Le Vent de la Chine Numéro 11 (2020)

du 16 au 22 mars 2020

Editorial : La guerre des « on-dit »

Alors que l’OMS parle désormais de « pandémie » (89 000 cas officiels hors Chine au 16 mars), Pékin est en passe d’annoncer sa victoire contre le coronavirus. En effet, dans le pays, presque tous les signaux sanitaires sont au vert, la mégalopole de Wuhan ne devant plus présenter de nouvelles contaminations d’ici fin mars. C’est probablement ce qui amenait le Président Xi Jinping à se rendre à l’épicentre de l’épidémie pour la première fois depuis le début de la crise. Forte de son expérience, la Chine propose désormais son aide matérielle et ses experts, notamment à des pays adhérant à son initiative BRI, tels que l’Iran ou le Pakistan. Elle vendait également des équipements à l’Italie, alors qu’aucun voisin européen n’avait répondu à l’appel de Rome. Cette main tendue chinoise était perçue comme salvatrice par l’opinion publique italienne.

Si la Chine se lance dans une campagne de promotion de son « modèle de Wuhan », vantant les mérites de son système autoritaire « plus adapté que les démocraties face à une épidémie », c’est pour contrer les critiques de sa réponse tardive durant les premières semaines. Et déjà, sur les réseaux sociaux chinois, le ton change : les commentaires cinglants ont été remplacés par un sentiment de fierté, alimenté par la débâcle causée par le virus dans les pays occidentaux (qui n’ont pas tous tiré la leçon de l’expérience chinoise). Or, plus la situation se dégradera à l’étranger, en particulier aux Etats-Unis, plus le discours chinois aura de chance d’être entendu. 

En effet, la détente qui avait permis la signature d’un accord commercial préliminaire sino-américain mi-janvier, appartient désormais au passé. Les attaques fusent de part et d’autre. Robert O’Brien, conseiller à la Sécurité nationale, déplorait que la réaction tardive de la Chine face au virus ait fait perdre deux précieux mois à la communauté internationale. Pékin clamait le contraire, affirmant que ses mesures draconiennes avaient permis au monde entier de se préparer.

Les deux premières puissances mondiales se chamaillent surtout autour de l’origine du Covid-19 : « virus de Wuhan » côté américain, contre « virus étranger » côté chinois. Alors que les premières théories complotistes venues des Etats-Unis évoquaient une fuite d’une arme biologique du laboratoire P4 de Wuhan, la Chine est désormais en position de force pour amorcer la contre-attaque. Le 27 février, l’expert chinois du coronavirus, Zhong Nanshan, suggérait que si le virus avait bien été découvert en Chine, cela ne voulait pas nécessairement dire qu’elle en était l’origine. Soulevant une large polémique, le professeur de 83 ans précisa sa pensée : « je voulais simplement dire que le lieu où le virus a été découvert n’est pas forcément celui de sa source. Cela ne veut pas pour autant dire que le virus vient de l’étranger. Seules des recherches poussées peuvent répondre à cette question ». Trop tard, la machine était lancée : même la presse officielle chinoise encourageait l’idée d’un virus venu des USA. Le fait que Robert Redfield, Directeur du CDC américain, admette que certains cas mortels de grippe aux Etats-Unis soient en fait à attribuer au Covid-19, sonnait comme un aveu pour les internautes chinois. Dans un tweet, Zhao Lijian, nouveau porte-parole du ministère des Affaires étrangères, allait plus loin en insinuant que l’armée américaine aurait importé le virus en Chine. Le diplomate faisait référence aux derniers Jeux Militaires du 18 au 27 octobre 2019, ayant rassemblé à Wuhan 9 308 athlètes de 100 pays, dont 172 Américains. Un des lieux de la compétition se trouvait à proximité du marché de Huanan… Le tweet de Zhao était reposté par au moins 9 ambassades ou diplomates chinois à l’étranger. Cette insinuation valait à Cui Tiankai, ambassadeur de la RPC à Washington, d’être convoqué par le Département d’Etat américain le 14 mars. Même la découverte affirmée par des chercheurs de deux souches différentes du Covid-19 (celle des premiers jours étant plus virulente que la seconde), suggérant une légère mutation du virus, donnait du grain à moudre à ces rumeurs.

En attendant, les autorités chinoises seraient remontées jusqu’au premier patient connu dès le 17 novembre. Et pourtant, ce résident du Hubei de 55 ans n’a pas été déclaré comme le « patient 0 ». On le voit, sur fond de rivalité sino-américaine, toute occasion est bonne pour exploiter les avancées scientifiques à son avantage. Ce contexte politique tendu pèsera sans aucun doute sur toute nouvelle découverte des chercheurs. Or, si la politique prend le pas sur la science, cette situation sera préjudiciable pour tous.


Politique : La visite tant attendue

Au lendemain d’un lundi noir pour les bourses mondiales et de l’effondrement des cours du pétrole, le Président chinois Xi Jinping se rendait pour la première fois à Wuhan le 10 mars. Ayant troqué son simple masque chirurgical pour un N95 plus performant, il visitait Huoshenshan, l’un des deux hôpitaux bâtis en 10 jours et géré par l’armée, puis il s’enquérait des conditions de travail des médecins et de la santé d’un malade par vidéo-conférence (cf photo). A ses côtés, figurait le tsar de l’idéologie, Wang Huning.

Ce déplacement était bien sûr éminemment symbolique. Selon l’analyste américain Bill Bishop, la visite de Xi est l’un des trois signes permettant de penser que l’épidémie est sous contrôle – les deux autres étant la réouverture des écoles à travers le pays ainsi que l’annonce d’une date pour les « deux sessions » du Parlement. On peut sans doute y ajouter un autre élément qui ne saurait tarder : la levée des mesures de confinement au Hubei et à Wuhan. Le 11 mars, la ville de Qianjiang à 150 km de Wuhan levait ses restrictions, avant de faire marche-arrière 30 minutes plus tard…

Jusqu’à présent, seul le Premier ministre Li Keqiang avait fait le déplacement à Wuhan (27 janvier), sûrement pour éviter au leader suprême de s’exposer lui-même au virus. Pendant deux semaines cruciales de l’épidémie, était pointée du doigt l’absence de Xi de la scène médiatique, d’ordinaire focalisée sur ses moindres faits et gestes. Le Président ne faisait sa première sortie publique que le 10 février… à Pékin. Mais en affirmant être « personnellement » aux commandes depuis le début de l’épidémie, Xi se devait de venir à Wuhan à un moment ou un autre.

