A la loupe : Mort d’un empereur de la table – le chou chinois!

Avant l’arrivée des frimas hivernaux au 15/11(date officielle du chauffage), les petits camions désuets banlieusards font leur apparition, exceptionnellement tolérés par la police : les choux sont entrés dans Pékin, pour la campagne traditionnelle du 爱国蔬菜 aiguo shucai, « chou patriotique ».

Mais pour l’humble légume, cette année est celle de la rupture. Le chou fait chou blanc. Les Chinois soupirent, mais n’en veulent plus. Le chou est en ce pays la petite madeleine de l’enfance proustienne. Jusqu’aux années ‘80, il était le seul produit  «frais» durant les mois d’hiver, exception faite des oignons. Le Pékinois l’empilait aux rebords des fenêtres, puis le servait en soupe ou farce des饺子 jiaozi (raviolis), additionné de tofu séché et d’une pincée de haché de porc, le dimanche.

Mais entre-temps, la vie a changé. Il n’est pas de foyer sans réfrigérateur, ni de supermarché sans tomates ni carottes, 12 mois sur 12. Dès 1992, la mairie sucrait la subvention (qui baissait le chou à 0,1¥ la livre), et libérait le prix en 1997.

Le résultat de cette mutation était inévitable : au marché de Dayanglu, avec 109 espèces de fruits et légumes, les ventes de chou ont aujourd’hui régressé des 9/10. A travers la ville, elles chuteront encore de 8,3% cette année—seuls les vieux achètent encore, plus par fidélité que par nécessité.

Un rare client demeure : Canton, qui en importe quelques camions, au nom de la Beijing nostalgia. Mais ça ne va pas loin… Pour la Chine à l’ancienne, brusquée par l’entrée violente des produits et modes de vie aliènes, la mort du chou annonce la fin d’un cocon plus fruste mais plus doux : on dirait en France, « la fin des haricots »!

 

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