinois se plaigne plus que d’autres de stress et dépression. Un détail sur lequel les docteurs restent cois : le rôle de la censure, le surcroît de tâche qu’elle impose pour écrire en contournant la vérité, le souci de n’avoir pas pu la dire toute… Revoilà le choléra, dans l’île tropicale de Hainan. Entre le 20/10 et le 10/11, 51 cas ont été relevés au village de Danzhou, puis à l’Université de Hainan (8 cas). Les malades ont été isolés, le village puis l’établissement ont été mis 8 jours en quarantaine. Aucun décès n’est à déplorer, et la réaction sanitaire a été à la hauteur —mais il reste frappant de voir resurgir ici et maintenant ce fléau antique, qu’on eût pu croire éradiqué !
Sommaire N° 36