Le Vent de la Chine Numéro 33 (2020)
Cette année, les huit jours de congés du 1er au 8 octobre, combinant exceptionnellement la fête de la mi-automne et la fête nationale, ont permis de prendre la température de la vigueur de la relance économique post-Covid-19, mais aussi de l’efficacité de la stratégie sanitaire chinoise.
Et les résultats sont encourageants sur les deux tableaux. Les ventes de détails et la restauration ont atteint les 1 600 milliards de yuans durant les vacances, 4,9% de plus que lors de la saison 2019. Une bonne nouvelle pour le gouvernement qui espère réorienter son économie en donnant la part belle à la consommation domestique.
Découragés de s’envoler à l’étranger, les Chinois se sont repliés sur des destinations locales, telles que Pékin, Shanghai, Chengdu, Canton, Xi’an, et même Wuhan, simplement munis sur leur smartphone de leur code QR de santé, laissant souvent leur masque dans leur sac. À Lhassa (Tibet), les réservations d’hôtels ont été multipliées par six, tandis qu’à Hainan, les ventes en duty-free ont plus que doublé par rapport à 2019. Habituellement plébiscitée, Hong Kong n’a pas vu l’ombre d’un visiteur venu du continent cette année, le Guangdong voisin exigeant que la RAS atteigne les zéro cas pour rouvrir la frontière aux touristes. Au total, 637 millions de voyages ont été enregistrés, générant 466,5 milliards de yuans de revenus. Cela représente une baisse respective de 21% et 30% par rapport à l’an dernier, reflétant une part non négligeable de foyers ayant choisi de ne pas voyager, par agoraphobie, incertitude économique ou par peur du virus…
Officiellement, plus aucun cas de transmission locale n’avait été recensé depuis le 15 août. « Nous avons pratiquement stoppé la circulation du virus sur le territoire, voyager en Chine est donc sûr », commentait Wu Zunyou, épidémiologiste en chef au CDC. « Il faudra tout de même attendre une dizaine de jours après la fin des vacances pour s’assurer que le virus n’a pas circulé parmi les touristes », précisait-il. Et justement, le 13 octobre, 13 cas ont été dépistés à Qingdao, apparemment causés par la mauvaise désinfection d’une salle de scanner d’un hôpital chargé du traitement des deux manutentionnaires de produits importés qui avaient testés positif à la Covid-19 deux semaines plus tôt. Les autorités ont alors mis en œuvre leur arsenal habituel : traçage des contacts, confinement localisé, dépistage de la ville entière (soit 9 millions d’habitants en cinq jours), et limogeage des cadres responsables (le directeur de la commission municipale de santé et le directeur de l’hôpital en question). « La Chine doit rester sur ses gardes pour prévenir toute réintroduction du virus par des voyageurs internationaux ou des produits surgelés importés », avertissait Wu Zunyou. « L’idée est d’éteindre la flamme en moins d’un mois », ajoutait le Dr Zhang Wenhong. Pour ce qui est de la réouverture de la Chine sur le monde, « elle dépendra entièrement des vaccins qui devraient être disponibles d’ici un ou deux ans », précisait le médecin. Ils seront le gage d’un retour complet à la normale.
A ce propos, après avoir longuement hésité, la Chine a finalement annoncé le 9 octobre, date butoir d’adhésion, être le 169ème pays à rejoindre COVAX. Cette initiative lancée par l’OMS vise à distribuer aux pays pauvres 2 millions de vaccins d’ici la fin de 2021 et à vacciner en priorité les personnels de santé et les travailleurs sociaux de chaque pays, soit 3% de leur population en moyenne. Une proportion amenée à évoluer à 20% une fois que les doses suffisantes seront disponibles.
Malgré le manque de détails sur les engagements chinois et la contribution financière consentie, la Chine tient donc sa promesse de faire d’un futur vaccin chinois un « bien de santé publique », en un saisissant contraste avec les Etats-Unis de Donald Trump qui préfèrent faire cavalier seul. Quatre vaccins chinois sont actuellement en dernière phase d’essais cliniques : celui de Sinopharm serait prêt d’ici la fin de l’année. La firme accepte d’ailleurs déjà les réservations des étudiants et professionnels en partance pour l’étranger et désireux de se faire vacciner au prix de 2600 yuans les deux doses. Au total, la Chine aurait la capacité de produire 610 millions de doses d’ici fin 2020, et 1 milliard en 2021.
