Le Vent de la Chine Numéro 40 (2016)
Technologie d’encryptage récente, la blockchain permet d’émettre sur internet des transactions publiques, vérifiables en temps réel par des milliers d’abonnés. Une fois émise, la formule reste « enchâssée » dans ce réseau bitcoin – consultable et infalsifiable à jamais.
Depuis le 19 octobre, la blockchain sert en Chine au commerce de la viande porc. Son progrès révolutionnaire consiste à publier à l’avance tous les paramètres de la commande (origine, prix, chaîne du froid, label vétérinaire…), puis d’en faire vérifier le respect par tout internaute, au moyen de « nœuds » dans la blockchain. Ainsi, le circuit est virtuellement suivi de l’élevage à l’abattoir, au camion frigo, jusqu’au grossiste. Walmart a introduit le système, assisté par IBM et l’université Tsinghua. S’étant trouvé impliqué dans des scandales de mauvais produits dont il était victime, le distributeur américain a réalisé que seul un contrôle de toute la chaîne, partagé avec les autres acteurs (pour faire face aux coûts prohibitifs d’installation liés à la blockchain), le prémunirait d’une telle mésaventure. Mais il y a loin de la (dé-)coupe aux lèvres ! Pour l’instant, son réseau ne dispose que de 3 nœuds — un géré par Walmart, un par IBM, un par un grossiste anonyme. Or, pour que le système fonctionne, il en faut au moins 10.
Mais il faut bien débuter quelque part. La technologie est d’une puissance inégalée de par sa capacité de supervision et de réduction des intermédiaires. Walmart espère l’élargir à tous les produits de base, contribuant ainsi à enterrer le plus grand fléau en ce pays, l’insécurité alimentaire.
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Autre sujet du moment, la campagne anti-corruption prend un tournant nouveau, annoncé fin octobre par un conclave de recadrage du Parti. Wang Qishan, tzar de la Commission Centrale de Discipline avait fustigé les cadres gâtés qui brocardaient les slogans, refusaient de payer leur cotisation au Parti ou se montraient incapables de citer leur année d’entrée au PCC. Une série d’interdictions sévères vient de suivre : défense (réitérée) de banquets « extravagants » aux frais du socialisme ; défense de croire en dieux, fantômes ou autres superstitions ; et défense de faire nommer ses favoris, de limoger arbitrairement—de telles décisions doivent être collectives.
De plus, par décision du Bureau Politique du 7 novembre, les privilèges liés à la fonction (véhicule, logement, primes, personnels, congés) se fixeront selon les normes, et devront prendre fin lors du passage à la retraite. Ici, l’ex-Président Jiang Zemin pourrait être visé, qui avait gardé au fil des ans une partie de ses avantages.
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Enfin, la Chine vient d’être reconnue des sphères scientifiques mondiales comme leader en matière de fusion nucléaire : en août à Hefei (Anhui), son anneau de confinement EAST (Experimental Advanced Superconducting Tokamak) a pu consumer durant plus d’une minute un plasma d’hydrogène ionisé – record mondial de durée. Pour le vice-directeur Luo Guangnan, c’est un grand pas vers le CFETR (Chinese Fusion Engineering Test Reactor), qui devrait être dès 2030 la 1ère centrale nucléaire à fusion, d’une capacité électrique de 200 MW par fusion de 2 atomes d’hydrogène en 1 atome d’hélium. À l’horizon 2040, elle devrait atteindre 1000 MW, capacité d’une centrale atomique actuelle, à fission.
Ce progrès est du à la richesse des crédits alloués à la recherche, la Chine étant un des rares pays à ne pas rogner sur ces budgets, sans se laisser décourager par l’absence de percée technologique depuis 50 ans. Elle est d’ailleurs aussi contributeur majeur au projet ITER (avec l’UE, Inde, Japon, Russie, Corée du Sud, USA, Suisse), bâti en Provence et destiné à fonctionner en 2025. Rendez-vous à ce moment-là !
