Le Vent de la Chine Numéro 28 (2020)
Après l’épidémie de Covid-19, voilà que des inondations (水患, shuǐhuàn) font des ravages dans le sud de la Chine, du Yunnan à l’ouest au Zhejiang à l’est. Au 10 juillet, elles avaient déjà affecté 33,8 millions de personnes à travers 27 provinces et emporté 141 vies selon le bilan officiel. Les dégâts s’élèveraient à 69 milliards de yuans (8,7 milliards d’euros). Chaque été, les régions traversées par le Yangtsé (le plus long fleuve d’Asie, et le 3ème plus long au monde avec 6380 km) sont vulnérables aux crues, une situation aggravée par la déforestation, l’assèchement des zones humides ainsi que le détournement de rivières à des fins d’irrigation ou de production d’électricité.
Les premières semaines de juin, les médias officiels ont été particulièrement discrets sur le sujet… Un silence qui n’a pas échappé aux internautes : « le magazine Caixin est le seul à nous donner des détails sur la situation » écrivait l’un d’entre eux. « Depuis quand nos médias sont-ils plus préoccupés par l’actualité américaine que par la nôtre ? », ironisait un autre. Cependant, cette tentative de minimiser la situation pour ne pas aggraver le climat morose actuel, a échoué. Des vidéos de ponts emportés par les flots, d’habitants bloqués sur le toit de leur maison ou d’élèves cherchant à rejoindre le centre d’examen du Gaokao en kayak, ont vite fini par submerger la toile. Même de vieilles rumeurs sont remontées à la surface, comme celle voulant que le barrage des Trois Gorges soit déformé et sur le point de céder. « De pures fabrications… Le barrage est équipé de capteurs permettant de signaler la moindre anomalie avant même qu’elle ne soit visible à l’œil nu », démentait un haut cadre. « Encore un coup des nationalistes taïwanais », soupçonnait un influent blogueur chinois… Mis en production en 2006, le plus grand barrage au monde, situé à Yichang (Hubei), est censé prévenir les crues sur les bas et moyen cours du Yangtsé grâce à son gigantesque réservoir de 175 m de haut, capable de retenir 39,3 milliards de mètres cubes d’eau. Pour la première fois de l’année le 29 juin, il ouvrait deux de ses portes d’écoulement pour décharger le volume d’eau accumulé (35 000 m3 par seconde), anticipant de nouvelles précipitations.
En aval, Wuhan a les pieds dans l’eau. La promenade le long du fleuve a été fermée, ce qui n’a pas empêché d’intrépides nageurs de braver l’interdit (cf photo). Les autorités s’attendent à ce que le niveau d’eau au port de Hankou atteigne 29,2 m le 16 juillet, soit 23 cm en dessous du niveau enregistré pendant les dévastatrices crues de 1998, ayant causé la mort d’au moins 3 000 personnes et laissé 14 millions sans feu ni lieu. Depuis lors, le pays a déployé énormément de ressources pour réguler le débit des eaux le long du fleuve bleu. Cela peut expliquer des coûts humains et économiques pour l’instant deux fois moindres par rapport aux cinq dernières années. Pourtant, il reste beaucoup à faire : dans le Jiangxi, près de 90% des digues sont « à risque ». De plus, les opérations d’évacuation laissent encore à désirer. Selon Ma Jun, directeur d’un institut indépendant surveillant les rivières du pays (l’IPE), « la Chine a été capable de construire des réservoirs et des barrages géants. Désormais, elle devrait réfléchir à l’urbanisme de ses villes afin de les transformer en « éponges » capables d’absorber les pluies. Elle mitigerait ainsi les risques croissants à long terme [comme le réchauffement climatique] ».