Avant de rejoindre COVAX, la Chine avait également promis d’envoyer des vaccins aux pays qui ont accueillis les essais cliniques chinois (Brésil, Serbie, Émirats Arabes Unis, Pakistan…), à certains de ses voisins (Philippines, Cambodge, Vietnam, Laos…) ainsi qu’à plusieurs nations africaines et sud-américaines – l’écrasante majorité de ces partenaires étant également bénéficiaires de l’initiative COVAX. Ce faisant, la Chine espère renforcer ses alliances diplomatiques, s’attirer la bienveillance, mais aussi améliorer sa réputation, au plus bas historique dans 9 des 14 pays sondés par l’institut Pew, dont les USA, l’Australie, le Canada, la Suède, l’Allemagne, l’Espagne et la Corée du Sud. Son image s’est également détériorée en France, avoisinant le niveau de 2008… C’est donc un coup de poker que tente la Chine, qui compte bien remporter la course mondiale au vaccin, concilier ses engagements COVAX avec ses promesses bilatérales, et surtout redorer son blason à l’international.
Surprise lors de la 75ème assemblée générale des Nations Unies le 22 septembre : le Président chinois annonçait pour son pays un engagement de neutralité carbone à l’horizon 2060. Moins épatant, Xi Jinping révélait également que la Chine atteindrait son pic d’émissions à 10,2 milliards de tonnes de CO2 « avant » 2030 (au lieu de « autour ») – une déception pour les Européens qui estiment la Chine capable d’avancer cette échéance à 2025.
Le Président Xi aurait pu choisir de dévoiler les engagements chinois lors d’une déclaration commune avec l’UE durant leur sommet en vidéoconférence qui a eu lieu deux semaines plus tôt. Il a toutefois préféré le faire unilatéralement à la tribune virtuelle de l’ONU, lui permettant d’infliger un camouflet au climatosceptique Président Trump qui accuse la Chine de tous ses maux, et d’envoyer un message positif à son adversaire démocrate Joe Biden qui a promis que les États-Unis réintégreraient l’Accord de Paris (COP21) s’il était réélu le 3 novembre.
La portée de la déclaration du Président Xi, qui ne faisait plus de référence à la Chine comme « un pays en voie de développement », est bien sûr éminemment symbolique : hier encore vilipendée pour son médiocre bilan en matière de lutte contre la pollution, évasive sur les questions climatiques et désignée responsable de la débâcle de la COP15 à Copenhague en 2009, la Chine, premier pays émetteur de CO2 au monde (28,8% des émissions globales) est devenue aujourd’hui n°1 mondial dans le solaire et l’éolien, premier producteur de véhicules électriques, et convoite le leadership en matière climatique. Et ce, malgré son addiction au charbon…
Depuis cette annonce retentissante, les experts sont partagés : en faisant cette promesse de neutralité carbone, Xi Jinping, qui aura passé les rênes du pouvoir bien avant 2060, ne laisse-t-il pas la question climatique aux générations futures ? Le gouvernement prendra-t-il des décisions radicales dans son prochain plan quinquennal (2021-2025), dont les grands traits devraient être dévoilés à la fin de ce mois, avant d’être adopté lors la prochaine session parlementaire en mars 2021 ? Dans l’immédiat, la transition énergétique va-t-elle être reléguée au second plan au profit de mesures de relance de l’économie post-Covid-19 ? Exempte-t-elle la Chine de financer 240 projets de centrales à charbon conventionnelles dans 25 pays adhérant à son initiative BRI pour 50 milliards de $ ? Surtout, comment la Chine pourrait-elle réussir son pari sans renoncer à la construction massive de nouvelles centrales à charbon (97,8 GW en cours et 151,8 GW en préparation), en plus de ses 1040 GW déjà installés ?
« Aujourd’hui, cet objectif ressemble un peu à de la science-fiction », commentait Li Shuo responsable du climat et de l’énergie à Greenpeace Chine. « Notre manière de produire, de consommer de l’énergie, de nous alimenter, de nous déplacer, l’ensemble de notre mode de vie devra être complètement réarrangé ». « La transformation requise est gargantuesque et les investissements nécessaires sont colossaux », renchérissait Varun Sivaram, chercheur à l’université Columbia. Pour que ces rêves deviennent réalité, le gouvernement pourrait avoir à dépenser plus de 15 000 milliards de $ sur 30 ans, selon le chercheur He Jiankun.