Entre Etats-Unis et Chine, c’est le rebondissement de fin de l’année : le 3 décembre, à sept semaines de son intronisation comme 45ème Président des Etats-Unis, Donald Trump a pris l’appel téléphonique de son homologue taïwanaise Tsai Ing-wen. Nul leader américain n’avait osé un tel geste, pas plus que la plupart des chefs d’Etat du globe, soucieux de ne pas offenser la Chine continentale dans son effort de maintenir en isolation sa « province rebelle ».
On en vient d’ailleurs à soupçonner que le candidat élu ait accepté ce coup de fil par bravache, pour clamer au monde qu’il ne craint rien ni personne. Comme on pouvait s’y attendre, Pékin n’a pas attendu pour protester. Il faut dire que quelques heures avant, Xi Jinping avait pour hôte Henry Kissinger, figure de proue du Parti Républicain, qui ne lui avait rien dit – et pour cause : il n’en savait rien, pas plus qu’Obama, ni la chancellerie américaine…
Symptomatiquement, par la voix de Wang Yi le ministre des Affaires étrangères, Pékin a cherché à exonérer Trump, invoquant une « inexpérience » qui l’aurait fait tomber dans le « piège » de la perfide île nationaliste. Mais du tac au tac, Trump a démenti : tout était assumé, voulu. Il avait « pris l’appel par courtoisie, pour féliciter sa collègue de son élection »… avec 11 mois de retard ! Peu après, par une déclaration polémique sur son compte Twitter, Trump reprit de vieilles allégations contre Pékin sur son déploiement militaire en mer de Chine du Sud, et sa « manipulation » du yuan, la monnaie chinoise.
Pékin se garde de se laisser entraîner dans l’escalade. Mais pour reprendre le mot d’un diplomate, « un préjugé favorable (envers Trump) a disparu, la relation sino-américaine démarrera dans la méfiance ».
Que fera la Chine ? Ce qu’elle veut, est un deal à long terme avec Washington, créer à l’échelle de la planète une « locomotive franco-allemande » de croissance économique et de règlement des conflits. Xi l’a réitéré à Kissinger, « la relation est à un tournant », donc ultra prioritaire. Celui qui sera puni, selon diverses analystes, sera Taiwan, le petit et l’incorrect qui a osé élire en janvier dernier un gouvernement indépendantiste.
Mais la presse chinoise prévient : une fois installé, si Trump touche au principe d’une seule Chine, ou aux intérêts chinois, Pékin aurait des leviers de rétorsion à sa disposition. On peut imaginer lesquels :
– la Chine peut rompre l’isolement de la Corée du Nord en s’affranchissant des sanctions onusiennes pour lui fournir blé, carburant et crédits ;
– elle peut affronter les patrouilles de l’US Navy en mer de Chine du Sud, comme l’APL brûle de le faire, histoire de fêter dignement son 90ème anniversaire au 1er août 2017.
– elle peut aussi s’en prendre militairement à l’île, au moindre acte séparatiste. Selon la rumeur, « le mandat de Deng Xiaoping était de rapatrier Hong Kong, celui de Xi Jinping serait de récupérer Taiwan »…
Le bras de fer engagé par Trump envenime un autre reproche chinois envers son pays : avoir fait capoter la cession à Fujian Grand Chip Fund du groupe allemand Aixtron (semi-conducteurs). Le feu vert avait été donné par le Land de Bade-Wurtemberg. Mais l’américain CFIUS (Committee on Foreign Investment in the US) avait fait passer le feu à l’orange, en édictant le veto de Washington sur la vente des filiales américaines : Berlin n’avait pu que laisser le feu passer au rouge. Ce geste avait sonné le tocsin en Allemagne sur toute la vague de rachats chinois de ses fleurons technologiques. Il est d’ailleurs question, outre-Rhin en pleine période préélectorale, de révoquer un autre rachat déjà réalisé, celui des robots Kuka par Midea.