Pour les régions particulièrement touchées par l’épidémie comme le Hubei et le Hunan, ces crues sont un coup dur porté à la reprise économique. À l’instar de l’ex-Premier ministre Wen Jiabao, géologue de formation et toujours sur le terrain en cas de désastre, le Premier ministre Li Keqiang faisait finalement le déplacement dans le Guizhou (6 et 7 juillet), province pauvre spécialisée dans les « big data » et touchée par les intempéries. En visite dans un village, il a rappelé aux cadres les instructions du Président Xi, à savoir leur obligation de remplir leurs objectifs anti-pauvreté une fois les crues passées. Après sa déclaration fracassante à Yantai à propos des vendeurs ambulants, Li faisait à nouveau preuve d’une certaine liberté de ton : « j’ai vu beaucoup de manufactures qui tournent au ralenti. Les entreprises ne devraient pas uniquement compter sur les exportations, et employer davantage de travailleurs migrants ». Entamant les 24 derniers mois de son mandat, il faut s’attendre à de nouvelles déclarations moins en phase avec la ligne officielle de la part du Premier ministre… Dans la même veine, une notice gouvernementale encourageait les 8,74 millions de jeunes diplômés à « retourner dans les campagnes » pour y apporter leur contribution. On le sent, en période de crise, tous les moyens sont bons pour revitaliser l’économie et lutter contre l’instabilité, même remettre au goût du jour des méthodes maoïstes… Reste à voir si le dicton selon lequel « les calamités peuvent régénérer une nation » ( 多难兴邦 , duōnàn xīngbāng ) dit vrai !
Quiconque ayant déjà voyagé dans les campagnes chinoises a dû être frappé par ces immeubles résidentiels « poussant » au milieu de nulle part. Loin d’être des projets immobiliers fantômes, ils ont été construits dans le cadre de la campagne de « consolidation des villages » (合村并居, hécūn bìngjū).
Introduite à la fin des années 2000 dans une vingtaine de provinces, elle consiste à inciter « les paysans à monter à l’étage » ( 被逼农民上楼), c’est-à-dire à abandonner leurs vieilles maisons contre une compensation financière leur permettant d’acheter un appartement neuf ailleurs. Cette politique a pour objectif de rassembler plusieurs villages isolés et dispersés géographiquement en une seule communauté, et ainsi offrir à ces populations « laissées pour compte » une meilleure qualité de vie, un logement digne de ce nom, un meilleur accès aux soins et à l’éducation.
En échange, les gouvernements locaux rasent leurs habitations, puis revendent ou échangent les terres contre des permis de construire… En effet, un système de quotas fonciers lancé en 2006 par le ministère des Terres et des Ressources oblige les gouvernements locaux à « libérer » des terres cultivables s’ils veulent bâtir en zone urbaine – un mécanisme censé freiner une urbanisation galopante ayant fait perdre à la Chine 26 millions d’hectares (400 millions de mu) de terres arables, dont le pays manque déjà cruellement. En effet, en deux décennies, le taux d’urbanisation a grimpé de 30%, pour atteindre les 60,2% fin 2019. [À titre de comparaison, il est de 80% en France]. Grâce à ce dispositif de quotas, plus de 5,3 millions d’hectares (80 millions de mu) ont été « récupérés » ces dix dernières années. Mais c’est encore insuffisant…
En juin, l’ampleur et la férocité de cette campagne de « consolidation » dans la province du Shandong (décidément au cœur de l’actualité) a attiré l’attention de la nation entière après plusieurs plaintes de paysans sur internet. Une médiatisation dont se seraient bien passées les autorités provinciales…
Selon les données officielles, le Shandong est la plus large province agricole du pays et la troisième en termes de PIB. Elle comptait 74 000 villages en mars 2019. Ils n’étaient plus que 69 500 en juin 2020. À terme, 19 500 autres villages seront détruits, pour n’en conserver que 50 000. Chaque hameau étant en moyenne peuplé de 560 habitants (une densité parmi les plus basses du pays), cela voudrait dire qu’environ 11 millions de personnes verraient leurs maisons détruites si cette campagne est menée à bien, soit presque un paysan du Shandong sur cinq. Le chantier pharaonique du barrage des Trois Gorges avait lui conduit au déplacement de 2 millions de personnes.
Ces derniers mois, ils ont été nombreux à apprendre la destruction programmée de leur village du jour au lendemain, les cadres ne leur laissant que très peu de temps pour signer l’accord de démolition de leur habitation. Pour accentuer la pression, les familles qui n’ont pas accepté tout de suite les termes du dédommagement financier ont été moins bien indemnisées ensuite… Celles qui s’y sont opposées racontent avoir été délogées de force, les cadres ayant coupé l’électricité ou l’eau courante – des tactiques souvent employées lors de « réquisitions ». La mort dans l’âme, certains ont dû se résigner à signer l’acte de démolition d’une maison toute neuve dans laquelle ils avaient investi toutes leurs économies…
La plupart dénoncent une compensation insuffisante pour pouvoir acheter leur nouveau logement (de 100 yuans par m2 pour celles en torchis à 700 yuans par m2 pour les plus modernes), forçant les villageois à casser leur tirelire, voire emprunter pour se reloger. Quelques patelins ont envoyé les bulldozers avant même que les nouveaux immeubles sortent de terre, forçant les habitants à vivre sous des abris de fortune.
