Défense : Chronique d’anticorruption et de contre-espionnite

Y a-t-il un lien en 2016, entre anticorruption et contre-espionnage ? En Chine en tout cas, depuis trois ans, justifiées ou non, ces campagnes se renforcent côte à côte, marqueurs du règne de Xi Jinping.

– Le 15 avril marqua en Chine la « journée d’éducation à la sécurité », pour protéger les secrets d’Etat des curiosités étrangères. Cinq BD furent publiées pour expliquer les lois de « contre-espionnage » et de « sécurité nationale » passées depuis 2013. L’une (cf photo) met en scène une ingénue, cadre dans un ministère, séduite par un étranger qui lui demande, et la convainc de lui remettre des documents classifiés. Tous deux finissent avec menottes : en pleurs, elle découvre qu’elle a été manipulée.

– Idem, un informaticien chinois au centre de cryptage à Chengdu (Sichuan) est condamné à mort sans sursis, pour avoir vendu en neuf ans 150.000 fichiers classifiés dont 90 top secrets pour 700.000 $. L’identité de l’acheteur n’a néanmoins pas été dévoilée.

– Depuis août, les militaires ont le droit d’utiliser un smartphone en dehors de leurs heures de service. Mais celui-ci doit obligatoirement être pourvue d’une application bien spéciale. Elle censure tout message « malsain et négatif » (risquant de saper l’esprit et le moral du militaire). Elle barre l’accès à tout site faisant risquer la fuite d’informations sensibles. Elle va même localiser le soldat s’étant aventuré dans des lieux que la morale réprouve… Ce qui pourrait finalement inciter le soldat, tout bien considéré, de laisser son smartphone à la caserne ou la maison –ou d’en acheter un autre, plus anonyme…

– Le 18 avril, dirigé par Xi Jinping, un meeting du groupe central d’approfondissement des réformes, eut lieu, en présence des plus hauts personnages du régime tels Li Keqiang, Liu Yunshan et Zhang Gaoli, et des industriels de l’internet, tels Jack Ma (Alibaba) et Ren Zhengfei (Huawei). Un des sujets fut la « dissuasion cybernétique » – la défense et la contre-attaque au hackage des sites internet. C’était la 1ère fois qu’apparaissait en Chine ce concept, un an après son apparition dans les programmes du ministère américain de la Défense. Evidemment, aucun détail ne filtra sur les décisions prises.

– Suivant l’idée du chef de l’Etat, l’internet doit désormais être abordé par les cadres suivant un principe nouveau : celle de découvrir en direct, en permanence, « à quoi pensent les gens » et de renforcer « supervision et propagande dans le cyberespace, pour lui éviter de sombrer dans le chaos ».

En pratique, de nouvelles directives interdisent la participation des enfants, particulièrement ceux de célébrités, à des programmes de téléréalités. De telles émissions sont à la fois bon marché à produire, et très populaires. Ce sont donc de vraies mines d’or, avec 10 milliards de ¥ de chiffre d’affaires en 2015. Mais le ministère de la Culture déplore que ces jeunes soient à la fois exploités, et convertis en idoles. Les censeurs exigent que de telles émissions à l’avenir, « reflètent les valeurs socialistes » et évitent de faire « étalage de richesses » .

– Dans le même ordre l’idée, les sites internet de streaming tels Douyu TV, Huya et Yy.com voient leurs grilles de programmes passée au peigne fin en quête de tout contenu pornographique, violent, ou offensant la morale. En effet, de tels programmes sont structurellement corrompus : le public peut les récompenser par des cadeaux virtuels, payés via Alipay ou WeChat. Par la suite, les « cadeaux », au lieu d’être physiquement achetés, restent en argent, cumulé et partagé entre producteurs et chaînes. Ainsi ils peuvent gagner des fortunes, jusqu’à 160.000¥ (22.000€) par personne, par mois !

– La réunion du 18 avril décida aussi  d’étendre à quatre nouveaux territoires (Guangdong, Xinjiang, Pékin et Chongqing) un programme-pilote testé à Shanghai depuis neuf mois, destiné à prévenir la corruption au sein des grandes familles régnantes. Au terme de ce code de conduite contraignant, les emplois lucratifs et fonctions commerciales accessibles aux proches des leaders suprêmes sont strictement codifiées. Les épouses ne peuvent plus être PDG ou cadres au sommet de firmes privées ou en joint-ventures, et leurs enfants ou beaux-fils/filles ne peuvent pas faire d’affaires dans leur champ d’activité. Par exemple, vendre du matériel médical aux hôpitaux si ce cadre exerce son mandat dans le domaine de la santé.

– Lors de cette réunion riche en décisions, différents règlements furent aussi adoptés : de gestion des cadres, des écoles privées (traitant de la supervision, de la présence du Parti, de l’enrôlement des élèves), de la protection des juges et procureurs (notamment contre les pressions des potentats locaux, pour renforcer leur indépendance). Fut aussi approuvé le statut des médecins de famille, de manière à introduire cette nouvelle forme de santé privée, au bénéfice d’abord du 3ème âge, des malades mentaux, des femmes enceintes, des enfants et des handicapés.

– Il fut enfin question du perfectionnement du système du crédit social, note morale qui suivra tout Chinois à partir de 2020. Cette note devrait à terme être accessible à toute agence de l’Etat, sur tout le territoire (par intranet, donc), de façon à pouvoir « punir les citoyens discrédités et récompenser ceux méritant leur crédit ».

Tout cela correspond, selon Xi Jinping, à un approfondissement des réformes, « équitable et centré sur l’humain ». Bonjour, l’avenir !

 

 

 

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1 Commentaire
  1. severy

    A ce rythme-là, la Chine de demain ressemblera à se méprendre au Meilleur des Mondes.

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