Après avoir ruiné en quelques minutes le préjugé favorable qui s’instaurait entre Trump et la Chine socialiste, le candidat élu semble s’essayer à recoller les morceaux en nominant, comme futur ambassadeur des Etats-Unis en Chine, Terry Brandstad (cf photo), le gouverneur de l’Iowa qui se dit ami personnel de Xi Jinping « depuis 30 ans ». Brandstad s’est rendu pas moins de six fois au Céleste Empire. Xi lui, est déjà venu deux fois en Iowa, en 1985 comme jeune fonctionnaire pour son 1er séjour à l’étranger, puis en 2012 comme Président, où il avait été reçu par son gouverneur. Brandstad a déjà une coopération à son actif : une large exploitation agricole de l’Iowa sera copiée à l’identique dans le Hebei, pour son exemple de rêve à l’américaine, et comme pieux souvenir de Xi, qui l’avait visitée.
Cependant, il faudra plus que cela pour repasser à un climat positif. Des deux rivages du Pacifique, les faucons se frottent les mains de la nouvelle donne négative entre les pays.
Côté Etats-Unis, le sénateur Marco Rubio dépose un projet de loi de sanctions automatiques contre la Chine, à chacun de ses pas militaires en mer de Chine du Sud. Un telle initiative, si elle est votée, sera certaine de compromettre toute coopération entre ces deux puissances.
Côté Chine, Ding Xuedong, président du Fonds public CIC, avertit Trump de bien réfléchir avant d’imposer toute taxe nouvelle aux exportations chinoises, comme il a menacé de le faire durant sa campagne électorale. Et Yang Qijing, de l’Académie du Développement et de la Stratégie, croit voir des préparatifs de Trump pour renforcer les liens de défense avec Taiwan. Ce serait, bien sûr, un moyen d’enrayer l’influence croissante de la Chine dans la région…
Tel est le climat délétère dans lequel Donald Trump accède au pouvoir—sous la menace d’un retour de la guerre froide et de l’esprit des blocs. Tous les incidents décrits dans cette page, amènent à une même conclusion. Suite à l’élection de Trump, Chine et USA ont devant eux deux voies, et un choix à faire : la poursuite du présent – la coopération (les compromis), ou le retour dans le passé – les principes idéologiques. Or dans ce choix crucial, la méfiance réciproque ne sera d’aucune aide.
« Quand la Chine des sports d’hiver s’éveillera, le monde tremblera » – cette prophétie détournée de Napoléon, se réalise sous nos yeux. Des milliards de ¥ se dépensent à travers la Chine (du Nord et de l’Ouest), en créations d’usines d’équipement et de chantiers immenses.
Telle cette station de ski du groupe Wanda à Harbin qui ouvrira à l’été 2017 et aura coûté 5,2 milliards d’€. Sur 1,5 million de m² de béton et neige, elle offrira 6 pistes pour 3000 skieurs, dont une couverte (80.000 m², la plus grande du monde), 3 parcs d’attraction (dont un sur neige), des cinémas 4D et trois hôtels de 1100 chambres—pour commencer…
Autre site stratégique : Wanlong (près de Zhangjiakou), à 170km de Pékin, investissement malais qui se prépare à héberger les JO d’hiver en 2022, pour 2,6 milliards d’€. Pour ces Jeux, la plupart des sites préexistent, héritage des Jeux d’été de 2008. Rééquipés, ils accueilleront notamment curling, hockey, patin de vitesse, bobsleigh, permettant de limiter les coûts au dixième de ceux de 2008.
Pékin construit une autoroute, tout en ponts et en tunnels à travers la montagne, et une ligne TGV sur Zhangjiakou—dès 2019, il assurera la liaison en 47 minutes. Le groupe français AREP, spécialisé dans les pôles multimodaux, remporte la réalisation sur cet axe de la gare de Qinghe à Pékin. À terme, le complexe Wanlong-Genting s’étalera sur 2 montagnes, 88 pistes (70km) et 22 télécabines importées (avec embrayage et vitesse variable) d’une longueur de 30km. Sa capacité annuelle sera de 1,8 million de visiteurs.
Le redéploiement ordonné des sports d’hiver en Chine a été défini en novembre dans un plan décennal de la NDRC, publié en lien avec le Comité International Olympique et une demi-douzaine de ministères.