La veille de la visite, la CCTV était plus qu’élogieuse : « la performance de Xi témoigne de son fantastique leadership et de sa sagesse extraordinaire en tant que commandant en chef, et de sa sincérité en tant que ‘leader du peuple’ qui aime son peuple ». Pourtant, plusieurs commentaires sur Weibo étaient nettement moins dithyrambiques : « il ne vient que lorsque l’épidémie est presque finie ». Certains internautes publiaient des dessins de Sun Wukong, le légendaire roi des singes « cueillant des pêches » au paradis, symbolisant le fait de s’approprier le travail des autres…

Quelques jours avant la visite de Xi, en un excès de zèle, le nouveau Secrétaire du Parti de Wuhan, Wang Zhonglin, avait suggéré l’idée d’une « campagne éducative » pour inciter les citoyens à exprimer leur gratitude envers leur Président et le Parti. La proposition reçut un accueil particulièrement hostile sur les réseaux sociaux, « comparable à la colère ressentie lors du décès du Dr Li Wenliang » selon une note interne. Un post rapidement censuré, de l’écrivaine Fang Fang, appelait les dirigeants à « ravaler leur arrogance et à présenter leur gratitude envers leurs maîtres, les millions d’habitants de Wuhan ». Rétropédalage immédiat pour Wang Zhonglin et Ying Yong, ex-maire de Shanghai et nouveau secrétaire du Parti du Hubei, qui présentèrent leurs sincères remerciements à la population.

Gardant ce tollé à l’esprit, Xi reconnaissait durant sa visite qu’avec cette longue quarantaine, le peuple peut ressentir le besoin d’exprimer ses frustrations : « il faut les comprendre et les tolérer ». Pourtant, lors de sa visite dans une résidence de Wuhan, des policiers étaient postés à presque toutes les fenêtres pour éviter que les habitants n’interpellent négativement le Président. En effet, quelques jours plus tôt, Mme Sun Chunlan, vice-Première ministre, avait été apostrophée par des résidents mécontents de la gestion de leur approvisionnement. Dans le même registre, Ying Yong, le secrétaire du Parti, se trouvait décontenancé lors d’une visite de quartier le 26 février. En effet, aucun résident n’avait de problèmes à lui faire part : « êtes-vous sûr qu’il n’y a rien dont vous voulez me parler ? Je suis sûr qu’il y a des problèmes, et on peut les résoudre ensemble», répéta-t-il. Li Keqiang recevait la même réponse d’ouvriers d’un chantier de construction d’un des hôpitaux d’urgence fin janvier. Il s’avéra par la suite que les travailleurs manquaient de masques et que certains furent contaminés.

Le Président Xi lui-même avait dénoncé ces inspections comme un moyen inefficace de recueillir des informations de terrain. Il ne veut plus de ces retours biaisés par les cadres, faussant ainsi l’aperçu global des hauts dirigeants. Le leadership faisait le même constat à plusieurs reprises lors des manifestations à Hong Kong. « C’est l’éternel problème de la remontée de l’information vers le sommet, chaque échelon représentant un goulot d’étranglement supplémentaire nuisant à la qualité du renseignement, commente Alex Payette, cofondateur du cabinet Cercius. De plus, aucun canal d’information ne va de la société vers le Parti, c’est toujours l’inverse ». De même, la performance des cadres est toujours évaluée par leurs supérieurs, jamais par le peuple. C’est un des éléments de la « modernisation de la gouvernance » (thème du 4ème Plénum) auquel Xi Jinping veut s’attaquer.

Seul accroc à la visite de Xi : le même jour, l’interview du Dr Ai Fen, faisait des remous sur internet. La directrice du département des urgences de l’hôpital Central de Wuhan (établissement présentant le plus haut taux de contamination du personnel soignant par déni de sa direction) et collègue du lanceur d’alerte Dr Li Wenliang, raconte avoir été réprimandée pour avoir partagé avec ses pairs une photo des tests de l’un de ses patients, entourant les mots « coronavirus de type SRAS ». L’article fut vite rendu inacessible par la censure, mais les internautes chinois, comme à leur habitude, rivalisèrent d’inventivité pour s’assurer que ce précieux témoignage ne disparaisse pas complètement : des traductions en anglais, français, coréen, en braille, des versions audios, en pinyin, par paragraphes, écrites à la main ou à la verticale, émergèrent pour éviter la détection automatique. Enfin, un commentaire devenait particulièrement populaire : « ce médecin risque son travail pour cette interview, ce journaliste risque d’être accusé d’avoir fabriqué de fausses rumeurs, ce média risque d’être sanctionné pour avoir publié cet article, et les internautes risquent de voir leur compte WeChat bloqué pour avoir transféré cet article ». Alors que Xi se plaint de la mauvaise qualité de son information, les citoyens eux déplorent son contrôle.


Portrait : « La moitié du ciel » contre l’épidémie
« La moitié du ciel » contre l’épidémie

En 1955, Mao affirmait que les femmes portent la « moitié du ciel » sur leurs épaules (妇女能顶半边天). En 2020, dans la guerre contre le coronavirus, elles représentent une large partie des soldats en blanc (28 000 des 42 000 personnels médicaux envoyés dans le Hubei). Leurs sacrifices ont souvent été mis en avant par la presse officielle qui pensait ainsi leur rendre hommage. Pourtant, cette récupération à des fins propagandistes était dénoncée par certains internautes : les médias auraient dû souligner la cruelle réalité de leurs conditions de travail dans les hôpitaux au lieu de se focaliser sur leur condition féminine. Toutefois le 8 mars, à l’occasion de la journée des droits de la Femme, le Président Xi Jinping ne manquait pas de leur rendre hommage. Médecins, scientifiques, militaires, politiciennes, voici les portraits et interviews de quatre d’entre elles :

Sun Chunlan (孙春兰) 

Seule femme des 25 membres du Bureau Politique, la vice-Première ministre Sun Chunlan, 70 ans, est la plus haute dirigeante du Parti sur le terrain. Elle a été envoyée diriger les opérations à Wuhan au nom du gouvernement central dès le 22 janvier. Sun ne doit pas sa place au sommet au Président Xi Jinping, mais à son prédécesseur, Hu Jintao. De cette manière, si les choses dérapent et que Sun se compromet, cela n’affectera pas la garde rapprochée de Xi. De plus, son portfolio ministériel comprend la santé, il était donc tout naturel de l’envoyer sur place, tout de même assistée de Chen Yixin, fidèle du Président Xi. Son rôle rappelle celui de Mme Wu Yi, « dame de fer » dans la même position que Sun pendant le SRAS en 2003.

Même si ses apparitions publiques sont régulières depuis le début de l’épidémie, Sun n’occupe qu’une petite partie de la couverture médiatique, habituée à faire profil bas. Pourtant, elle n’échappait pas à la polémique le 5 mars. Lors d’une tournée d’inspection dans une résidence, Sun était interpellée par une poignée d’habitants : « tout est faux » criaient-ils depuis leurs fenêtres. Ils dénonçaient la mise en scène des gérants de la propriété, ayant organisé une livraison de produits de première nécessité par de faux bénévoles. Suite à cet épisode, Sun réprimandait les responsables ayant tenté de dissimuler ces problèmes d’approvisionnement.