Autre récrimination : les nouveaux bâtiments sont trop éloignés des champs. « Si je déménage dans cet appartement, comment vais-je élever mes poules, mes oies, mes cochons, faire pousser des fruits et légumes ? Où vais-je ranger mes machines et mes outils ? », interroge l’un deux. « S’il n’est plus possible de cultiver, comment vais-je m’acheter de la nourriture, payer l’électricité, le gaz, ou les frais de management avec ma maigre pension ? », poursuit un autre. Certains se plaignent de ces appartements moins grands que leurs anciennes maisons, et de ces tours sans ascenseurs, mal-adaptées aux personnes âgées, parfois construites à la va-vite avec des matériaux de mauvaise qualité …
Alors, la consolidation de ces villages est-elle vraiment la bonne méthode pour « revitaliser le monde rural » ? Pour Lü Dewen, chercheur à l’université de Wuhan, le constat est sans appel : « cette campagne réduit à néant tous les efforts et les investissements de la dernière décennie pour améliorer les infrastructures dans ces villages. C’est un énorme gâchis des ressources publiques ». Le chercheur ajoute qu’« il ne faut pas forcer les paysans ‘à vivre à l’étage’. Ils intégreront naturellement les communes et les villes si les conditions sont réunies, et surtout s’ils y trouvent du travail ».
Or, les migrants réalisent qu’il est de plus en plus difficile de se faire une place en ville, le coût de la vie ne cessant d’augmenter et les opportunités se faisant de plus en plus rares. Ils sont déjà persona non grata dans les municipalités de premier tiers… La crise économique provoquée par le Covid-19 n’arrange rien, accélérant un mouvement de retour dans les campagnes. Mais si les paysans sont forcés à déménager, ils ne pourront plus vivre de leurs lopins, leur dernier filet de sécurité. Et tant que le hukou des petites villes (permis de résidence ouvrant l’accès aux droits sociaux) sera toujours aussi difficile à obtenir et n’offrira pas de meilleures garanties, les paysans préféreront conserver leur hukou rural, qui lui, vient avec de la terre. Voilà qui explique pourquoi les villageois sont si réticents à cette campagne de « consolidation ». « On peut ainsi dire que les paysans occupent les deux extrémités de la terre (两头占地), explique Huang Qifan, économiste et ancien maire de Chongqing. Leur exode rural contribue à l’augmentation de la taille des villes, mais leurs terres ne sont pas « libérées » pour autant ».
Pour Lu Ming, professeur à l’université Jiaotong (Shanghai), l’enfer est pavé de bonnes intentions : « cette campagne part d’un bon sentiment, c’est la mise en application au niveau local qui pose problème, appliquée uniformément du sommet vers la base, négligeant les spécificités locales et les désirs des habitants ».
À l’université Renmin (Pékin), Wen Tiejun dénonce un détournement de ces schémas de consolidation par les autorités locales par appât du gain. Selon Lü Dewen, ce n’est pas aussi simple : « les terres récupérées ont peu de valeur, et leur vente (ou échange) ne suffit pas à compenser le prix de la construction des nouveaux logements et le montant de l’indemnisation des paysans. Les gouvernements locaux, déjà notoirement endettés, se retrouvent donc déficitaires après ces opérations de consolidation ».
Cependant, en relogeant ces paysans, les gouvernements locaux pourraient se voir attribuer des fonds au titre de la lutte contre (l’extrême) pauvreté chère au Président Xi Jinping qui s’est promis de l’éradiquer d’ici la fin de l’année. Ce faisant, cette campagne a des airs de fuite en avant, répondant avant tout à des objectifs politiques sans véritablement améliorer les conditions de vie des paysans. Suite à la polémique, le gouvernement provincial a fait amende honorable, promettant d’écouter les villageois et de mieux protéger leurs intérêts. Mais pour ceux dont la maison n’est plus qu’un vague souvenir, le mal est fait…
En France, les bacheliers ont pu échapper au stress des épreuves de fin d’année en obtenant leur diplôme grâce au contrôle continu. En Chine, il n’en fut rien ! Malgré les perturbations engendrées par l’épidémie, l’examen tant redouté du Gaokao (高考, gāokǎo), l’équivalent chinois du baccalauréat, a tout de même eu lieu avec un mois de retard sur le calendrier (7 et 8 juillet). C’est la première fois depuis la réinstauration du Gaokao en 1977, à la fin de la révolution culturelle, que l’examen était retardé.