Sur l’ensemble du pays d’ici 2022, l’Etat prévoit la construction de 250 stations aux 568 existantes, et compte en disposer de 1000 en 2027. Sichuan, Xinjiang et Tibet ne sont pas oubliés. Lhassa recevra même la station « la plus haute du monde » à 3600m. Ces villégiatures nouvelles n’auront rien de banal : dans leur architecture comme leurs équipements, elles surprendront par leurs fonctionnalités et capacités d’intégration à l’environnement. Le ski est revisité, décliné en des avatars improbables : ski-tube, ski-vélo, ski-voile…
Le ski n’est pas le seul sport visé : chaque ville de plus de 500.000 habitants devra posséder sa piste, son anneau de patinage—500 en tout, pour accueillir tous les sports de glace–vitesse, endurance, hockey, patinage artistique… D’ici 2025, le Conseil d’Etat veut voir « 300 millions de Chinois » s’essayer aux sports d’hiver – voire, plus sérieusement, 7 millions de skieurs lors des JO en 2022, alors qu’ils ne sont que 300.000 aujourd’hui.
On devine ici la griffe de Xi Jinping, qui veut doter son pays d’une « culture de masse », d’activités de loisirs et de millions d’emplois associés. Ce segment des sports d’hiver arrive à point nommé : la vague immobilière et d’industries classiques commence à saturer, et la consommation des ménages n’a pas encore pris le relais comme ressort de la croissance.
Le fait que la Chine hérite de l’expérience des pays occidentaux en ce domaine, explique que ces loisirs glacés se structurent de façon différente. Ils sont destinés à tous âges et toutes activités, même sans lien avec le ski : montgolfières, sculptures de glace, sources chaudes (cf photo, station Wanda à Changbaishan – Jilin), montagnes russes, trekking en raquettes, golf sur glace, saut en parachute…
Et de fait, le marché suit, et s’emballe. À Wanlong, toutes les boutiques et tous les habits du parfait skieur sont là, importés ou locaux, offrant des tenues et accessoires différenciés selon le sport choisi. Sur les pistes, une majorité d’amateurs plutôt fortunés choisissent le snowboard, plutôt que le ski alpin ou de fond. Entre les nuitées, les ventes d’équipements et celles de services, le plan décennal veut générer d’ici 2025 un revenu national de 131 milliards d’€.
Produite en permanence par d’énormes canons, la neige est abondante et de belle qualité. Les producteurs de télécabines et télésièges, Poma (franco-italien) ou Doppelmayr (autrichien) sont présents avec leurs équipements, tout comme diverses écoles de ski venues de Suisse, du Canada, de France ou de Grande-Bretagne, tentant de vendre leurs savoir-faire.
En habillement, Decathlon a peut-être un téléphérique d’avance, du fait de la variété et de la R&D de ses vestes, cagoules et combinaisons, mais la concurrence locale est forte, avec de jeunes entreprises comme Fu Yi Ning ou encore « Minus 2°C Culture Co » (Pékin), dont les ventes augmentent de 40% cet hiver avec 5 millions de ¥ de recettes attendues. À Qiqihar (Heilongjiang), Heilong veut d’ici 2020 produire 3 millions de patins à glace, 200.000 skis, snowboards et 340.000 tenues, pour un chiffre d’affaires de 79 milliards d’€, qui passeraient à 131 milliards en 2025.
Tous ces chiffres donnent le vertige, et l’impression de « sortir du chapeau ». Mais indiscutablement le marché est là, ainsi que le rêve de glace et de gloire olympique, relayé par l’investissement et l’esprit d’entreprise. Le dragon blanc est bel et bien sorti de sa caverne !
Le 11 décembre verra le 15ème anniversaire de l’entrée de la Chine à l’OMC (Organisation mondiale du Commerce). Durant les 15 ans de période transitoire, l’Union Européenne régulait les cas de dumping chinois par des taxes compensatoires calculées à partir des chiffres de « pays de référence », en estimant les coûts de production en Chine à partir de ceux de pays comparables. Devant l’OMC, l’UE justifiait cette pratique, la Chine n’ayant pas le « statut d’économie de marché ». Mais c’était une discrimination, que l’OMC limitait à 15 ans, après quoi Pékin aurait droit à ce statut—quoique son dumping se poursuive vers les 5 continents, du fait des énormes surcapacités du pays, et de la concurrence non régulée des provinces.