Née en 1950 dans le Hebei, Sun est issue d’un milieu modeste. Fille d’ouvriers, elle a commencé sa vie professionnelle à 21 ans en tant que petite main dans une usine publique d’horlogerie du Liaoning. Elle intégra successivement la Ligue de la jeunesse, la Fédération des Femmes, et l’Union des travailleurs (syndicat unique) – positions considérées par le Parti comme bien adaptées aux femmes, et pas vraiment recherchées par les hommes.

Sa carrière décolla vraiment en 1992-1993, lorsqu’elle fut enrôlée à l’Ecole Centrale du Parti. C’est dans ce fief réformateur qu’elle rencontra le futur Président Hu Jintao – directeur jusqu’en 2002. En 2001, Sun devenait Secrétaire à Dalian où elle s’appliqua avec un certain flair politique, à démanteler les réseaux de son prédécesseur Bo Xilai (bien avant sa chute). Ses efforts furent récompensés par une promotion à Pékin en 2005 en tant que n°2 du Syndicat unique national. C’est à elle que la Chine doit l’implantation jusqu’alors négligée, de structures syndicales dans les entreprises étrangères. En 2009, le Président Hu Jintao lui confia les rênes du Fujian, où elle fournira des résultats honorables, en associant systématiquement à tout projet (usine ou infrastructure) une touche de protection de l’environnement.

En 2012, grâce au soutien du Premier Secrétaire Hu, elle monte au Bureau Politique en tant que Secrétaire du Parti à Tianjin. C’est un peu une « patate chaude » qui lui est transmise, car elle se retrouve confrontée à des problèmes anciens et épineux à Tianjin – une croissance artificielle basée sur un surinvestissement public, une nouvelle place financière qui ne décolle pas, un port mal géré (trop de pondéreux polluants, stockage hors contrôle des produits dangereux). D’ailleurs, l’explosion du port n’interviendra qu’après son départ en 2014. Son bilan à Tianjin, et son affiliation notoire à l’équipe de Hu Jintao lui valent en décembre 2014, sous Xi Jinping, une promotion à la tête du Département du Front Uni. Le poste s’était libéré suite à la chute pour corruption de son Président, l’ancien bras droit de Hu Jintao, Ling Jihua.

En 2017, à 67 ans, Sun devenait vice-Première ministre en charge de l’éducation, de la santé et la culture, suivant les traces de Mme Liu Yandong, sa prédécesseur. Sun devrait logiquement prendre sa retraite lors du 20ème Congrès en 2022, mais elle restera un modèle pour les femmes chinoises, l’exemple d’une courageuse course solitaire au sein de ce club d’hommes qu’est le PCC. Lors du dernier Congrès en 2017, elles n’étaient encore que 10 dans la liste des 204 membres du Comité Central.

Chen Wei (陈薇)

Le 3 février, le nom du major-général Chen Wei, 54 ans, était parmi les plus recherchés sur Weibo. Bien plus jeune que l’expert national Zhong Nanshan (83 ans), ou Mme Li Lanjuan (73 ans) membre du panel de la Commission Nationale de Santé, Chen est une des meilleures expertes du pays en armes biologiques. Forte d’une vaste expérience anti-épidémique et ayant longuement étudié les coronavirus depuis le SRAS en 2003, elle a été envoyée à Wuhan le 26 janvier pour coordonner les efforts entre le personnel médical militaire et les équipes locales. Depuis un laboratoire de fortune installé sous une tente, son équipe a notamment étudié la transfusion de plasma de convalescent. Pour éviter que le personnel soignant n’attrape le virus, Chen a également préconisé l’utilisation d’un spray nasal qu’elle avait mis au point pendant le SRAS. Même si les résultats sont encourageants, le spray ne pourra pas être produit en masse, car sa formule est trop coûteuse. Début février, elle prenait finalement ses quartiers à l’Institut de Virologie de Wuhan, qui dispose d’un laboratoire « P4 » de niveau de sécurité biologique maximum, le seul en Chine. C’est au sein de ce « P4 » que l’équipe de Chen Wei aurait réussi à développer un vaccin candidat ainsi qu’un médicament préventif destiné aux personnes ayant été en contact avec des patients atteints du Covid-19. Une photo de Chen, recevant une injection devant un drapeau du Parti, circulait sur web : elle aurait tenu à être la première à tester le vaccin.

Née dans la petite ville de Lanxi dans le Zhejiang en février 1966, Chen voulait devenir enseignante avant que sa professeure de physique ne la persuade de poursuivre des études scientifiques. Une licence de chimie en poche, Chen fut admise à la prestigieuse université de Tsinghua à Pékin en 1988. A 23 ans, lors d’un voyage dans un train bondé à destination de Jinan (Shandong), elle rencontra son futur mari, Ma Yiming, 35 ans, employé dans un établissement viticole de Qingdao. En 1991, un de ses professeurs l’envoyait récupérer quelques tubes à essai à l’Académie militaire des Sciences médicales. Elle y découvrit des équipements encore plus avancés que ceux de son université, mais aussi sa vocation : quelques mois plus tard, après avoir obtenu son master, elle rejoignait les rangs de l’Armée Populaire de Libération, et déclinait une offre de recrutement très bien payée à Shenzhen. Sept ans plus tard, elle obtenait son doctorat.

Très impliquée lors du SRAS en 2003, Chen dut se séparer de sa famille pendant de longs mois. Son mari se rappelle bien de cette période : « lorsque notre fils de 4 ans a vu sa mère à la télévision, il embrassa l’écran » (cf photo). Pour soutenir Chen dans ses recherches, Ma se charge des tâches ménagères : « ce serait un gâchis de ses talents que de la laisser faire le ménage », déclarait-il dans une interview à la CCTV.

Femme de terrain, elle participa aux efforts de reconstruction après le tremblement de terre dans le Sichuan en 2008. Lors des Jeux Olympiques de Pékin deux mois plus tard, elle faisait partie de l’équipe de commandement en cas d’attaque biologique terroriste. En 2015, elle s’envolait au Sierra Leone avec l’ambition de trouver un vaccin au virus Ebola. Le 10 juillet de la même année, Chen était élevée au rang de major-général par le Président Xi Jinping – la seule femme promue ce jour-là. Elle prenait la place de Dong Youxin, major-général tombée pour corruption (7 millions de yuans) trois semaines plus tôt. En 2018, Chen Wei devenait membre de la Conférence consultative du Peuple (CCPPC).Jusqu’à présent peu connue du grand public, cette épidémie l’a propulsée sous les projecteurs.

