Editorial : La guerre des « on-dit »

Alors que l’OMS parle désormais de « pandémie » (89 000 cas officiels hors Chine au 16 mars), Pékin est en passe d’annoncer sa victoire contre le coronavirus. En effet, dans le pays, presque tous les signaux sanitaires sont au vert, la mégalopole de Wuhan ne devant plus présenter de nouvelles contaminations d’ici fin mars. C’est probablement ce qui amenait le Président Xi Jinping à se rendre à l’épicentre de l’épidémie pour la première fois depuis le début de la crise. Forte de son expérience, la Chine propose désormais son aide matérielle et ses experts, notamment à des pays adhérant à son initiative BRI, tels que l’Iran ou le Pakistan. Elle vendait également des équipements à l’Italie, alors qu’aucun voisin européen n’avait répondu à l’appel de Rome. Cette main tendue chinoise était perçue comme salvatrice par l’opinion publique italienne.

Si la Chine se lance dans une campagne de promotion de son « modèle de Wuhan », vantant les mérites de son système autoritaire « plus adapté que les démocraties face à une épidémie », c’est pour contrer les critiques de sa réponse tardive durant les premières semaines. Et déjà, sur les réseaux sociaux chinois, le ton change : les commentaires cinglants ont été remplacés par un sentiment de fierté, alimenté par la débâcle causée par le virus dans les pays occidentaux (qui n’ont pas tous tiré la leçon de l’expérience chinoise). Or, plus la situation se dégradera à l’étranger, en particulier aux Etats-Unis, plus le discours chinois aura de chance d’être entendu. 

En effet, la détente qui avait permis la signature d’un accord commercial préliminaire sino-américain mi-janvier, appartient désormais au passé. Les attaques fusent de part et d’autre. Robert O’Brien, conseiller à la Sécurité nationale, déplorait que la réaction tardive de la Chine face au virus ait fait perdre deux précieux mois à la communauté internationale. Pékin clamait le contraire, affirmant que ses mesures draconiennes avaient permis au monde entier de se préparer.

Les deux premières puissances mondiales se chamaillent surtout autour de l’origine du Covid-19 : « virus de Wuhan » côté américain, contre « virus étranger » côté chinois. Alors que les premières théories complotistes venues des Etats-Unis évoquaient une fuite d’une arme biologique du laboratoire P4 de Wuhan, la Chine est désormais en position de force pour amorcer la contre-attaque. Le 27 février, l’expert chinois du coronavirus, Zhong Nanshan, suggérait que si le virus avait bien été découvert en Chine, cela ne voulait pas nécessairement dire qu’elle en était l’origine. Soulevant une large polémique, le professeur de 83 ans précisa sa pensée : « je voulais simplement dire que le lieu où le virus a été découvert n’est pas forcément celui de sa source. Cela ne veut pas pour autant dire que le virus vient de l’étranger. Seules des recherches poussées peuvent répondre à cette question ». Trop tard, la machine était lancée : même la presse officielle chinoise encourageait l’idée d’un virus venu des USA. Le fait que Robert Redfield, Directeur du CDC américain, admette que certains cas mortels de grippe aux Etats-Unis soient en fait à attribuer au Covid-19, sonnait comme un aveu pour les internautes chinois. Dans un tweet, Zhao Lijian, nouveau porte-parole du ministère des Affaires étrangères, allait plus loin en insinuant que l’armée américaine aurait importé le virus en Chine. Le diplomate faisait référence aux derniers Jeux Militaires du 18 au 27 octobre 2019, ayant rassemblé à Wuhan 9 308 athlètes de 100 pays, dont 172 Américains. Un des lieux de la compétition se trouvait à proximité du marché de Huanan… Le tweet de Zhao était reposté par au moins 9 ambassades ou diplomates chinois à l’étranger. Cette insinuation valait à Cui Tiankai, ambassadeur de la RPC à Washington, d’être convoqué par le Département d’Etat américain le 14 mars. Même la découverte affirmée par des chercheurs de deux souches différentes du Covid-19 (celle des premiers jours étant plus virulente que la seconde), suggérant une légère mutation du virus, donnait du grain à moudre à ces rumeurs.

En attendant, les autorités chinoises seraient remontées jusqu’au premier patient connu dès le 17 novembre. Et pourtant, ce résident du Hubei de 55 ans n’a pas été déclaré comme le « patient 0 ». On le voit, sur fond de rivalité sino-américaine, toute occasion est bonne pour exploiter les avancées scientifiques à son avantage. Ce contexte politique tendu pèsera sans aucun doute sur toute nouvelle découverte des chercheurs. Or, si la politique prend le pas sur la science, cette situation sera préjudiciable pour tous.

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1 Commentaire
  1. severy

    Chamailleries sino-yankees. Dispute de bac-à-sable. Tirage des cheveux et pincements de sales gosses pré-pubères. Quand la diplomatie fait place à la mauvaise foi entre morveux de bas étage. Les chiens aboient…

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