Or, le 9 novembre, l’UE introduisait un nouveau système. Le statut qui fâche disparaît, relayé par une autre défense antidumping, applicable à tous les pays de l’OMC. Une fois validé par les 28 Etats membres et le Parlement européen, le nouveau système permettra à la Commission d’identifier les cas de dumping et d’imposer des droits compensatoires-comme avant, mais sans plus invoquer un manquement à « l’économie de marché ». « En tout cas, remarque-t-on à la Délégation européenne à Pékin, les exportations chinoises sous droits compensatoires ne forment qu’une part faible (autour de 2%) des livraisons de ce pays aux 28 Etats membres ».
Cette explication n’empêche pas Pékin de se lancer dans un travail de lobby contre le nouvel outil, pour tenter de bloquer sa validation – et parfois, de marquer des points. A Londres, le vice-premier Ma Kai a glané une condamnation ferme de cet outil, « en infraction aux normes de l’OMC ». La rupture de solidarité britannique s’explique par le « Brexit ». Conscient de son besoin imminent de nouvelles alliances commerciales et politiques, afin de compenser sa probable lourde perte d’accès au marché communautaire, le Royaume-Uni réapprend très vite à faire cavalier seul.
Face à la France par contre, et en dépit du climat d’amitié, le succès n’est pas au rendez-vous : Ma Kai échoue à obtenir le même ralliement auprès de Michel Sapin, ministre de l’Economie, lors du 4ème Dialogue économique franco-chinois (16 novembre). Voilà donc un différend qu’on verra rebondir à coup sûr en 2017, lors du vote à Bruxelles entre les 28 Etats membres sur ce nouveau bouclier. Mais au Conseil européen, ce type de décisions se prend à majorité « qualifiée » – Londres seule ne pourra rien faire. A ce stade, les chances pour Pékin de faire capoter le nouveau système, sont donc diaphanes.
Ces derniers temps, la réforme agricole s’accélère.
Ainsi la BDA (Banque de Développement Agricole) annonçait fin septembre, un fonds de 450 milliards de $ sur quatre ans, pour alimenter des prêts de modernisation de l’agriculture qui parvient à nourrir son peuple, mais reste peu compétitive, du fait de son tissu de millions de micro-fermes de 0,15 ha, d’un paysannat souvent âgé et peu moderne, et d’un droit foncier désuet.
Depuis 2010, de grands progrès ont été faits : le revenu annuel par paysan a presque doublé, de 5919 ¥ aux 11 000 ¥ actuels. Mais un grave danger menace. En effet, si la Chine adoptait le modèle suivi par l’Europe et les Etats-Unis des années 70-80 pour réaliser son bond en avant agricole (à savoir un usage excessif d’engrais et de carburant pour ses tracteurs, moissonneuses…), cela se traduirait par l’émission de 30 milliards de tonnes de CO2, soit le triple des émissions actuelles mondiales, anéantissant tout effort de lutte contre le réchauffement climatique.
Mais quelles sont les grandes lignes de cette réforme ? En perte de vitesse, l’achat de terres hors-frontières est relayé par un effort sur les semences, pour booster les rendements intérieurs. Depuis un an, la Chine tente de faire racheter Syngenta, le n°2 mondial de l’agrochimie et de la semence, par son groupe public ChemChina pour 43 milliards de $.
Une autre action est le remembrement qui vise l’émergence de fermes « familiales » de 5 ha. Depuis octobre, en divers districts du pays, un projet pilote teste le passage de la propriété collective au titre de propriété privée, aux droits d’hypothéquer ou de léguer « sa » terre.