Shi Zhengli (石正丽)

Scientifique chevronnée, Shi Zhengli est spécialiste des maladies retrouvées chez les chauves-souris. Après plus de 10 ans de travail, dont des centaines d’heures passées dans des grottes de 28 provinces chinoises, Dr Shi a bâti la plus grande base de données au monde sur ces animaux nocturnes. Ces recherches lui valurent le surnom de « reine des chauves-souris » (蝙蝠女王). Shi est aussi la n°2 du laboratoire « P4 » de Wuhan, et la directrice du « P3 ».

Le 20 janvier dernier, son équipe découvrait que les caractéristiques du nouveau coronavirus n’étaient qu’à 79,5% semblables à celles du SRAS, mais partageaient 96% des traits du RaTG13, virus que l’on retrouve chez une espèce de chauve-souris, soupçonnant ainsi avoir trouvé l’animal réservoir du Covid-19. Alors qu’un tel travail mériterait sûrement une certaine reconnaissance, Shi fut accusée d’avoir fabriqué ce virus ou d’être responsable de sa fuite. Invitée le 9 mars par Tencent lors d’une session en live-streaming, elle se défendait à nouveau : le virus n’est aucunement fabriqué par l’Homme. Par contre, les multiples nettoyages du marché de Huanan ont rendu difficile de tracer l’hôte intermédiaire du virus. Beaucoup d’échantillons d’espèces animales ont été détruits. « Notre seule chance pour en retrouver l’origine est d’enquêter auprès des patients et des vendeurs : avec quels animaux ont-ils été en contact ? D’où ces animaux venaient-ils » ? Le 3 mars, elle retournait pour la seconde fois au marché de Huanan, en quête de nouveaux échantillons. Déçue, elle confiait n’avoir rien trouvé de plus que le CDC national.

Née dans le Henan en mai 1964, Shi recevait sa licence en génétique de l’Université de Wuhan en 1987, puis son master de l’Institut de Virologie de Wuhan en virologie moléculaire en 1990, et intégra l’institut dans la foulée. Six ans plus tard, elle débutait un doctorat à l’Université de Montpellier 2, qu’elle obtenait en 2000. En 2005, son équipe prouvait qu’une espèce de chauve-souris retrouvée au Yunnan était bien l’animal « réservoir » du SRAS. L’année suivante, elle suivait une formation de biosécurité à Lyon au laboratoire P4 Jean Mérieux – Inserm. A partir de 2014, Shi reçut plusieurs bourses du gouvernement chinois et américain pour financer ses recherches sur les coronavirus. En novembre 2015, elle co-signait avec des chercheurs américains, un article publié par Nature Medicine révélant avoir créé un virus hybride constitué d’un coronavirus retrouvé chez les Rhinolophes et de la structure d’un type de SRAS présent chez les souris. Leur étude démontrait que le nouveau virus était capable d’infecter les cellules respiratoires humaines. A l’époque, d’autres virologues s’inquiétèrent de ces expérimentations : « si le virus s’échappait, sa trajectoire serait imprévisible », commentait Simon Wain-Hobson de l’Institut Pasteur de Paris. « Le seul impact de ces recherches est la création dans un laboratoire d’un nouveau risque non-naturel », selon le microbiologiste américain Richard Ebright. En juin 2016, Shi était faite Chevalier de la Légion d’honneur par le gouvernement français pour sa contribution dans l’ouverture du premier laboratoire P4 de Chine à Wuhan. En janvier 2019, ses recherches sur les virus retrouvés chez les chauves-souris remportaient le 2èmeprix du Concours national des sciences naturelles. Lors de sa dernière interview, Shi déclarait : « Je ne m’attendais pas à ce que le nouveau coronavirus de type SRAS surgisse fin 2019, qui plus est, dans la ville où je vis (…) Après avoir été la cible de tant de polémiques, je vis dans la crainte ».

Dr Liu Man

Parmi les milliers de médecins anonymes qui luttent contre le Covid-19 à travers le pays, le Dr Liu Man (pseudonyme) a été confrontée au virus dès mi-janvier dans son hôpital spécialisé de Pékin. « Je m’estime chanceuse, nos conditions de travail sont bien meilleures ici qu’à Wuhan, nous n’avons pas connu de pénurie d’équipements et nous disposons d’assez de soignants pour mettre en place des rotations. De plus, nous avons de moins en moins de patients ces jours-ci », affirme-t-elle.

« Je ne cache pas qu’au début de l’épidémie, j’ai eu peur. Aujourd’hui, on en sait chaque jour un peu plus sur le virus, et cela nous permet de mieux travailler » confie-t-elle.« Les premières fois où j’ai enfilé ma combinaison protectrice, j’ai mis énormément de temps. Maintenant, je suis bien entrainée : je peux être prête en 15 minutes chrono et aller au contact des malades sans craindre d’attraper le virus. A l’inverse de ce que certains médias ont pu rapporter dans d’autres établissements, je n’ai pas eu à me couper mes cheveux ».

Comme tous les autres médecins du pays, le véritable casse-tête pour le Dr Liu est de trouver le meilleur traitement pour soigner ses patients: « à ce jour, il n’existe aucun remède, ni vaccin. On peut seulement donner aux malades un traitement symptomatique et des anti-inflammatoires. On a également recours à la médecine traditionnelle chinoise (TCM) pour booster leurs systèmes immunitaires ». Et les résultats sont plutôt bons : sur les 150 cas traités par son hôpital, seul un patient est décédé.

Malgré une certaine fatigue et un stress accumulé, le Dr Liu peut compter sur le soutien de son mari :« on vit toujours ensemble, dans le même appartement. Et si je fais bien attention à me protéger, ce n’est pas seulement pour moi, mais pour lui aussi ». Et les familles des patients ? « L’Etat prenant en charge tous les frais d’hospitalisation, les proches sont libérés des contraintes financières. Les familles sont particulièrement reconnaissantes de notre travail, même s’ils ne peuvent pas rendre visite à leur malade, ils nous font totalement confiance. Ils savent que nous faisons de notre mieux ».


Santé : La médecine traditionnelle en renfort

Voilà qui s’appelle faire contre mauvaise fortune, bon cœur. L’épidémie de coronavirus s’est transformée en occasion pour la Chine de prouver les mérites de sa médecine traditionnelle (MTC).