Cinq jours après l’annonce de Xi Jinping à l’ONU, le 27 septembre, l’institut de l’énergie, de l’environnement et de l’économie de l’université Tsinghua, qui travaille en étroite collaboration avec le ministère de l’Environnement, dévoilait certains détails d’un plan de route énergétique sur trois décennies, en cours d’élaboration par les meilleurs experts du pays. Le schéma ambitionne d’augmenter de 5% d’ici 2025 la part des sources d’énergies non fossiles (solaire, éolien, nucléaire, hydro…) dans son mix énergétique pour atteindre les 20%, cinq ans plus tôt que prévu. Selon les calculs de Bloomberg, cela signifierait que ces énergies alimenteraient 42% du réseau chinois – 10% de plus qu’aujourd’hui. Puis, entre 2025 et 2060, l’énergie générée par l’éolien (+346%) et le nucléaire devrait presque quadrupler (+382%), voire être multipliée par six dans le cas du solaire (+587%) ! La Chine vient d’ailleurs d’annoncer le raccordement de la plus grande ferme solaire du pays (2,2 GW), construite en quatre mois dans le Qinghai. En parallèle, elle développe des lignes très haute-tension à courant continu pour pouvoir transférer l’énergie renouvelable produite dans la Chine de l’Ouest vers la Chine côtière où se situent les besoins, et développe des technologies de production propre d’hydrogène qui pourraient être un bon moyen de gérer l’intermittence des renouvelables.
Si la Chine a déjà démontré qu’elle est capable d’accomplir d’immenses chantiers d’infrastructures, réussir à atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2060 dépendra essentiellement du sort qu’elle réservera au charbon. Selon le plan, sa part dans le mix énergétique chinois devrait être réduite à 52% en 2025, contre 57,5% actuellement. La bataille contre le charbon débutera donc véritablement après 2035, lorsque la demande totale du pays en énergie commencera à décliner. L’objectif est de se débarrasser complètement du charbon pour sa production électrique autour de 2050. Pourtant, c’est uniquement à cette échéance que les dizaines de centrales en cours de construction aujourd’hui seront rentabilisées. Et la tendance s’accélère : selon le Global Energy Monitor (GEM), entre janvier et juin cette année, les gouvernements locaux auraient encore approuvé près de 17GW de nouveaux projets dans l’espoir de relancer leurs économies impactées par l’épidémie – c’est plus que les 24 derniers mois cumulés.
Ainsi, atteindre la neutralité carbone en 2060 semble irréaliste si l’État décide de poursuivre ces chantiers qu’il avait fini par réautoriser sous pression des lobbies, malgré les surcapacités notoires : en 2019, les centrales thermiques ne fonctionnaient en moyenne qu’à 49% de leur capacité. En un effort d’optimisation et de restructuration du secteur, le gouvernement provincial du Shanxi vient d’ailleurs de révéler le regroupement de quatre mammouths du charbon autour du groupe Jinneng, une fusion impliquant des trillions de yuans d’actifs et des milliers d’employés.
Cependant, il faudra une réelle volonté politique au plus haut niveau pour se distancier du charbon, dont le lobby est particulièrement puissant dans certaines provinces, et proposer des relais de croissance dans ces régions qui ont déjà souffert et perdu des centaines de milliers d’emplois ces dernières années, souvent dans la guerre contre la pollution de l’air. « Il faut absolument freiner l’expansion du charbon dès à présent. Chaque nouveau kilowatt de capacité installée aujourd’hui sera un poids supplémentaire après 2030 », a déclaré le 28 septembre Yuan Jiahai, professeur à l’université de l’Énergie du Nord de la Chine (Pékin). « Il est également nécessaire de placer le marché au centre de la transition énergétique et de sevrer le secteur des énergies renouvelables des subventions de l’État au cours des cinq prochaines années ».
