Sport : Sports d’hiver — Le dragon blanc se réveille

« Quand la Chine des sports d’hiver s’éveillera, le monde tremblera » – cette prophétie détournée de Napoléon, se réalise sous nos yeux. Des milliards de ¥ se dépensent à travers la Chine (du Nord et de l’Ouest), en créations d’usines d’équipement et de chantiers immenses.

Telle cette station de ski du groupe Wanda à Harbin qui ouvrira à l’été 2017 et aura coûté 5,2 milliards d’€. Sur 1,5 million de m² de béton et neige, elle offrira 6 pistes pour 3000 skieurs, dont une couverte (80.000 m², la plus grande du monde), 3 parcs d’attraction (dont un sur neige), des cinémas 4D et trois hôtels de 1100 chambres—pour commencer…

Autre site stratégique : Wanlong (près de Zhangjiakou), à 170km de Pékin, investissement malais qui se prépare à héberger les JO d’hiver en 2022, pour 2,6 milliards d’€. Pour ces Jeux, la plupart des sites préexistent, héritage des Jeux d’été de 2008. Rééquipés, ils accueilleront notamment curling, hockey, patin de vitesse, bobsleigh, permettant de limiter les coûts au dixième de ceux de 2008.
Pékin construit une autoroute, tout en ponts et en tunnels à travers la montagne, et une ligne TGV sur Zhangjiakou—dès 2019, il assurera la liaison en 47 minutes. Le groupe français AREP, spécialisé dans les pôles multimodaux, remporte la réalisation sur cet axe de la gare de Qinghe à Pékin. À terme, le complexe Wanlong-Genting s’étalera sur 2 montagnes, 88 pistes (70km) et 22 télécabines importées (avec embrayage et vitesse variable) d’une longueur de 30km. Sa capacité annuelle sera de 1,8 million de visiteurs.

Le redéploiement ordonné des  sports d’hiver en Chine a été défini en novembre dans un plan décennal de la NDRC, publié en lien avec le Comité International Olympique et une demi-douzaine de ministères.

Sur l’ensemble du pays d’ici 2022, l’Etat prévoit la construction de 250 stations aux 568 existantes, et compte en disposer de 1000 en 2027. Sichuan, Xinjiang et Tibet ne sont pas oubliés. Lhassa recevra même la station « la plus haute du monde » à 3600m. Ces villégiatures nouvelles  n’auront rien de banal : dans leur architecture comme leurs équipements, elles surprendront par leurs fonctionnalités et capacités d’intégration à l’environnement. Le ski est revisité, décliné en des avatars improbables : ski-tube, ski-vélo, ski-voile…

Le ski n’est pas le seul sport visé : chaque ville de plus de 500.000 habitants devra posséder sa piste, son anneau de patinage—500 en tout, pour accueillir tous les sports de glace–vitesse, endurance, hockey, patinage artistique… D’ici 2025, le Conseil d’Etat veut voir « 300 millions de Chinois » s’essayer aux sports d’hiver – voire, plus sérieusement, 7 millions de skieurs lors des JO en 2022, alors qu’ils ne sont que 300.000 aujourd’hui.

On devine ici la griffe de Xi Jinping, qui veut doter son pays d’une « culture de masse », d’activités de loisirs et de millions d’emplois associés. Ce segment des sports d’hiver arrive à point nommé : la vague immobilière et d’industries classiques commence à saturer, et la consommation des ménages n’a pas encore pris le relais comme ressort de la croissance.

Le fait que la Chine hérite de l’expérience des pays occidentaux en ce domaine, explique que ces loisirs glacés se structurent de façon différente. Ils sont destinés à tous âges et toutes activités, même sans lien avec le ski : montgolfières, sculptures de glace, sources chaudes (cf photo, station Wanda à Changbaishan – Jilin), montagnes russes, trekking en raquettes, golf sur glace, saut en parachute…

Et de fait, le marché suit, et s’emballe. À Wanlong, toutes les boutiques et tous les habits du parfait skieur sont là, importés ou locaux, offrant des tenues et accessoires différenciés selon le sport choisi. Sur les pistes, une majorité d’amateurs plutôt fortunés choisissent le snowboard, plutôt que le ski alpin ou de fond. Entre les nuitées, les ventes d’équipements et celles de services, le plan décennal veut générer d’ici 2025 un revenu national de 131 milliards d’€.

Produite en permanence par d’énormes canons, la neige est abondante et de belle qualité. Les producteurs de télécabines et télésièges, Poma (franco-italien) ou Doppelmayr (autrichien) sont présents avec leurs équipements, tout comme diverses écoles de ski venues de Suisse, du Canada, de France ou de Grande-Bretagne, tentant de vendre leurs savoir-faire.

En habillement, Decathlon a peut-être un téléphérique d’avance, du fait de la variété et de la R&D de ses vestes, cagoules et combinaisons, mais la concurrence locale est forte, avec de jeunes entreprises comme Fu Yi Ning ou encore « Minus 2°C Culture Co » (Pékin), dont les ventes augmentent de 40% cet hiver avec 5 millions de ¥ de recettes attendues. À Qiqihar (Heilongjiang), Heilong veut d’ici 2020 produire 3 millions de patins à glace, 200.000 skis, snowboards et 340.000 tenues, pour un chiffre d’affaires de 79 milliards d’€, qui passeraient à 131 milliards en 2025.

Tous ces chiffres donnent le vertige, et l’impression de « sortir du chapeau ». Mais indiscutablement le marché est là, ainsi que le rêve de glace et de gloire olympique, relayé par l’investissement et l’esprit d’entreprise. Le dragon blanc est bel et bien sorti de sa caverne !

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1 Commentaire
  1. severy

    Attention! La glace, la neige et le froid brûlent… même en période de réchauffement climatique. Chi va piano va sano e chi va sano va lontano. Il y a loin des statistiques prédictologiques au taux maximal de fréquentation des pistes, restaurants et hôtels envisagés.

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