Editorial : Les relations Chine US en pleine turbulence

Il s’agissait d’un simple accident, mais très prévisible, et dangereux: dimanche 1er avril 2001, l’avion EP-3 de la marine américaine fut intercepté en mer de Chine (espace aérien international) par 2 chasseurs F8, causant collision, perte d’un des F8 (+ pilote) et atterrissage urgent de l’avion américain à la base de Lingshui (Hainan).

Parti d’Okinawa avec 24 agents à bord, l’EP-3 était bourré de matériel d’écoute, permettant d’accéder aux fax, e-mails et autres télécommunications à des centaines de kilomètres à la ronde. Immédiatement, la Chine (quoiqu’elle même premier pays de surveillance aérienne en Asie, avec QG, précisément, à Hainan) saisit la chance de faire entendre sa colère, détenant indéfiniment l’équipage américain et inspectant l’appareil, sourde aux appels de Washington et à l’impatience croissante de l’opinion américaine.

Elle l’a fait pour 2 raisons :

[1] la Chine est sure de son bon droit – les Etats-Unis perçaient ses secrets militaires, industriels et d’affaires.

[2] Jiang Zemin, en exigeant des excuses et en jouant la fermeté, a gagné en charisme, dont il manquait – il se trouve en meilleure position pour imposer ses « poulains » aux postes de commandes pour sa succession, en mars 2003.

Dans sa gestion de la crise, Pékin s’est livré à deux exercices simultanés: déboulonner, scanner les systèmes d’écoute du EP-3 (ou ce qu’il en reste après sa destruction en vol par le personnel), et tester les nerfs du gouvernement néophyte de G.W. Bush. On a noté l’alternance de « chaud » et de « froid » entre lundi (exigence d’excuses), mardi (visite accordée aux 24 reclus), mercredi (l’ambassadeur Prueher convoqué, campagne nationale de presse autour de la mort du pilote, Wang Wei) et jeudi (reprise du dialogue, blocage des manifestations autour de l’ambassade US).

Ce faisant, la Chine n’a pas hésité à mettre en jeu son image, bravant 4 risques:

perdre les Jeux Olympiques de 2008, son entrée dans l’année à l’OMC (mais apparemment, elle n’est plus si pressée), des dizaines de MM$ d’investissements étrangers directs ou boursiers et précipiter des livraisons d’armes sophistiquées américaines à Taiwan.

Ce choix révèle l’éternel débat entre pragmatisme et principes historiques, et les divergences entre générations au sein du pouvoir. Loin d’être réglé ce week-end, l’incident pose la question de la maturité des relations entre ces deux nations géantes, toujours plus interdépendantes et qui jouent toujours à se croire ennemies!

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