Durant cette épreuve, les 10,71 millions de candidats jouent leur avenir : plus leur score sera élevé, plus ils pourront prétendre intégrer une bonne université. Ce système méritocratique est censé offrir la même chance à chaque jeune du pays, qu’il soit originaire du fin fond du Guizhou ou pékinois de souche, tant qu’il travaille dur. Car à l’inverse des établissements occidentaux qui évaluent les candidatures selon de nombreux critères (tests d’aptitude, activités extrascolaires, bénévolat, lettres de recommandation…), les universités chinoises, elles, ne jugent que le résultat au Gaokao.
La tension est donc à son comble les semaines précédant l’examen. Les parents, encore plus stressés que leurs enfants, sont aux petits soins pour leur progéniture, certains se mettant même en congés pour être entièrement disponibles. Afin d’éviter toute mauvaise surprise le jour J (bouchons, panne de voiture…), de nombreuses familles déménagent dans un hôtel proche du centre d’examen pour être sûr d’arriver à l’heure. Alors que la menace du Covid-19 plane toujours, les 400 000 salles d’examen ont été soigneusement désinfectées et tous les centres pouvant se le permettre ont installé des climatiseurs, la température étant plus élevée en juillet qu’en juin, date habituelle du Gaokao depuis 2003. À Pékin, les précautions ont été plus fortes encore : les candidats ont dû s’isoler chez eux les 14 derniers jours et communiquer leur température à leurs professeurs quotidiennement.
Même le contenu du Gaokao a été marqué par la crise sanitaire, l’un des sujets de dissertation portant sur « la distance et les relations pendant l’épidémie ». De fait, cette épidémie a profondément affecté les jeunes. « Ils s’intéressent davantage à la société, suivent plus régulièrement l’actualité », commente une enseignante. « Ils ont également développé un certain sens des responsabilités et des affinités plus fortes avec la nation », ajoute un autre professeur du Hubei. Chez certains, le courage du personnel soignant en première ligne contre le virus a même suscité des vocations à faire médecine.
Surtout, ce coronavirus a été synonyme de stress accru durant ces derniers mois. Les lycées ayant fermé leurs portes durant l’épidémie, les élèves ont été contraints de suivre des cours en ligne depuis chez eux, avec tous les désagréments que cela comporte… Dans le Dongbei ou à Pékin, la refermeture des établissements après un rebond de contaminations, a encore accentué la pression sur les élèves, leur donnant le sentiment qu’ils n’allaient pas être aussi performants que leurs camarades ayant repris le chemin de l’école dans d’autres provinces. À Shanghai, la commission municipale de santé a révélé qu’après la rentrée des classes en mai, le nombre de consultations pédopsychiatriques dans les hôpitaux de la ville a sensiblement augmenté. Témoignant de cet état d’anxiété, sur les 1,2 million d’écoliers et collégiens du Guangdong sondés en ligne, 10,5% se déclaraient victimes de troubles de la santé mentale. Début juin, un article de l’officiel Health Times, rapidement supprimé, révélait que 18 élèves se sont jetés par la fenêtre ces trois derniers mois à travers le pays…
Alors que la couverture médiatique de l’évènement se consacre habituellement aux nouveaux moyens pour traquer les tricheurs, cette année, elle se portait sur des cas d’usurpations d’identité dans le Shandong. Avec 530 millions de vues et 152 000 commentaires sur Weibo, l’affaire de Chen Chunxiu (cf photo) a choqué l’opinion : fille de paysans, Chen ne reçut aucune lettre d’admission à l’université malgré ses bonnes notes au Gaokao en 2004. Déçue, elle a poursuivi sa vie sans jamais faire d’études. Quelle n’a pas été sa surprise en juin lorsqu’elle a découvert qu’elle avait été effectivement admise à l’université de technologie du Shandong, mais qu’une autre jeune fille lui avait volé sa place après avoir usurpé son identité contre 2 000 yuans ! Au moins 25 complices sont actuellement poursuivis. Le cas de Chen est loin d’être isolé : l’an dernier dans la province, au moins 242 imposteurs ont été identifiés, souvent des enfants de cadres, policiers, proviseurs… Dans la plupart des cas, ils ont été peu lourdement sanctionnés, alimentant un sentiment d’injustice chez les victimes, en majorité des jeunes filles issues de milieux défavorisés ayant reçu leur dîplome il y a plus de 10 ans. Et la supercherie n’a pas uniquement eu lieu dans le Shandong… Un internaute témoignait sa sympathie aux victimes : « ces scandales reflètent une cruelle réalité, celle d’une classe inférieure vulnérable se faisant toujours avoir par les riches et les puissants ».