Dès les années 50, Mao y voyait une alternative à la médecine classique, moins coûteuse et accessible à tous. 70 ans plus tard, la MTC bénéficie toujours d’un soutien au plus haut niveau, le Président Xi Jinping l’ayant qualifiée de « trésor de la civilisation chinoise ». De fait, la MTC n’a jamais manqué une épidémie. En 1988, les autorités shanghaiennes conseillaient le Banlangen, habituellement utilisé en cas de rhume, pour lutter contre une épidémie d’hépatite A (attribuée à la consommation de palourdes crues). Des mots d’un médecin de l’époque, « prescrire du Banlangen visait surtout à rassurer la population ». Ce remède faisait son grand retour durant le SRAS en 2003. Dix ans plus tard, lors de l’épidémie de grippe aviaire, c’était le Shuanghuanglian, sirop contre la toux et la fièvre qui avait les faveurs des consommateurs. Ainsi, dès les premiers jours de l’épidémie de Covid-19, le leader chinois appelait à combiner la médecine traditionnelle chinoise avec les traitements occidentaux.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Plus de 4 900 praticiens MTC furent envoyés dans le Hubei. Selon Xu Nanping, vice-ministre des Sciences et Technologies, 85% des patients en Chine ont bénéficié de ce traitement combiné. Et les médecins mirent les bouchées doubles : dans le Shanxi, une décoction fut mise au point en huit jours seulement, au lieu de plusieurs mois en temps normal. Dans la province, 98,5% des patients ont reçu ce remède, et 91,5% d’entre eux ont présenté des signes encourageants.

Surfant sur un sentiment de fierté nationale, la presse officielle regorge de statistiques témoignant de l’efficacité de la MTC pour soulager les symptômes des malades. Certains médecins affichent leur scepticisme : « pourquoi donner à autant de patients des remèdes de médecine traditionnelle ? Du coup, on ne peut observer clairement ni les effets de la médecine classique, ni de la MTC seule. La science est la base de la médecine, et la science doit être vérifiable, peu importe le type de traitement prescrit – c’est irresponsable de donner certains remèdes aux patients avant de s’être assuré de leur efficacité et de leur sûreté ». En effet, aucune étude clinique sérieuse sur les effets de la MTC sur le Covid-19 n’a été publiée à ce jour. Si l’artémisine a été reconnue internationalement comme efficace contre le paludisme, de nombreux ingrédients issus de la pharmacopée traditionnelle chinoise doivent encore faire leurs preuves en laboratoire. Pourtant, un article publié au Chinese Journal of Integrative Medicine recommandait la racine d’Astragale (黄芪, huángqí) et de réglisse (甘草, gāncǎo), le rhizome de Sermontain (白术, báizhú), le chèvrefeuille (金银花, jīnyínhuā) et le forsythia (连翘, liánqiáo), à titre préventif contre le Covid-19. L’agence Xinhua relatait également les bienfaits de la décoction Qingfei Paidu sur les poumons.  Sa composition a été décrite, il y a près de 2000 ans, dans le « Shanghan Lun », l’un des quatre ouvrages de référence de la MTC. Cette mixture d’éphédra, de racine de réglisse chinoise, de noyau d’abricot, de rhizome de gingembre et d’igname, ainsi que d’une quinzaine d’autres ingrédients, est réputée purifier et détoxifier les poumons. Des centaines de milliers de doses ont été distribuées aux hôpitaux, dont 390 000 à Wuhan et 500 000 dans le reste de la province du Hubei. Début janvier, un commentaire similaire sur le sirop Shuanghuanglian provoquait une rupture de stock dans les pharmacies, et ce malgré un démenti sur son efficacité publié dès le lendemain par le Quotidien du Peuple… 

Or, la promotion de cette médecine antique est moins un enjeu national, où elle est déjà très populaire, qu’international, allant de pair avec la montée en puissance chinoise sur la scène mondiale. Petite victoire début mars, l’OMS enlevait les « remèdes traditionnels à base de plantes » de sa liste des traitements potentiellement dangereux ou inefficaces. L’organisation onusienne, faisant preuve d’une sinophilie certaine ces dernières semaines, affirmait que quelques traitements MTC pourraient aider à traiter certains symptômes légers du Covid-19. Déjà en 2018, fruit des efforts de sa précédente directrice, la Hongkongaise Margaret Chan, l’OMS ajoutait la médecine traditionnelle chinoise à sa classification internationale (CIM). Une décision qui faisait bondir certains experts étrangers, pointant le manque de preuves scientifiques. D’autres s’inquiètent que la MTC puisse remplacer des médicaments à l’efficacité prouvée, présentant ainsi un réel danger. Chaque année, la FDA chinoise reçoit plus de 230 000 plaintes liées aux effets secondaires de la MTC. Cette dernière est également très controversée pour son usage de corne de rhinocéros, de bile d’ours ou d’os de tigre, pour ne citer que ceux-là. Et malgré la récente interdiction du commerce et de la consommation d’animaux sauvages décrétée par le gouvernement chinois, leur usage continuera à être toléré « à des fins médicales ». Pour autant, l’OMS défend sa stratégie d’intégration de la MTC pour promouvoir un accès universel aux soins. Cela tombe bien, c’est aussi l’objectif de la Chine, notamment à travers son initiative Belt & Road (BRI) ! On le voit bien, jamais le débat autour de la médecine traditionnelle chinoise n’aura été aussi politisé.


Santé : Les prémices d’une épidémie

Dans cette « guerre du peuple » contre l’épidémie, il y a eu un « avant » et un « après » 20 janvier, jour de la première prise de parole du professeur Zhong Nanshan, éminent pneumologue chinois qui avait découvert le virus du SRAS en 2003, puis des premières directives du Président Xi Jinping. Selon de nombreux observateurs, une « fenêtre d’opportunité » décisive d’au moins trois semaines a été manquée par les autorités. Une gestion de crise comparée par certains internautes chinois à la catastrophe de Tchernobyl, pour avoir caché la vérité…

[ Cette chronologie sera mise à jour au fur et à mesure des révélations ].

Le premier malade

Officiellement, le premier malade présentait des symptômes du COVID-19 dès le 8 décembre. C’était un commerçant du marché aux fruits de mer de Huanan, aussi connu pour ses « mets » sauvages. Situé à un kilomètre de la gare ferroviaire de Hankou, les 600 échoppes du marché y jouissaient d’une affluence quasi quotidienne malgré des conditions sanitaires douteuses. Pourtant, des scientifiques chinois révélaient le 24 janvier dans la revue scientifique The Lancet que 14 des 41 premiers patients n’avaient pas visité le marché, suggérant que Huanan n’était pas l’unique source de contamination. Le patient 0 aurait été  hospitalisé à l’hôpital Jinyintan de Wuhan dès le 1er décembre et n’était pas allé au marché incriminé… Compte tenu de la période d’incubation (jusqu’à 27 jours dans certains rares cas), cela laisse à penser que d’autres malades ont pu émerger dès novembre, sans être détectés. Et effectivement, le 13 mars, les autorités remontaient jusqu’au premier patient connu dès le 17 novembre, sans qu’il soit toutefois considéré comme le patient zéro. 