Ceci peut être l’incitation attendue par 4,5 millions d’ex-fermiers chinois qui travaillaient en Russie, Kazakhstan, Afrique… Retournés en Chine avec leur expérience à l’étranger et leur pécule salarial, ils retournent à la campagne, prêts à racheter des terres et à s’équiper, avec le soutien des banques.
D’autres axes de la réforme sont l’abandon progressif des prix subventionnés et d’un stockage public ruineux et inutile, la convalescence des terres (400.000 ha mis cette année en jachère ou en assolement), la création de centres géants d’élevage, permettant suivi vétérinaire et recyclage des lisiers. Enfin comptera aussi, à l’avenir, un meilleur usage des engrais, aujourd’hui consommés au double de la moyenne mondiale, avec en corollaire, un recul à espérer, de la pollution du réseau aquatique.
Durant ces 7 années, Ma Jixiang s’était-il soustrait de son plein gré au monde, ou y avait-il été contraint ? Ma Jianjun son frère aîné, Chen Xiaofen sa belle-sœur en furent réduits aux conjectures, car sous l’angle de la parole, Jixiang était demeuré incapable de bredouiller plus de quelques mots, le plus souvent inintelligibles. Toutefois, les brûlures et ecchymoses sur ses membres leur firent soupçonner que la période s’était déroulée sous de grandes souffrances. En outre, le fait qu’il ait gratifié Xiaofen, 70 ans, lors des retrouvailles, d’un titre de « da jie » (grande sœur) qu’il lui avait dénié depuis des dizaines d’années, leur fit penser que la douleur avait fini par éteindre en lui toute rancœur familiale, pour laisser remonter la nostalgie du foyer, les souvenirs de tendresse et de chaleur humaine.
Car Jixiang n’avait pas toujours été ce simplet qu’ils retrouvaient à présent. À l’âge de 24 ans, il avait été actif et sociable, parfaitement normal dans son hygiène de vie et sa participation aux tâches. Il s’était souvent levé à l’aube pour aller repiquer ou désherber le riz ou entretenir les terrasses. Quoique souvent le ventre creux – comme tout le monde, à l’époque – il ne se plaignait jamais. Loin d’être acariâtre, il aimait même parfois pousser la chansonnette, au coin du feu…
Son drame avait été son incapacité à trouver femme. A 18 ans, il s’était mis à fréquenter tous les marchés aux mariages, où les entremetteurs proposaient les unions. Mais pas une famille ne l’avait accepté : il était trop petit, pas assez avenant—ses joues et son front étaient grêlés. Il était surtout trop pauvre pour posséder le sacro-saint lopin de terre, et aligner la dot exigée en dizaines de milliers de yuans, qui feraient pour les parents leur pension véritable. Le mariage en ces contrées, n’était point affaire d’amour ni de complémentarité dans le couple, mais de retour sur investissement.
Pour tout empirer, le pauvre Ji-xiang avait subi à l’adolescence un trouble psychique qui eût été en soi bénin pour peu qu’il ait été détecté et soigné, ce qui n’avait pas été le cas. Aussi son échec à convoler et l’humiliation d’être rejeté, servirent de terreau favorable à l’expansion du mal. Au fil des années, il cessa de parler, sauf en grommelant. A 30 ans, il quitta la maison familiale pour occuper une cahute deux pas plus loin. Il ne voulait plus voir personne.
Dans son changement de comportement, ce qui fit le plus mal à Xiaofen, fut qu’il cesse de lui leur rendre visite, qu’il refuse toutes leurs invitations à dîner, et cesse de l’appeler « da jie » . Il cessa aussi de contribuer aux tâches collectives, pour aller vadrouiller dans la campagne, se nourrissant de cueillettes innommables, baies, champignons, riz glané. Quand il disparut, il était devenu sauvage. Jianjun et Xiaofen se disaient qu’il gardait envers la société, même envers leur couple, une rancune inguérissable pour vivre si heureux tout en le tenant loin de leur bonheur, abandonné.
