Editorial : Une guerre commerciale qui commence à mordre

Partis du Golfe du Mexique et de la région de Seattle la semaine du 8 octobre, les vraquiers Star Laura et le Golden Empress débarqueront à Qingdao 135.000 tonnes de soja, malgré les 25% de taxes que la Chine a imposés en juillet, en rétorsion aux sanctions de D. Trump. En effet, ayant épuisé la totalité du soja en vente au Brésil et en Argentine, la Chine n’a plus d’autre choix que d’acheter l’oléagineux aux Etats-Unis…

Ailleurs en Chine, la guerre commerciale fait d’autres dommages. Depuis janvier, les bourses de Shanghai et de Shenzhen ont perdu 33%, grillant 3000 milliards de $ de valeur pour chuter (16 octobre) à 5336 milliards de $. Les firmes qui empruntaient aux banques en gageant leurs positions boursières, doivent revendre à perte. Selon Bloomberg, 613 milliards de $ de tels titres hypothéqués, sont menacés. A Hong Kong, la bourse a vu revendre en 8 jours pour 17 milliards de $ de titres chinois.

Standard & Poor’s évalue les dettes cachées des provinces à 5.780 milliards de $. La dette publique serait ainsi évaluée à 60% du PIB. S&P croit y voir « un iceberg de crédit, et un risque de naufrage à la Titanic ».

 Depuis janvier, la Banque Centrale chinoise a livré 492 milliards de $ aux banques d’argent frais. Pour Citigroup, cela signifie que la Banque Centrale a renoncé à désendetter les consortia publics et les provinces. La priorité désormais est de leur donner les moyens de poursuivre leurs projets d’infrastructures, telles ces dizaines de nouvelles lignes de métro à travers le pays. C’est le prix à payer pour sauver le maintien de la croissance à 6,5% cette année, et prévenir conflits sociaux et faillites en cascade.

Après avoir nié durant des mois l’internement d’un million de Ouighours en camps au Xinjiang, Pékin avalise leur existence (9 octobre), puis se lance (16 octobre) dans une offensive inédite d’ « explications » à la nation et au monde. Shohrat Zakir, Ouighour lui-même, Président du territoire autonome, qualifie ces camps de « centres de formation » (培训中心) et de « bouclier légal et humain contre le terrorisme ». Ils agiraient comme des écoles pour la minorité ouïghoure « et d’autres musulmans », leur enseignant langue et culture chinoise, civisme et différents métiers (couture, coiffure, cosmétique, cuisine régionale ou e-commerce). Ils auraient droit à repas gratuits, dortoirs climatisés, séances de cinéma et salles d’ordinateurs. « Une vie haute en couleurs », résume Zakir, reportage TV à l’appui, sans un mot toutefois sur leur liberté religieuse, ni sur les critères d’incarcération ou de remise en liberté.

D’ampleur historique, cette campagne reçoit ainsi sa tentative de justification, à 30 jours du meeting du Conseil des Droits de l’Homme à l’ONU, qui sera l’occasion pour les nations d’interpeller la Chine. Pour prévenir les critiques,  Pékin plaide l’urgence de barrer la route aux violences séparatistes en rééduquant et rectifiant les mentalités, en remplaçant dans les esprits l’extrémisme par le civisme et l’esprit patriote.

En même temps, sans donner de chiffres, le régime prétend poursuivre un effort important pour enrichir la région, « conformément aux directives du Comité Central avec le camarade Xi Jinping en son cœur ». Les quatre préfectures méridionales du Xinjiang seront « le champ de bataille » dans la lutte pour la croissance inclusive, tous leurs habitants devant avoir franchi d’ici 2020 le seuil officiel de pauvreté…

Mais peut-on changer la culture d’un peuple, et forcer malgré lui son entrée dans une ère nouvelle, sans son accord ni sa concertation ? En tout cas, une rumeur non confirmée circule : les camps pourraient durer des décennies jusqu’à ce que les reclus ait oublié leur Islam extrémiste. Une entreprise ambitieuse de reprogrammation d’un peuple, mais aux chances de succès aléatoires.

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