Il ne faut pas non plus oublier que la neutralité carbone implique pour tous les pays de réduire les émissions nettes à zéro, c’est-à-dire ne pas relâcher dans l’atmosphère plus de CO2 que ce qui peut être absorbé, notamment grâce aux « puits » naturels de carbone (forêts, prairies…). Or certaines industries sont particulièrement difficiles à décarboniser, comme la production d’acier, de ciment, le transport aérien, la pétrochimie… Dans ces conditions, la Chine n’aura d’autre choix que d’avoir recours à des technologies de captage, d’utilisation et de stockage de CO2 (CCUS), qui pourraient potentiellement équiper ses nouvelles centrales à charbon. Yang Xiaoliang, expert à l’institut des ressources mondiales (WRI), préconise d’intégrer dans le 14ème plan quinquennal des incitatifs aux entreprises à développer de tels systèmes, déjà expérimentés en Chine, mais jamais déployés à large échelle. Sous cet angle, investir massivement dans les CCUS pourrait être un moyen pour la Chine d’inventer sa propre trajectoire énergétique, lui permettant de réduire ses émissions sans abandonner le charbon. Reste à savoir si le coût énergétique associé à ces technologies ne nécessitera pas plus d’énergie que celle récupérée lors de la combustion du charbon …
Au final, force est de constater que la politique énergétique chinoise n’est aujourd’hui pas alignée avec l’objectif d’une neutralité carbone d’ici 40 ans. Même si on peut légitimement se demander comment la Chine va s’y prendre pour tenir cette promesse, dont l’annonce semble avoir pris certaines administrations par surprise, il ne faut en tout cas pas sous-estimer la détermination et la capacité de la Chine à porter des politiques ambitieuses sur le long-terme, même si celles-ci suscitent des résistances en interne ou ne sont pas populaires auprès de la population …
Auprès du grand public, l’annonce de la neutralité carbone dans 40 ans n’a pas suscité l’engouement attendu. Sur Weibo, la nouvelle, essentiellement relayée par les médias officiels, n’a intéressé que 1,32 million d’utilisateurs. La « Greta Thunberg » chinoise, Howey Ou (cf photo), n’a pas été impressionnée : « même si cet objectif est la première promesse chinoise sur le long terme, atteindre un pic de ses émissions avant 2030 n’est pas suffisant. Il faudrait que la Chine abandonne ses projets de construction de centrales à charbon ». Trois jours plus tard, la jeune militante de 18 ans était détenue par la police pour avoir entrepris trois heures de « résistance silencieuse » dans un quartier fréquenté de Shanghai… Le reste des internautes chinois s’est contenté de saluer l’engagement de leur patrie pour le climat. « Seule la Chine se mobilise. Les autres pays continuent de polluer comme ils l’entendent, et viendront gâcher tous nos efforts à la fin. C’est déjà un peu le cas durant cette pandémie… », commentait l’un d’entre eux. « 2060 ? Qui peut prédire ce qu’il se passera dans les 40 prochaines années ? », questionnait un autre.
Hortense Hallé-Yang, spécialiste des thématiques environnementales au sein d’un think-tank basé à Pékin, explique cet apparent désintérêt : « l’annonce de Xi Jinping à l’ONU visait une audience internationale avant tout, tandis que la communication à propos des efforts du gouvernement chinois en matière de pollution de l’air, de l’eau et des sols, sont principalement destinés à sa population ». Les statistiques du réseau social Weibo reflètent cette distinction : les sujets concernant la qualité de l’air ont été consultés 1,9 milliard de fois, contre seulement 180 millions pour le changement climatique. De la même manière, certaines ONG ont été autorisées à participer à la lutte contre la pollution de l’air, mais sont tenues à l’écart des discussions portant sur le réchauffement climatique. Si les Chinois sont bien conscients du phénomène et soutiennent l’action de leur gouvernement, le réchauffement de la planète leur est davantage présenté comme une menace mondiale, sans lien direct avec leur quotidien… Pourtant, cet été encore, la Chine a été très sévèrement touchée par les inondations, la sécheresse et d’autres fléaux liés au dérèglement climatique.
Dans ses vidéos-live, Lhamo (拉姆) vloggeuse tibétaine de 30 ans vivant dans la région montagneuse d’Aba (Sichuan), n’avait rien laissé transparaître de son calvaire à ses 720 000 abonnés. La jeune femme était pourtant victime de violences conjugales depuis près de 10 ans.