Ils s’étaient persuadés que, lors de son ultime vadrouille, il avait été kidnappé. Il avait passé ces années en un bagne clandestin, réduit en esclavage par des entrepreneurs sans scrupules qui exploitaient sa force de travail. Avec des dizaines d’autres handicapés mentaux comme lui-même, il avait 12 heures par jour malaxé et façonné des briques, les démoulant une fois sèches pour les empiler dans un four alimenté à grandes pelletées de mauvais charbon. Le lendemain à mains nues, il avait dû sortir les briques encore brûlantes, les transporter sur des brouettes aux camions, qu’il avait dû charger avec ses compagnons de misère.
A ce jeu dangereux, il s’était souvent brûlé, mais avait dû poursuivre. Sous les coups des matons, il était devenu incontinent, et avait contracté cette claudication.
Dernièrement, il s’était affaibli au point de ne plus pouvoir quitter son grabat. Alors, supposaient Jianjun et Xiaofen, ses bourreaux, pour s’épargner ses frais d’entretien, l’avaient relâché en rase campagne où il avait végété, jusqu’à ce qu’une patrouille finisse par le ramasser, permettant la réunification avec les siens.
Le lendemain de son retour, Jianjun et Xiaofen le conduisirent à son propre tombeau, afin de ne rien lui cacher de ce qu’ils avaient fait pour lui durant son absence. Ils étaient aussi un peu curieux, il faut le dire, de voir comment ce frère réagirait, découvrant qu’ils l’avaient rayé du nombre des vivants. A ce moment bizarre, ils virent le cadet s’agenouiller et faire ses dévotions devant ce monument érigé en son honneur. Ils l’interrogèrent, mais en vain : pas moyen de savoir si c’était la douleur ou la simple piété qu’il exprimait, ni si ce sentiment s’appliquait à sa propre destinée, ou bien à celle de l’inconnu enterré à sa place.
Était-ce pour calmer l’indignation publique face à leur énorme faute d’identification ? Toujours est-il que police et province firent merveille pour octroyer à Jixiang, en un temps record, un statut d’handicapé mental, et une place très convoitée en maison de retraite aux frais de l’Etat.
Il vit désormais dans le foyer de Baishi à courte distance de sa famille. Disposant de sa chambre, avec son lit en pin, son armoire et sa télévision, il a tout ce qu’il désire. Il ne parle toujours pas, mais a cessé de boiter. 300 yuans par mois de subvention suffisent pour ses repas. Lors des visites, les siens lui apportent son tabac.
Il passe ses jours avec les autres pensionnaires devant la TV, un jeu de mah-jong, ou bien de cartes. C’est un petit bonheur reconquis sur le tard. Sa vie est là, comme exemple au proverbe : « la survie dépend du ciel, mais le bonheur, de soi-même » (命由天定, 福自己球 – mìng yóu tiān dìng, fú zìjǐ qiú) !
14-16 décembre, Shanghai : FOOD and BEVERAGE Shanghai, Salon international de l’import/export de l’alimentation et des boissons
15-17 décembre, Shanghai : WINE Expo, Salon international du vin et des spiritueux,
19-21 décembre, Sanya, International Wireless Internet Conference
28-30 décembre, Canton : Guangzhou International GAS Application Technology and Equipement Expo, Salon international des équipements et technologies du gaz
12-15 janvier, Pékin FUR Fair China, Salon international de la fourrure et du cuir
Chers lecteurs,
En 1996, suite à la demande d’un homme d’affaires pour une information « cousue main » pour la communauté expatriée, nous lancions Le Vent de la Chine, une lettre d’abord émise par fax, au bénéfice d’une poignée d’entreprises…
… puis par email, en un format renouvelé au fil des années,
… et aujourd’hui via nos applications, sur vos smartphones !
Désormais, vous êtes des milliers à nous lire à travers la Chine, mais aussi en France, Belgique, Suisse, Canada et dans le monde entier.
Et pour cela, nous voudrions vous dire un grand merci, pour votre fidélité et votre intérêt durant ces 20 ans.
Nous en profitons pour vous souhaiter de joyeuses fêtes de fin d’année et une excellente année 2017 !
祝您节日快乐 !
Merry Christmas and Happy New Year !