En effet, cette affaire a relancé le débat sur l’égalité des chances en Chine. Malgré les quotas de places par université selon la province d’origine, le Gaokao étant toujours considéré comme le meilleur ascenseur social pour les plus modestes. Cependant, malgré des décennies d’efforts pour promouvoir l’éducation en zone rurale, l’écart avec les villes reste énorme. À titre d’exemple, les écoles maternelles rurales reçoivent 49,4% des financements à l’échelle nationale alors qu’elles accueillent 70% des enfants de cet âge. Dans les collèges de campagne, 79% des enseignants sont diplômés d’une licence, contre plus de 90% des établissements urbains. Résultat : deux tiers des lycéens citadins nés dans les années 90 sont allés à l’université, contre seulement un tiers pour leurs camarades ruraux.
Même les meilleurs élèves des campagnes ayant réussi à intégrer les meilleures universités dénoncent des barrières invisibles à leur succès. Surnommés « les experts des examens », obtenir de bonnes notes tourne à l’obsession chez eux. Néanmoins, dans les universités d’élite, cela ne suffit pas : la capacité à se créer un réseau, à organiser des évènements, avoir déjà voyagé à l’étranger, sont autant de critères implicites de réussite. Même l’apparence physique rentre en ligne de compte… Certains se voient ainsi offrir des opérations de chirurgie esthétique comme cadeau d’entrée à l’université ! Autant de codes que les jeunes ruraux ne maitrisent pas. Dans ces conditions, difficile pour eux de percer le plafond de verre, même une fois le diplôme en poche. Selon une étude du cabinet de consulting Mycos, les jeunes diplômés ruraux gagnent en moyenne 4 469 yuans par mois. C’est 287 yuans de moins que les citadins. Seuls les plus persévérants arrivent à inverser la tendance par la suite.
Justement, une petite partie des candidats au Gaokao sont bien conscients que leurs résultats à cet examen impacteront leur vie entière. Espérant réécrire leur destin, ces élèves « redoublent » (复读, fùdú) ou « triplent » volontairement leur année de terminale pour tenter d’obtenir un meilleur score au Gaokao que lors de leur premier essai. Pour cela, ils intègrent des écoles privées, sortes de « classes prépas » où ils s’exercent à longueur d’année sur les derniers examens du Gaokao. La pression est énorme : s’ils ne font pas mieux que la première fois, tous leurs efforts auront été vains. Mais pour ceux qui réussissent, le pari est gagnant : les diplômés des meilleures universités du pays gagnent en moyenne 27% de plus que leurs camarades issus d’un établissement « lambda » selon une étude du site de recrutement Zhaopin. Mais ces redoublements volontaires ne font pas l’unanimité parmi les bacheliers chinois : « ils nous piquent nos places et ne font qu’augmenter chaque année le niveau nécessaire pour être admis dans une bonne université ». Un « fùdú » se défend : «seuls les plus courageux font ce choix, mais le jeu en vaut la chandelle ». Jusqu’où ira l’hyper-compétitivité chinoise ?