L’enfer commenca après son mariage avec un dénommé Tang, qu’elle fréquentait depuis ses 17 ans. Les violences s’ intensifièrent après le décès de la mère de Lhamo en 2012, la seule dans la famille ayant le courage de la défendre, son père étant malade. En mai dernier, au cours d’une énième dispute, son mari lui cassa le bras. Lhamo quitta alors le domicile conjugal et demanda le divorce. Mais son époux ne l’entendit pas de cette oreille et menaça de tuer l’un de leurs deux enfants, dont il avait obtenu la garde, si elle ne revenait pas. Elle lui céda donc… pour mieux le quitter un mois plus tard. Bien décidé à prendre sa revanche, son ex-mari s’introduisit chez elle le 14 septembre, la poignarda, l’aspergea d’essence puis l’immola en pleine séance de live-streaming sur Douyin. Conduite à l’hôpital avec des brûlures couvrant 90% de son corps, elle décéda le 30 septembre. Lhamo avait pourtant sollicité l’aide des policiers à maintes reprises depuis 2019, mais ces derniers n’avaient rien fait d’autre que de sermonner Tang, considérant cette affaire d’ordre « familial ».
La nouvelle de sa mort dans ces circonstances tragiques, vue plus de 420 millions fois sur Weibo, a déclenché une vague d’indignation, semblable à celle ressentie après l’annonce en mai dernier qu’une période obligatoire de réflexion de 30 jours avant tout divorce serait intégrée au nouveau code civil pour freiner le nombre grandissant de séparations. Les internautes réclament qu’une enquête sur l’inaction des policiers soit ouverte et que la peine de mort soit prononcée à l’encontre de l’ex-mari, actuellement en détention pour homicide volontaire. « Combien de femmes devront encore mourir avant que le gouvernement ne fasse quelque chose ? », écrivait un utilisateur. « Quand notre pays va-t-il cesser de considérer la famille comme la plus petite unité de notre société au lieu de l’individu lui-même ? Quand les droits de la personne la plus vulnérable d’une cellule familiale seront-ils véritablement protégés ? », s’indignait un internaute. Le mouvement a pris une telle ampleur que les censeurs ont bloqué le hashtag revendiquant une nouvelle loi contre les violences domestiques au nom de Lhamo (#拉姆法案#, lāmǔ fǎ’àn) qui accorderait automatiquement le divorce lorsque l’un des époux menace verbalement ou physiquement son conjoint.
Une loi existe pourtant depuis mars 2016, point culminant de deux décennies d’efforts. Elle accorde aux policiers le droit d’émettre des avertissements écrits, mais aussi aux tribunaux celui de décréter des mesures d’éloignement du conjoint violent. En 2019, 2 004 injonctions ont été ordonnées par la justice – presque trois fois plus qu’en 2016. Rien n’est par contre prévu pour les femmes déjà divorcées comme Lhamo… Si les affaires de violence dans les grandes villes sont en général plus médiatisées, les drames dans des zones rurales sous-développées sont plus nombreux. « En raison de différents facteurs économiques et culturels, il est plus difficile pour ces femmes de s’échapper de relations abusives en campagne », explique Ding Dang, militante pour les droits de la Femme à Shenzhen.
Selon la Fédération des Femmes, près de 30% des épouses ont déjà été (ou sont) victimes de violences domestiques – soit 90 millions – tandis que 95 000 femmes se suicident chaque année pour échapper à leurs souffrances. En moyenne, elles n’appellent la police qu’après avoir été violentées 35 fois… Et lorsqu’elles le font, elles sont ignorées par les forces de l’ordre dans 80% des cas. Depuis l’entrée en vigueur de la loi contre les violences domestiques en 2016, 1 214 décès ont été recensés, selon l’ONG Weiping. Cela signifie qu’en moyenne trois féminicides ont lieu tous les cinq jours en Chine.
Ces résultats décevants s’expliquent par différents facteurs : il y a d’abord la perception que la violence domestique est une affaire familiale, et que souvent les victimes l’ont d’une certaine manière mérité… Ensuite, un bon nombre de victimes ne savent pas qu’une loi existe, et même lorsqu’elles le savent, elles doutent que la loi soit appliquée ou craignent des représailles. Celles qui ont le courage de saisir la justice ne savent pas quelles procédures entreprendre, ignorent qu’elles doivent apporter la preuve de la violence subie. Elles n’ont enfin aucune assurance d’obtenir gain de cause, les tribunaux ayant pour consigne de préserver autant que faire se peut l’unité du couple. Dans le Henan, une femme en a fait la tragique expérience : en août 2019, elle s’était défenestrée pour échapper à son époux violent. Elle s’en est sortie vivante, mais paraplégique. Ce drame n’a toutefois pas suffi au tribunal pour lui accorder le divorce : « sa paralysie résulte de son comportement suicidaire et non pas des abus de son mari , qui lui ne souhaite pas divorcer ». Sous pression du public, elle a fini par obtenir la dissolution de son mariage un an plus tard… On le voit, tant que « l’harmonie familiale » primera sur la protection des victimes et que les mentalités ne changeront pas, même un arsenal législatif ne suffira pas à lutter contre ce fléau.
