Politique : Affaire Bo Xilai : le fils dévoile sa version

Affaire Bo Xilai : le fils dévoile sa version

C’est peut-être le plus gros scandale politique des deux dernières décennies en République Populaire de Chine. En 2011, un dénommé Wang Lijun, trouve refuge au consulat des Etats-Unis de Chengdu. Il s’agit en fait du chef de la police de Chongqing et le bras droit du leader de la ville-province, Bo Xilai. A l’époque, Bo était pressenti pour intégrer le pinacle du pouvoir, le Comité Permanent. Sauf que ces plans seront contrariés par les révélations de Wang : l’homme affirme que Bo aurait espionné les conversations du Président d’alors, Hu Jintao ainsi que celles d’autres dirigeants chinois, tandis que son épouse, Gu Kailai, parfois surnommée la « Jackie Kennedy chinoise », aurait fait empoisonner Neil Heywood, un « ami » de longue date de la famille. Le ressortissant britannique aurait notamment aidé leur fils, Bo Guagua, à poursuivre des études en Angleterre.

Pour ces affaires, Bo et Gu ont été condamnés à la prison à perpétuité en 2012 et 2013. Une sentence sévère interprétée par certains comme une purge politique à l’encontre d’un homme dont le charisme et l’éloquence devant les médias faisait de l’ombre à Xi Jinping. D’autres affirment que Bo aurait en fait comploté avec d’autres leaders du Parti et généraux de l’armée pour renverser Xi avant son arrivée au pouvoir.

Douze ans plus tard, l’affaire resurgit avec le mariage à Taïwan fin novembre du fils du couple, Bo Guagua. Le jeune homme, diplômé d’Harvard et installé aux Etats-Unis, n’est jamais rentré en Chine depuis l’incarcération de ses parents à la prison de Qingcheng, l’établissement pénitentiaire réservé aux dirigeants déchus. Il ne s’était d’ailleurs jusqu’à présent jamais exprimé sur l’affaire. Cependant, la publication sur les réseaux sociaux de vidéos de ses noces avec la petite-fille d’un leader historique du KMT (parti politique pro-Pékin), a poussé Bo à sortir de sa réserve pour défendre la mémoire de ses parents et donner sa version d’une affaire qui reste tabou en Chine.

Dans une longue tribune publiée sur son compte X (anciennement Twitter), Bo Guagua apporte quelques éléments intéressants. Quoique Bo ait suivi des études coûteuses dans les meilleures universités au monde, il dément toute accusation de corruption et de fortune cachée à l’étranger. « A l’époque, une armée d’enquêteurs méticuleux, peut-être des centaines, ont scruté tous les aspects de notre vie, mais n’ont jamais trouvé les milliards que mes parents auraient soi-disant détournés », clame-t-il. « Ma mère, avocate internationale de talent (…) était plus que capable de supporter notre train de vie (…). De plus, elle n’avait aucun intérêt à supprimer Heywood », ajoute-t-il, apparemment convaincu de son innocence.

Son père, lui, est jugé un peu plus durement. Bo Guagua lui reconnait trois torts. « Premièrement, son comportement a pu paraître arrogant, voire dominateur (…)». « Deuxièmement, il n’a pas su gérer la campagne de chants révolutionnaires lancée à Chongqing  (…). A l’origine, il pensait que les gens, après s’être enrichis matériellement, avaient besoin de s’enrichir spirituellement. Sauf que ce mouvement est vite devenu hors de contrôle ». « Troisièmement, il a choisi les mauvaises personnes pour s’attaquer au crime organisé (…).Wang Lijun, que l’on prenait pour un policier héroïque (…) n’était qu’un homme impitoyable et assoiffé de pouvoir ». Bo Guagua affirme même que Wang aurait maintenu sa mère sous soumission chimique pendant un long moment par peur qu’elle ne mette trop le nez dans ses affaires. Avant de conclure : « Tout ceux qui pensent que mon père n’avait pour seule ambition de consolider son pouvoir personnel, sont des crétins ignorants », tacle-t-il. « Envoyé depuis Pékin à Chongqing, tous les cadres locaux voulaient s’attirer ses faveurs. Si mon père était rentré dans leur jeu, tout aurait été plus facile, mais cela n’a pas été le cas ».

Plus étonnant, Bo Guagua aborde les relations entre sa famille et celle de Xi Jinping. « Nous n’avons jamais été en conflit (…). D’ailleurs, mon père a très tôt apporté son soutien inconditionnel à Xi et n’a jamais cherché à le concurrencer. Xi n’a rien à voir avec l’emprisonnement de mes parents », déclare-t-il. 

Bien sûr, nul ne peut réellement juger de la véracité de ces déclarations. Néanmoins, on peut s’interroger sur les motivations derrière ce plaidoyer : Bo Guagua, jeune marié, veut-il sauver sa réputation, se lancer en politique, ou pense-t-il réellement pouvoir alléger la peine de ses parents (âgés de 75 et 66 ans à ce jour), à la faveur d’un climat politique qu’il jugerait propice à sa cause ? Le mystère reste entier.

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1 Commentaire
  1. Nushi

    Personne ne peut être bien préparé a la venue de Trump car difficile de prédire ses actions…

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