Le 26 décembreZhang Jixian, Directrice du Département des maladies respiratoires du Hubei Provincial Hospital of Integrated Chinese and Western Medicine, reçut un couple de personnes âgées et leur fils, souffrant tous trois d’une pneumonie d’un genre inconnu, suggérant que la maladie était infectieuse. Le même jour, un marchand de Huanan se présentait avec les mêmes symptômes. Sans tarder, elle envoya des échantillons à un laboratoire shanghaien. Le 27 décembre, Dr Zhang alertait un des doyens de l’hôpital, qui informait à son tour le Centre de Contrôle Epidémiologique (CDC) de Wuhan. Trois autres commerçants de Huanan furent hospitalisés dans les 48h qui suivirent. Après avoir eu vent de cas similaires dans d’autres établissements de la ville, le doyen informa ensuite le CDC de la province. Les deux CDC (Wuhan et Hubei) concluaient que malgré le cas connu de contamination au sein d’une même famille, le virus n’était pas transmissible entre humains. Depuis, le Dr Zhang est connue à travers le pays pour avoir diagnostiqué les sept premiers cas du COVID-19 et avoir été la première à avoir alerté les autorités selon la chronologie officielle. Elle fut récompensée le 6 février. Hasard malheureux, le soir même, le lanceur d’alerte Li Wenliang décédait

Pourtant Lu Xiahong, Directrice du Service de gastroentérologie de l’Hôpital n°5 de la ville, confiait au China Youth Daily avoir entendu dès le 25 décembre qu’une pneumonie virale inconnue commençait à se répandre parmi le personnel soignant – trois semaines avant que les autorités ne le reconnaissent officiellement. [NDLR : au 14 février, ils étaient 1716 médecins et infirmières contaminés dans le pays entier, dont 1502 dans le Hubei (1102 à Wuhan) selon le CDC national, soit 3,8% des cas. Selon d’autres estimations non officielles, jusqu’à 30% du personnel soignant aurait été contaminé. Le 26 février, une équipe de l’OMS avancait un chiffre de 3387 cas parmi le personnel médical].

Fin décembre, au moins 9 échantillons de différents patients avaient été envoyés par plusieurs hôpitaux de Wuhan à divers laboratoires du pays, Shanghai, Canton (Vision Medicals, Weiyuan Gene Technology), Shenzhen (BGI Gene), Pékin (CapitalBio Medlab, Boao Medical Laboratory). Tous revinrent avec le même diagnostic : un nouveau coronavirus de type SRAS. Le premier résultat fut communiqué dès le 27 décembre à son hôpital commanditaire.

Le 30 décembre, un message interne de la Commission Municipale de la Santé fuitait sur les réseaux sociaux, déclarant que plusieurs cas de pneumonie virale d’origine inconnue avaient été découverts mais qu’aucun département ni individu n’était autorisé à communiquer sur le sujet. Le même jour, les docteurs Li Wenliang (ophtalmologue au Wuhan Central Hospital), Xie Linka (oncologue au Wuhan Union Hospital), et Liu Wen (neurologue au Wuhan Red Cross Society Hospital) avertissaient leurs amis de ne pas se rendre près du marché en question et de se protéger…

Du côté du CDC national, le système voulait qu’il soit averti quotidiennement, et qu’une alarme soit tirée à Pékin dès que le nombre de cas de pneumonie infectieuse dépasserait les cinq. En mars 2019, son directeur général Gao Fu affirmait encore qu’il était impossible qu’un SRAS « bis » ne se reproduise avec un tel mécanisme. Pourtant, aucune alerte n’a été tirée durant tout le mois de décembre. A l’hôpital Central de Wuhan (celui du Dr Li Wenliang et du Dr Ai Fen), les médecins étaient interdits de déclarer leurs cas de pneumonie indéterminée dans le système informatique du CDC par leur direction et les autorités locales jusqu’à mi-janvier. Un médecin d’une clinique de Wuhan déclarait n’avoir jamais eu connaissance d’un tel système, et même s’il l’avait su, il ne l’aurait pas utilisé : « on ne gagne rien à reporter de tels cas« .  Du coup, c’est le directeur Gao lui-même qui joua le rôle de sentinelle : ayant eu vent sur WeChat de la note interne de la Commission Municipale de Santé de Wuhan le 30 décembre au soir, il s’inquiéta que le système d’alerte n’ait pas été déclenché. Dans la foulée, il avertissait la Commission Nationale de Santé, qui prevenait à son tour le bureau de l’OMS à Pékin, prouvant ainsi que les autorités centrales étaient informées de la situation dès cette date. Une première équipe de plusieurs spécialistes pékinois était dépêchée par la Commission Nationale de Santé le 31 décembre. Une seconde délégation sera envoyée entre le 8 et le 16 janvier, dont Feng Zijian, vice-directeur du CDC national. [ Des chercheurs de cette dernière entité découvriront plus tard (20 février), qu’au moins 104 personnes avaient été infectées, dont 15 étaient décédées au 31 décembre ].

Alors que la première délégation d’experts pekinois était en chemin, la Commission Municipale de Wuhan communiquait pour la première fois le 31 décembre : « 21 personnes souffrent d’une pneumonie inconnue ». [ Au 13 mars, en testant à posteriori les échantillons de différents patients diagnotisqués d’infection ou de pneumonie, le bilan du Covid-19 au 31 décembre était en fait de 266 cas, et 381 cas au 1er janvier ].

Les trois premiers jours de 2020, le Bureau de la Sécurité Publique de Wuhan et la police rappelaient à l’ordre une poignée de citoyens pour « propagation de fausses rumeurs » sur les réseaux sociaux, dont trois médecins.

Selon Caixin, le 1er janvier, un cadre de la Commission de Santé du Hubei ordonnait la destruction des échantillons cités plus haut et interdisait les laboratoires de communiquer sur le sujet. Même son de cloche 48h plus tard, de la Commission Nationale de Santé qui enfonçait le clou en renouvelant cette interdiction.

Le 2 janvier, Wang Yanyi, directrice de l’Institut de Virologie de Wuhan, recevait de la Commission Nationale de Santé la stricte interdiction de communiquer toute donnée liée à l’épidémie, même à la presse officielle.

Le 3 janvier (44 patients), la Commission de Santé de Wuhan conservait un ton rassurant, suggérant que la fermeture le 1er janvier du marché incriminé devait stopper le virus à la source, et qu’il n’y avait aucune preuve que celui-ci se transmettait entre humains. Ce jour là, le gouvernement chinois communiquait pour la première fois auprès des Etats-Unis sur cette épidémie naissante, selon la porte-parole Hua Chunying.

Le 5 janvier, la Commission de Santé de Wuhan ajoutait que les citoyens devaient éviter les endroits bondés ou renfermés, ou porter un masque le cas échéant. Le même jour, un laboratoire de Shanghai avertissait le Commission Nationale de Santé avoir identifié un nouveau virus dangereux. Le lendemain, le CDC national émettait un avertissement d’urgence de niveau 2.

Dès le 7 janvier, le Président Xi Jinping ordonnait de contenir l’épidémie, lors d’une réunion du Comité Permanent. [ Cette information majeure ne sera révélée que le 15 février, visant à dédouaner le Président de toute accusation d’inaction ].

