Editorial : Mi-automne – la Chine médite sous la pleine Lune

Au 15 ème jour du 8 ème mois lunaire, le festival de la Mi-automne (Zhongqiujie, 中秋节) est l’ultime rendez-vous avant les grands froids, celui d’une Chine aux greniers pleins, dont les villages fêtent avant de plonger dans le repos de l’hiver.

Selon la légende, c’est aussi le jour où Chang ’E, la déesse de la Lune s’envola vers l’astre pour y vivre à jamais dans un palais de glace, accompagnée d’un lapin de jade. C’est donc, on le devine, une fête joyeuse, chérie par la Chine.

Hélas ses traditions se perdent vite, à mesure que se vident les campagnes. La nuit de la pleine lune (15 septembre cette année) fleurissent les lanternes de soie ou de papier.

Quittant les villes, les citadins se promènent autour des lacs ou des parcs, se retirent dans les monastères. Ils boivent du vin de casse (au goût de cannelle), mangent des pêches, kakis, grenades, châtaignes grillées. Entre amis, collègues, et partenaires en affaires, ils s’échangent les bourratifs « gâteaux de Lune » (yuebing 月饼).

C’est aussi l’époque où la famille se recentre sur elle-même. Cette année, le festival de mi-automne advient presque en même temps que la rentrée universitaire. Des millions d’étudiants provinciaux doivent monter à la grande ville pour y vivre en dortoirs, loin des parents pour la première fois. Or, ces bacheliers sont souvent fils uniques, et ont été gâtés au point de ne pas savoir gérer leur quotidien seul. Ce qui donne cette année cette scène insolite : des dizaines d’universités telles celles de Xi’an ou Tianjin prêtent leurs gymnases aux parents, pour y loger quelques jours sous tentes, le temps d’installer le rejeton.

Autre tendance plus stressante pour les parents : leurs enfants cessent de se marier. Les 13,5 millions de noces célébrées en 2013 ont régressé 2 ans après, à 2,1 millions. La tendance est déjà assez forte pour influer sur l’offre et la demande : les marchés du logement et des services, se réorientent des jeunes parents vers les jeunes célibataires. Cette désaffection du mariage ou de la vie de couple reflète plusieurs raisons, à commencer par la motivation déclinante des filles. Etudiant plus, elles obtiennent de meilleurs diplômes, de meilleurs salaires qui les libèrent de l’astreinte économique de se marier.

Joue aussi le bilan de plus de 35 ans de politique de l’enfant unique : à terme, le nombre des jeunes en âge nuptial a été réduit comme peau de chagrin, et les hommes sont surnuméraires, suite à la préférence pour le sexe fort – de 1 à 24 ans, les garçons sont 3% à 4% plus nombreux que les filles.

Ultime raison à la mode croissante du célibat : l’exigence des filles de trouver « pas n’importe qui ! », mais le compagnon de leurs rêves. La qualité de la relation devient essentielle : faute d’être sûre d’avoir une vie conjugale comblée, la femme ne veut plus s’engager. Pire, si l’homme déçoit ou démérite, on divorce : en 2015, les séparations atteignaient le record de 3,8 millions, plus du double de 2005. Ils ont à 80% pour demandeur l’épouse –soit parce que le mari a brisé sa confiance, soit parce qu’il a manqué de maturité, et n’a su prendre sa part des de décisions dans la vie du couple. Une phrase revient souvent chez ces divorcée : « j’avais l’impression d’être sa mère »…

Tels sont les soucis qui peuvent habiter les familles, sous la lumière de la Lune de la mi-automne. Ils reflètent une société en mutation, en mal à se projeter 20 ans plus loin, dans une nouvelle harmonie et un nouvel équilibre.

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