« Éliminer le poison », « éradiquer les tumeurs cancereuses », « purger les moutons noirs »… C’est en ces termes que Chen Yixin, secrétaire général de la Commission des Affaires politiques et légales (« zhèngfǎwěi ») et fidèle lieutenant du Président Xi, a annoncé début juillet le début d’un programme « d’éducation » et de « rectification » des cadres, slogan tout droit inspiré de la « campagne de Yan’an » initiée par Mao en 1942 pour consolider son pouvoir. D’abord appliquée dans cinq villes de province, la campagne sera étendue au niveau national début 2021, puis prendra fin début 2022, juste avant la fin du 2ème mandat de Xi Jinping. Elle n’épargnera personne : juges, procureurs, officiers de police, cadres de la sécurité d’État…
En parallèle, un nouveau groupe d’intervention (政治安全专项组) a été créé pour « préserver l’intégrité du système politique et réprimer toute activité qui pourrait saper son autorité ». « Le gouvernement ne peut correctement protéger son peuple que si l’environnement politique est sécurisé » selon le communiqué officiel. Ce groupe devrait également améliorer la coordination entre la Commission des Affaires politiques et légales, le ministère de la Sécurité publique (MSP), et celui de la Sécurité d’État (MSE). Il est directement placé sous la direction d’un autre groupe de coordination pour « la construction d’une Chine pacifique et sécuritaire » (平安中国建设协调小组), créé en avril dernier, sous la houlette de l’indéboulonnable Guo Shengkun, le patron de toutes les polices et membre du Bureau Politique. La multiplication de ces groupes à vocation sécuritaire est révélatrice du sentiment d’insécurité qui plane au sein de l’appareil, particulièrement après son tour de force à Hong Kong…
Ce n’est pas la première fois que la sécurité publique fait l’objet de purges annoncées ou de remaniements. En effet, il a longtemps représenté le dernier bastion à prendre pour le Président Xi, qui s’est attaché depuis son arrivée au pouvoir à éradiquer l’influence de son ancien patron Zhou Yongkang. Le dernier « tigre » déchu est Meng Hongwei, ancien vice-ministre du MSP et patron d’Interpol, condamné en janvier à 13,5 ans de prison pour avoir empoché 14,5 millions de yuans (1,8 million d’euros) de pots-de-vin. Dans un recueil interne distribué aux cadres par la Commission interne de discipline (CCID), le train de vie de Meng est décrit comme « extravagant et décadent », des termes récurrents dans les affaires de corruption. Plus inhabituelle, cette avalanche de détails : « Meng était une personne arrogante qui traitait ses subordonnés comme ses serviteurs, monnayant son influence contre des privilèges. Il a également fermé les yeux sur le vice de son épouse [Grace Meng, exilée en France], qui aurait accaparé plusieurs véhicules militaires pour son usage personnel ». Ces accusations n’étonnent pas Alex Payette, cofondateur du cabinet Cercius : « En tant qu’ancien patron d’Interpol, Meng était un personnage public. Ces commentaires ont donc pour objectif de donner une explication officielle à sa chute et faire de lui un exemple. Toutefois, les chefs d’accusation en eux-mêmes n’ont que peu d’importance ». Reste encore Zhou Qiang, président de la Cour Suprême, déjà affaibli et qui devrait également être poussé vers la sortie…
Alors qui pourrait-être la véritable cible de cette campagne de rectification ? Tous les indices pointent vers Meng Jianzhu, l’ancien patron de la Commission des Affaires politiques et légales (2012-2017), issu de la faction de l’ex-Président Jiang Zemin. La rumeur le voudrait en résidence surveillée depuis plusieurs années… Alors pourquoi poursuivre cette purge, si Meng a été mis hors d’état de nuire ? Selon l’analyste canadien, « il y a une logique jusqu’au-boutiste derrière tout ça. Il suffit d’oublier une seule personne pour que cela se retourne contre soi, et Xi en a bien conscience. L’objectif pour lui est donc d’obtenir un contrôle total d’ici 2022, date à laquelle il devrait annoncer rempiler pour un 3ème mandat ou alors introduire son poulain ». Les discussions lors du prochain conclave estival de Beidaihe s’annoncent d’ores et déjà animées…
Cette nuit de décembre à Shanghai, le détective Sun Jinrong arriva à 23h à la résidence de haut vol où il venait d’être appelé en urgence. Sans perdre une minute à écouter les remerciements de la cliente pour s’être déplacé si tard, il se mit au travail, passant au peigne fin l’appartement de 250m² en quête d’indices. Et presque tout de suite, dans la chambre d’amis, il trouva la fenêtre entre-ouverte par laquelle le chat s’était sauvé – deux heures plus tôt, sans doute. L’appartement étant au second étage, Baixue (le nom du matou) avait un chemin aisé vers le sol par la rampe de la gouttière, pour une escapade inespérée – car sa maitresse venait de l’expliquer, elle ne le laissait jamais sortir, par peur qu’on ne lui dérobe cet angora blanc de pure race.