24h plus tard, les experts envoyés par la Commission Nationale de Santé cette fois, interrogeaient à plusieurs reprises les cadres locaux à propos d’une potentielle contamination du personnel médical. « A chaque fois, ils nous répondaient non, confessait un expert de la délégation à Caijing, mais nous étions tous suspicieux du contraire ». 

Le premier décès recensé fut celui d’un marchand de Huanan de 61 ans, le 9 janvier. Sa mort fut rendue publique 48h plus tard par la Commission de Santé de Wuhan. Elle omettait toutefois un petit détail : son épouse, n’ayant pas fréquenté le marché, avait présenté des symptômes de la maladie cinq jours après son mari…

Le 14 janvier, la Commission Nationale de Santé tenait une réunion avec ses branches locales, durant laquelle elle appelait celle de Wuhan à prendre des mesures strictes pour contrôler l’épidémie avant le Nouvel An chinois. Pourtant, la Commission Nationale de Santé ne donna aucun avertissement au public avant le 20 janvier. [ Les minutes de cette réunion ne furent publiées que le 27 février, comme pour se justifier d’avoir donné ses consignes à temps ].

Jusqu’au 15 janvier, selon le Dr Peng Zhiyong, la méthode de diagnostic décrétée par la Commission Municipale de Santé, était la suivante : seules les personnes ayant fréquenté le marché de Huanan, présentant une fièvre et des signes de pneunomie, pouvaient être considérées comme atteintes de la « mystérieuse pneumonie ». Ainsi, le fait de rendre le critère de fréquentation du marché obligatoire pour confirmer un cas de Covid-19, a conduit à passer à côté de nombreux cas de personnes sans contact avec le marché, ayant probablement contracté le virus via une autre personne.

Une course aux publications scientifiques

Fin décembre, deux équipes de scientifiques se lançaient dans l’identification du virus. L’équipe de l’Institut de Virologie de Wuhan (le seul laboratoire P4 du pays) dirigé par le Dr Shi Zhengli, recevait des échantillons le 30 décembre. Les chercheurs identifièrent un nouveau coronavirus le 2 janvier, et isolèrent le pathogène le 5 janvier. Selon les instructions de la Commission Nationale de Santé, ils intégrèrent le résultat de leurs recherches le 9 janvier à un fichier national, mais ne reçurent probablement pas l’autorisation de communiquer leurs découvertes au public, ce qui leur vaudra des critiques par la suite.

En parallèle, une autre équipe menée par le Dr Zhang Yongzhen, professeur au Centre de santé publique de Shanghai affilié à l’Université de Fudan, étudiait les échantillons envoyés par le Dr Zhang Jixian depuis le 26 décembre. Le 5 janvier, ils identifièrent le nouveau virus et séquencèrent son génome entier le 9 janvier. Sans le feu vert des autorités, ils partagèrent le 11 janvier leurs résultats sur des plateformes internationales afin d’alerter l’opinion publique, car la Commission Nationale de Santé n’avait pas réagi jusque-là (depuis le 5 janvier). Quelques heures plus tard, cette dernière était contrainte de partager ces résultats avec l’OMS, au nom de l’institut de Virologie de Wuhan. Le lendemain, à titre de punition, le laboratoire shanghaïen était prié par la Commission de Santé de Shanghai de fermer ses portes pour « rectification« . Au 1er mars, après quatre demandes de réouverture, le centre était toujours fermé…

Quoiqu’il en soit, ces prouesses furent saluées pour leur rapidité par la communauté scientifique internationale. A partir de ce moment, une certaine compétition entre les différents laboratoires des quatre coins du pays débuta, menant à une course aux publications scientifiques dans les revues The Lancet et le New England Journal of Medicine (au moins six d’équipes chinoises au 31 janvier). L’une d’entre elles, cosignée par Gao Fu et Feng Zijian, directeurs au CDC national, révélera plus tard (le 29 janvier) que la preuve d’une transmission entre humains était avérée dès les premiers jours de janvier. Se défendant de toute rétention d’informations de la part du CDC, Feng déclarait n’avoir obtenu ces données que le 23 janvier et avoir réalisé une étude rétrospective.

Pour éviter toute nouvelle situation embarrassante pour le pouvoir, une directive du Ministère de l’Information rappelait le 30 janvier que « chaque projet de recherche doit d’abord servir les intérêts de la nation », et conseillait aux chercheurs « d’utiliser les résultats de leurs recherches pour lutter contre le virus, plutôt que de les publier dans des magazines scientifiques ». Le 11 février, un article signé d’un groupe de scientifiques étrangers (dont deux membres du Comité d’urgence de l’OMS) et publié par the Lancet, déplorait les 17 jours entre l’obtention des premiers échantillons et la première communication.

Pas de quoi s’inquiéter !

Le 11 janvier, la Commission Municipale de Santé réaffirmait son engagement à sensibiliser le public à se protéger, et faire de son mieux pour enquêter sur l’origine du virus [Il s’avérera par la suite que les différentes désinfections du marché de Huanan et la destruction des marchandises ont rendu le travail d’identification de l’animal « hôte intermédiaire» très compliqué, selon le chasseur de virus américain Walter Ian Lipkin].

Wang Guangfa, pneumologue de renom envoyé par Pékin pour évaluer la situation, déclarait dans une interview le même jour que la situation était « évitable et contrôlable » [Moins de deux semaines plus tard, il dévoilera avoir été contaminé par le virus, « probablement par contact oculaire, n’ayant pas porté de lunettes protectrices »].

Aucun nouveau cas ne fut déclaré entre le 3 et 16 janvier, donnant l’impression que la maladie était sous contrôle et appartenait au passé. Ce silence radio coïncidait avec l’agenda politique local. En effet, les « Deux Assemblées » provinciales, grand rendez-vous politique de l’année, avaient lieu du 6 au 11 puis du 12 au 17 janvier. Pendant ce temps, aucune mesure de contrôle épidémique n’était prise à Wuhan. Bien au contraire ! Les autorités de la ville distribuèrent des milliers de tickets pour encourager le tourisme dans la région pendant les vacances. Une communauté de Wuhan organisait même son traditionnel banquet géant de 13 986 plats (cf photo), destiné à 40 000 résidents le 18 janvier. Jusqu’au 19 janvier, aucun haut cadre de la province du Hubei ni de Wuhan n’avait l’épidémie galopante comme priorité à son agenda.