Aux habitants de Bannière du Vieux Barag (Mongolie-Intérieure) en juillet 1993, 15 jours après le verdict, Batumenghe offrit une scène de grand théâtre. Allongé sur une carriole, avec sa mère et son oncle à ses côtés pour l’assister, il se rendit à l’hôpital de Hulunbuir (le chef-lieu de district), attendu sur le perron par un médecin, stéthoscope autour du cou, et le directeur sorti exprès pour l’accueillir. L’auscultation eut lieu dans la chambre qui lui avait été réservée, puis le diagnostic se répandit comme une traînée de poudre à travers la ville : le pauvre jeune souffrait d’une forme aiguë d’œdème à l’abdomen, aggravé par des pertes de sang dans les urines.
Dans ces conditions, le mettre en prison n’était plus envisageable dans l’immédiat. Ainsi en attestèrent par écrit l’oncle – secrétaire du Parti du village, le directeur de l’hôpital, le président du tribunal, le procureur de la République et une brochette d’autres huiles de la nomenklatura locale. Batumenghe obtint donc la rarissime dispense de détention, tout en passant sa convalescence à l’hôpital, dorloté par les infirmières et requinqué aux petits plats de sa mère et d’un traiteur de la ville. Une fois sorti, de retour au bercail, il n’avait plus qu’à se faire oublier, garder profil bas et se présenter tous les six mois au commissariat.
Les premières années, le jeune homme mena donc cette vie retirée, sortant avec modération avec ses copains, et se livrant en autodidacte – pour combattre l’ennui- à des études à la maison pour compenser son interdiction de facto d’aller à l’université -faute d’avoir pu passer son gaokao (baccalauréat).
Il devait cependant toujours rester sur ses gardes : Han Bei, la mère du copain qu’il avait occis en la fatale nuit de beuverie, ne ratait pas une occasion de dénoncer son crime et de raconter à qui voulait l’entendre toute l’affaire, avec profusion de détails. Chez cette femme, la police tolérait l’esclandre, la mettant sur le compte de la douleur, sauf quand elle dépassait les bornes, en accusant de complaisance, collusion ou corruption tel ou tel cadre qui avait signé le sursis médical. Alors, le rond de cuir incriminé se plaignait, forçant la police judiciaire à la coffrer pour lui rappeler le respect des convenances. Han Bei passait la nuit en cellule individuelle, avant d’être relâchée le lendemain matin.
Il faut bien le dire, la pauvre femme avait des raisons de se plaindre. L’entourloupe judiciaire qui avait évité la prison au jeune meurtrier de son fils avait été suivie deux ans plus tard par l’abandon de son mari, qui ne supportait plus « cette région sauvage protégeant les assassins pourvu qu’ils soient haut placés ». Ce père déboussolé s’était ainsi résolu à retourner dans son Hebei natal. Mais Han Bei elle, s’accrochait et résistait, prétendant rester quoiqu’il en coûte, jusqu’à ce qu’elle obtienne justice.
Et comme un malheur n’arrivait jamais seul, Bai Yongle, leur fils aîné devait succomber à son tour des suites d’une longue maladie. Ainsi la mère demeurait-elle sur cette terre inhospitalière, pour mener seule sa charge contre les moulins à vent, remâchant amèrement sa patience et sa rage.
Batumenghe lui aussi attendait le grand jour : en mai 2017, accompagné de sa mère promue présidente du planning familial local, il se présenta à la prison pour obtenir son certificat de levée d’écrou. Une fois en main le papier contresigné par le directeur et le président du tribunal, il pouvait refaire surface. Il prit alors un emploi de comptable – histoire de faire connaissance avec le monde du travail, et de pouvoir fleurir son CV d’activités au service du peuple. C’était ainsi créer le tremplin de son avenir : à 34 ans, en janvier 2009, il sollicita son admission au Parti. Dans la lettre de motivation comme dans le formulaire d’adhésion, il omettait de préciser sa condamnation.