Sans perdre une minute, Sun se rendit au centre de sécurité de la tour, où il se fit projeter les bandes des caméras de vidéosurveillance. Et bingo, cinq minutes plus tard, apparaissait sur écran Baixue trottinant, puis un couple de fêtards tardifs qui apercevait l’angora, l’attiraient pour le caresser, le prenaient dans leurs bras, puis disparaissaient par la porte d’entrée…
C’était une excellente nouvelle. Certes le veilleur de nuit ne reconnaissait pas les voleurs, mais ils étaient de l’immeuble. Retournant à sa camionnette, Sun en tira alors son arme secrète, le détecteur de poil de chat. Après avoir analysé un des poils soyeux laissés sur les fauteuils, il n’eut plus qu’à remonter d’étage en étage et laisser agir la machine. A minuit moins le quart, il frappait à la porte de l’appartement E, au cinquième. Malgré l’heure très tardive, les occupants ouvrirent à l’inspecteur et sa cliente – comme s’ils s’attendaient à une visite inopinée. Avant d’avoir pu répondre à la sommation de l’inspecteur, un miaulement déchirant les trahissait : sur quoi Fu Yu la propriétaire entrait comme une furie chez ces voisins indélicats, ouvrait la porte d’où jaillissait le chat pour se réfugier sous ses jambes. Le reste n’était qu’une formalité : les voleurs penauds devaient verser une belle amende au détective pour éviter la plainte à la police, puis Fu yu lui verserait elle aussi le cachet convenu : affaire réglée ! Sun Jinrong la bourse bien garnie, pouvait rentrer chez lui.
Dans la « tête du dragon » (Shanghai), Sun est un genre de célébrité, ayant déjà sauvé en sept ans plus de 1 000 chiens et chats. Presque toutes les nuits, il sort pour répondre à des appels de propriétaires éperdus. Cela se répète sur internet : sur TikTok, le réseau social, il a 150 000 abonnés, et 76 000 sur Weibo. 30 clients à travers tout le pays ont même souscrit un abonnement permanent. Au plan national, il s’est acquis, à 38 ans, la réputation flatteuse d’un « limier des limiers » !
Pour en arriver là, Sun a suivi une carrière pittoresque. C’est dans l’Anhui, sur le campus de la base aérienne où son père officiait en tant que mécanicien d’aviation qu’il a grandi, recevant de ce milieu rare ses qualités de contrôle de soi et discipline. Sur la base, il a très tôt appris à aimer l’univers animal : après cela, rien d’autre dans la vie n’a su l’intéresser. En 2010, monté avec ses parents à Shanghai, son père l’a forcé à prendre un emploi chez un imprimeur public. Mais chaque fois qu’il put, il passa son temps dans un genre de SPA privé, à trouver de nouveaux foyers pour des animaux abandonnés. Mais une fois placées, souvent ces bêtes fuguaient, et c’était alors à lui qu’il revenait de les retrouver, ce à quoi il s’était découvert des dons particuliers. C’est ainsi que trois ans plus tard, ignorant les inquiétudes de ses parents, il décidait de « se jetter à la mer » (下海, xià hǎi) : d’abandonner la sécurité de ce job pépère pour se mettre à son compte.
En bon chinois de jeune génération, Sun s’est équipé aux dernières technologies, pièges à chats à détection électronique, jumelles de vision nocturne, et même un détecteur de signaux vitaux qui lui permet de sonder des recoins inaccessibles en quête d’une bestiole terrée. Passionné par son métier, il apprend à reproduire les chants d’oisillons pour faire sortir les chats de leurs cachettes. Il dévore aussi, en son temps libre, tout ouvrage de référence en zoologie et psychologie animale.
Il faut dire que l’époque lui est favorable : sous le stress au travail et l’exode rural, les gens toujours plus esseulés compensent en s’offrant la compagnie d’un fidèle animal. En 2019, 100 millions de foyers chinois ont un chien ou un chat (+10% par an) et 60% déclarent l’aimer comme leur enfant. Parmi ces bêtes bien sûr, les disparitions augmentent en proportion. Les chances pour Sun de les retrouver sont de 40 à 80% en ville. Par contre, dans les régions tels Dongbei ou Hubei où chiens et chats des rues finissent traditionnellement au wok, elles tombent à zéro…
Pris par sa passion, Sun Jinrong n’a jamais trouvé le temps de se marier. Mais avec les remerciements émus des clients dont il sauve le compagnon à quatre pattes, et l’aventure palpitante qui redémarre à chaque enquête, il a sa récompense. Et pour fonder un foyer, à 38 ans, il n’est pas trop tard : pour rien au monde, Sun Jinrong n’échangerait sa position !
