Editorial : France-Chine—orage et embellie

Le week-end du 19/04, quelques milliers de Chinois crièrent devant l’ambassade de France, les Carrefour de 8 villes, bientôt relayés par des manifs à Paris, Londres, Los Angeles. Actions parfois insultantes («Français, taisez-vous !), apparemment inspirées par le régime.

Face à l’étranger, cette action ne fit rien pour apaiser la crise autour des JO.  Elle semble avoir visé de faire taire la contestation, en s’attaquant à un (seul) pays protestataire. Elle permet aussi d’éviter la critique interne, pour avoir exploité ces Jeux comme vitrine idéologique. Car ce périple de la torche à travers tous les continents, nullement dans la tradition olympique (tenu la 1ère fois en 1936 lors des JO de Berlin) servait plus la cause du régime que celle du sport -le Comité int’l olympique n’était pas en faveur, et l’opinion mondiale l’a boudé, ce que Pékin n’avait pas prévu. Enfin, la contre-attaque offrait un exutoire à l’humiliation ressentie, mais aussi à la chute de la bourse (-50% depuis octobre) et à l’explosion des prix alimentaires (+50% en 12 mois, +25,5% en mars).

Parmi d’autres puissances, la France fut prise pour cible, car la plus faible en terme de puissance d’affaires, et une de celles qui s’était montrée les plus incisives, envisageant le boycott de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques et sifflant le passage de la flamme à Paris (7/04). Mais ce choix préparait aussi l’opinion intérieure au dialogue, annoncé le 25/04, avec le Dalai Lama : même après le sabotage du relais de la torche à Paris, et la distinction par sa mairie du Dalai et du dissident Hu Jia comme citoyens d’honneur, la France faisait un « ennemi » bien peu plausible. Par contre, en la montrait du doigt, Pékin  occultait l’ennemi le plus évident: le Dalai, avec qui elle s’apprêtait à négocier…

Bravant la frange va-t-en-guerre de l’opinion française, le Président N. Sarkozy opta sans retard pour le désamorçage de la bombe. En mission de réconciliation, Ch. Poncelet (Président du Sénat), J.D. Levitte  (émissaire du Président) et JP. Raffarin (ex 1er ministre) vinrent multiplier excuses et regrets et prendre leur distance de B. Delanoë, le maire de Paris. Quant au boycott, il sera «discuté avec les 27 Etats membres de l’Union Européenne», et sans doute abandonné. Raffarin résuma: « la politique chinoise de la France n’a pas changé ». Dès lors, le 1er ministre chinois Wen Jiabao pouvait confirmer que la Chine «chérissait sa relation» avec l’Hexagone, et laver Carrefour de tout soupçon : ni anti-JO, ni pro-indépendance du Tibet, mais utile à la Chine. Ce qui  hélas, n’enraya en rien la lame de fond d’actions nationalistes contre la chaîne : 8 manifs le 25/04, le réseau SMS bruissant de mots d’ordres, notamment un boycott national du 1er  au 4 mai, fête de la jeunesse. Clairement, la rue au galop, le mors aux dents, n’écoute plus personne. 

Les 24/25, à Pékin, la Commission européenne (son Président JM. Barroso et 9 commissaires) vinrent négocier sur le Tibet et les  prochaines conventions mondiales de l’Organisation mondiale du commerce (round de Doha) et de Kyoto-II (contre le réchauffement climatique). C’est à Barroso que Hu Jintao communiqua la décision d’entrer en discussion avec le Dalai. Une 1ère historique, et un risque très atypique, justifié par la nécessité de rétablir son image et la sérénité nécessaire au succès des Jeux !

 

 

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