Accueilli à bras ouverts par ses pairs, Batumenghe était prêt à mettre les bouchées doubles pour rattraper tambour battant ces 15 ans d’exil à la maison. Dès septembre, il se faisait élire (à coup d’enveloppes bien remplies de billets roses) maire de Bannière du vieux Barag, et par-dessus le marché membre du Parlement mongol. Trois ans plus tard, il arrivait à Pékin, promu député à l’Assemblée nationale populaire.
Dès lors, les jacasseries de la vieille Han Bei ne lui importaient plus guère : il en entendait le bruit comme la rumeur affaiblie des vagues dans le lointain. Le discours était usé, et le disque rayé ne lui semblait pas porteur du moindre danger : la pauvre femme avait perdu la boule. Certes, il le savait, d’autres parmi les administrés, ricanaient que sa condamnation n’avait été que punition « sur le papier ». Mais à ses yeux, de telles calomnies ne l’empêchaient pas de dévorer la vie « à crocs de loup et de tigre » (lángtūnhǔyàn, 狼吞虎咽), et rien d’autre n’importait !
Mardi 20 octobre à 20h10 (heure chinoise) : Fenêtre sur Chine : » Yin-Yang, clef de sol du penser chinois » par Cyrille J.-D. JAVARY.
Inscription gratuite : Envoyez votre nom, prénom et adresse email à fenetresurchine@gmail.com
10-12 octobre, Shanghai : CBME – Children Baby Maternity Expo, Salon international de l’enfant, du bébé et de la maternité
10-13 octobre, Shanghai : DMC – Die & Mould China,Salon international des technologies pour les moulistes et les plasturgistes
11-13 octobre, Pékin: AIFE – Asian International Food & Beverage Expo,Salon international de l’agroalimentaire
12-14 octobre, Shanghai : AGROCHEMEX, Salon de la protection contre les maladies des plantes
13-15 octobre, Canton : CIAME – China International Automobile Manufacturing Exposition, Salon chinois de l’automobile et forum mondial de l’innovation, de la technologie, de l’équipement et de l’industrie manufacturière automobile
13-15 octobre, Canton : GAS 2020 – Guangzhou International Gas Application Technology and Equipment Expo,Salon international des technologies et équipements liés au gaz
14-16 octobre, Nanjing : China-Pharm & API China, Salon chinois de l’industrie pharmaceutique
14-16 octobre, Shanghai : Texcare Asia, Salon international de l’industrie de la blanchisserie
15-17 octobre, Yantai : CINE – China International Nuclear Power Industry Expo,Salon chinois international de l’industrie nucléaire
15-18 octobre, Taizhou (Zhejiang) : PEC – China Plastics Exhibition and Conference, Salon professionnel et conférence sur l’industrie du plastique
18-21 octobre, Foshan : CERAMBATH,Salon international de la céramique et des sanitaires
19-22 octobre, Shanghai : CMEF – China Medical Equipment Fair, Salon chinois international des équipements médicaux
20-22 octobre, Shanghai : FBIE – Food & Beverage Import and Export Fair,Salon international pour l’import-export d’aliments et de boissons
20-30 octobre, Shanghai : China Aid,Salon professionnel des soins aux personnes âgées, de la rééducation et des soins de santé
21-23 octobre, Shanghai : China Toy Expo,Salon international chinois du jouet et des ressources pédagogiques préscolaires
22 – 24 octobre, Tianjin: China Mining Congress & Expo,Salon et congrès chinois de l’industrie minière
24 oct.à Pékin, 27 oct. à Chengdu, 29 oct. à Canton et 31 oct. à Shanghai: CEE-China Education Expo,Salon international de l’éducation et des formations supérieures
28 – 31 octobre, Shanghai : Music China,Salon international des instruments de musique et des services
29 – 31 octobre, Qingdao : CIAME,Salon asiatique des machines agricoles
30 octobre – 1er novembre, Pékin :ILOPE,Salon chinois international de l’industrie de l’optoélectronique et de la photonique
3 – 6 novembre, Shanghai : CEMAT Asia, Salon des matériels de manutention, des techniques d’automatisation, de transport et de logistique