13-14 juillet, Shanghai : Playtime, Salon international dédié à l’univers de l’enfant et des vêtements de maternité
14-16 juillet, Canton : Watertech Guangdong, Salon international de la gestion de l’eau
15-17 juillet, Shanghai : ESB, Salon international des matériaux de construction et de la décoration intérieure
18-30 juillet, Canton : CIFF – China International Furniture Fair, Salon international de l’ameublement
21-24 juillet, Shanghai : APPPExpo – Shanghai International Ad & Sign Technology & Equipment Exhibition, Salon international de la publicité et des supports publicitaires
23 – 25 juillet, Shanghai : Luxehome, Salon international des produits de la maison et de la décoration intérieure
29-31 juillet, Shenzhen : IOTE – International Internet of Things Exhibition, Salon international des solutions informatiques et des technologies IoT
31 juillet -3 août, Shanghai : ChinaJoy Digital Entertainment Expo and Conference, Salon des jeux vidéo
3 – 5 août , Shanghai : IT&CM – Incentive Travel & Conventions, Meetings, Salon de la création d’événement en Chine, évènement en ligne
3 – 5 août , Canton : Steel Build, Salon international de la construction en acier et des matériaux de construction métalliques
7 – 9 août, Shenzhen : HOMETEX, Salon de l’ameublement
11 – 13 août, Canton : SIAF, Salon international pour l’automatisation des procédés
13 – 15 août , Shanghai : IE Expo China, Salon professionnel international de la gestion et traitement de l’eau, du recyclage, du contrôle de la pollution atmosphérique et des économies d’énergie
14-16 août, Canton : Interwine China, Salon du vin, de la bière, et des procédés, technologies et équipements pour les boissons
16-18 août, Canton : APBE – Asia-Pacific Biomass Energy Technology & Equipment Exhibition, Salon international de l’énergie biomasse
16-18 août, Canton : Asia Pacific Power Product & Technology Exhibition, Salon international du génie électrique et de l’électrotechnique
17 – 21 août, Pékin : CIMES, Salon chinois international de la machine-outil et des outils
18 – 20 août, Shanghai : Metal+ Metallurgy China, Salon International de l’industrie du métal et de la métallurgie
19 – 23 août, Shanghai : Pet Fair Asia, Salon des animaux de compagnie
21 – 24 août, Canton: Prolight + Sound Guangzhou, Salon chinois international des technologies du son et des éclairages
26 – 28 août, Shenzhen: NEPCON South China, Salon international des matériaux et équipements pour semi-conducteurs
Chers lecteurs,
Le Vent de la Chine a basculé le 1er mai 2019 vers une version 100% numérique. Le format PDF n’est plus directement accessible sur notre site. Une décision prise au regard de nos droits d’auteur, et pour des raisons sécuritaires dans un environnement qui se durcit.
Mais pour ceux attachés à la version papier, il est toujours possible d’imprimer le numéro entier depuis notre site internet, sous » Collection « , en faisant un simple clic droit , et de sélectionner l’imprimante. Pour l’adapter au mieux à votre format d’impression, vous pouvez l’ajuster sous » paramètres « , » échelle » , » personnaliser » puis choisir un nombre autour de 80, à votre convenance.
Vous pouvez également sauvegarder ces numéros en version PDF, si vous désirez les conserver dans votre archive, en faisant un simple clic droit , puis de choisir « sauver en PDF« .
En parallèle, nous avons préparé pour vous de nouvelles applications mobiles, permettant de lire Le Vent de la Chine, où que vous soyez !
Depuis votre portable, vous pouvez télécharger la version pour iPhones et iPads sur l’Apple Store ici.
Pour les smartphones Android, veuillez cliquer ici, le téléchargement d’un fichier débutera automatiquement.
Pour vous connecter à votre compte, il suffit de taper votre adresse email sous « Configuration », recevoir un code unique, et le jour est joué.
Une fois l’application téléchargée, vous pouvez lire les numéros du Vent de la Chine sans accès à internet. Idéal même sans réseau, dans l’avion ou dans le train!
N’hésitez pas à nous contacter directement si vous rencontriez de difficultés. Nous vous remercions de votre compréhension et fidélité, et vous souhaitons une excellente lecture.
L’équipe du Vent de la Chine