A la loupe : Danone — deux rebondissements

Une péripétie vient ranimer le conflit couvant depuis juin entre Danone-Chine, et Wahaha, la JV aux 39 filiales.

Le 10/10, des dizaines d’employés Wahaha faisaient à Shanghai un sit-in devant le siège de Danone, qui reproche à leur boss Zong Qinghou un détournement annuel en milliards de US$ du chiffre d’affaires commun, et exige le rachat pour 387M², de 51% des unités illégales. Des actions en justice sont lancées de part et d’autre.

Sur le litige, un éclairage sobre vient du professeur Wu Xiaobo, de Pékin, auteur d’un livre sur le sujet. Wu diagnostique l’absence d’une base solide de communication, et conclut aux torts partagés. Sans méfiance, Danone aurait laissé ce partenaire diriger hors contrôle. Mais Zong, dit Wu, personnalité explosive et introvertie», exerce un pouvoir solitaire sur son empire, sans collaborateur masculin -entouré de directrices qui ne peuvent lui faire entendre raison. Sur le fond, le professeur n’a aucun doute : la presse et l’Etat se gardent de suivre Zong dans sa dérive. Pékin imposera une médiation pour protéger ce qui lui importe : sa crédibilité, et des dizaines de millions d’emplois créés par l’étranger.

En attendant, le conflit coûte cher : la croissance de Danone  en Chine aura chuté de 30% au 3ème trimestre de 20% au 4ème, dit Frank Riboud le PDG, apparemment confiant : « la solution prendra un peu de temps »!

Entre temps, Danone cède (16 /10) à deux groupes publics ses 20% de parts dans Bright, laitier shanghaïen: 93M², moins 33M² de dédit. A ce geste, plusieurs raisons sont avancées :

[1] Bright perd pied sur le marché local du yoghourt, face à Mengniu et Yili (60% des ventes, triplées en 3 ans).

[2] Bright a piraté son partenaire.

[3] Cette revente pourrait satisfaire Zong, et être part d’un  deal futur.

[4] En 2006, la mairie a réorganisé le groupe en « bastion », afin de barrer la route à toute prise de contrôle par Danone -qui quitterait, n’ayant plus rien à y faire.

[5] Enfin, après son partenariat « yoghourt » conclu en décembre avec le n°1 Mengniu, Danone n’a plus besoin de Bright pour regagner le marché shanghaïen.

Ce dernier argument fait réfléchir.

Multiplier les participations, a été la stratégie de Danone depuis 20 ans en Chine, pour rassurer l’opinion sur sa volonté de coopérer et non de conquérir. Mais une telle stratégie, généreuse en soi, prend mal sur un terrain aux acteurs animés de rivalités féroces, incapables d’accepter que « son partenaire » fraie avec « son ennemi ». D’où le piratage sans scrupule de Danone par Bright et Wahaha, et la disparition de Robust, le groupe d’eau cantonais imprudemment « intégré » par Danone à Wahaha, qui l’a liquidé. Ce que signifie probablement la revente des parts de Bright, est donc le retour à la pratique d’un seul partenaire fort et fiable — la fin d’un modèle commercial.

 

 

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