Le 15 janvier, dans un « questions/réponses » publié sur son site internet, la Commission Municipale de Santé changeait légèrement de ton : « la possibilité d’une transmission interhumaine ne peut être exclue, mais le risque est limité ». Plusieurs cas au sein d’une même famille étaient confirmés le même jour. Entretemps, un premier cas était détecté en Thaïlande le 13 janvier, puis un autre au Japon le 16 janvier. Sur internet, ces annonces suscitaient le scepticisme des internautes : « le virus traverse les frontières mais ne sort pas de Wuhan » ! [ Les premiers cas hors de Wuhan, dans le Guangdong, à Pékin et Shanghai furent seulement révélés au public le 20 janvier. En fait, les malades étaient hospitalisés dès le 4 janvier, 12 janvier et 15 janvier selon Caixin. Le 18 février, une équipe de chercheurs du CDC national évaluaient qu’avant le 31 décembre, les cas étaient uniquement localisés au Hubei, en dix jours (au 10 janvier), des cas était déclarés dans 20 provinces, et les 10 jours suivants (au 20 janvier), dans 30 provinces (et municipalités). Cette conclusion révèle que des cas étaient bien déclarés dans tout le pays bien avant que ce concède la chronologie officielle].

Après un hiatus de près de deux semaines, le COVID-19 reprit sa courbe épidémiologique « exponentielle » : le 17 janvier avec 4 nouveaux cas déclarés, puis 3 nouveaux cas le 18, 17 nouveaux cas le 19,  59 nouveaux cas le 20 , 60 nouveaux cas le 21 janvier…

Le 19 janvier, la Commission Nationale de Santé faisait sa première déclaration depuis décembre : « l’épidémie est contrôlable. Le mode de transmission du virus n’est pas encore connu, ni son origine ».

Le tournant du 20 janvier

Pékin appela alors à la rescousse le fameux professeur Zhong Nanshan, 83 ans, qui avait alerté à l’époque la population sur la dangerosité du SRAS. Le 20 janvier, le docteur Zhong validait que la transmission interhumaine était « possible même si limitée ». Il dévoilait aussi que 14 membres d’une équipe médicale avaient été contaminés par un seul patient. Répondant à l’animateur Bai Yansong dans son émission télévisée « News 1+1 », il déconseillait aux habitants de quitter Wuhan ou de s’y rendre. [Le Dr Zhong aurait également poussé pour mettre la ville en quarantaine].

La réapparition de Zhong sur la scène publique donnait instantanément un autre ton à la situation. Rappeler le vieil homme avait à la fois pour but d’alerter la population mais aussi de l’assurer de la transparence des autorités grâce à sa légitimité gagnée lors du SRAS en 2003. Un internaute plaignait le professeur : « c’est toujours à lui que revient la tâche d’annoncer les mauvaises nouvelles à la nation ». Plus tard, le docteur Zhong était nommé à la tête d’un groupe de 13 experts.  

Tout juste revenu d’une visite officielle en Birmanie, le Président Xi Jinping donna ses premières directives officielles le 20 janvier. Dans la ligne du Président, la Commission Centrale Politique et Légale enfonçait le clou le 21 janvier : « toute tentative de dissimulation des informations serait punie par une mise au pilori pour 10 000 ans ». A Wuhan, cela n’empêcha pas les hauts cadres de se réunir lors d’un spectacle de fin d’année. Curieusement les journalistes présents dans la salle, relatèrent que les danseurs avaient donné le meilleur d’eux-mêmes pour offrir un beau show aux dirigeants « malgré leurs nez bouchés, frissons et autres gènes physiques ». [ Les photos de la soirée firent scandale après coup, donnant l’impression que les élites n’étaient pas du tout concernées par l’inquiétant virus qui prenait ses quartiers dans la ville ].

Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase pour Zhang Ouya, journaliste au Hubei Daily, qui poussa un coup de gueule, appelant à la démission des dirigeants. Avant sa censure, son appel devint viral sur internet.

Le 23 janvier à 2h du matin, les autorités annonçaient subitement une mise en quarantaine de la mégalopole de Wuhan effective à 10h, seulement deux jours avant le Nouvel An chinois. Entretemps, ils furent nombreux à foncer à la gare ou l’aéroport, ou prendre la route, pour fuir…

Plus tard, le maire Zhou Xianwang reconnaissait que 5 millions avaient déjà quitté la ville depuis le début de l’épidémie, et que seuls 9 millions restaient enfermés. Quelques jours après, c’est toute la province du Hubei (près de 60 millions d’habitants – soit l’équivalent du Royaume-Uni), qui fermait ses portes.

Les déclarations du virologiste Guan Yi de l’Université de Hong Kong, jetèrent un froid le 23 janvier : après une visite de terrain à Wuhan avant la mise en quarantaine, il confiait au magazine Caixin sa peur de voir une ville très mal préparée. « Ce sera 10 fois pire que le SRAS », prédisait-il. Des vidéos émergèrent plus tard, d’hôpitaux débordés et sous-équipés, d’infirmières désespérées, de médecins surmenés, de malades refoulés…  Mais le message pessimiste de Guan, fut très mal reçu par un public chinois peu habitué à une telle franchise. Les médias officiels se lancèrent alors dans une cabale à son encontre, visant à le décrédibiliser. Son départ de Wuhan fut même comparé à une « défection ». D’autres allèrent jusqu’à affirmer que ce médecin avait une tendance avérée à exagérer les épidémies, ressortant ses commentaires alarmistes durant la grippe aviaire de 2013. Le journaliste de Caixin fut lui-même obligé de défendre son article : « entendre les opinions de différents experts est sain dans cette bataille contre l’épidémie ». 

En fin de compte, après avoir décortiqué la chronologie des premiers jours, on ne peut s’empêcher de constater qu’à l’inverse du SRAS, les autorités locales et nationales avaient les données en main en temps utile, grâce aux scientifiques. Toutefois, par hésitation ou par crainte des répercussions, elles ont préféré miser sur l’inaction – une stratégie dangereuse, à proscrire dans un contexte épidémique, dont on connait les conséquences aujourd’hui.


Petit Peuple : Yingtan (Jiangxi) – Le gang aux cheveux blancs (2ème partie)

En février 2002 à Yingtan, avec d’autres membres de sa « Société des anciens du clan Liu », Liu Diyi, 59 ans, déleste un commerçant de 500 yuans – c’est le premier hold-up de ce gang de vieillards…

Dans l’euphorie de la victoire, les complices résolurent d’acheter avec l’argent du butin une bouteille de Maotai, quelques douzaines de jiaozi (raviolis chinois) et autres friandises pour ripailler : cela faisait des années qu’ils n’avaient plus eu tant d’argent en poche ! La fête fut joyeuse, jusqu’au moment où l’un d’eux demanda à Lu’an, la femme de Diyi pourquoi elle avait giflé le commerçant : « tu aurais pu obtenir l’argent sans cogner, non ? », estimait-il.

 « Et bien, explosa-t-elle, ça m’a bien plu de gifler ce type. Je nous venge, car c’est à cause de gars comme lui que nous sommes restés pauvres. Parmi tous ces riches, il n’y en a pas un seul qui puisse avouer d’où vient son argent. Car c’est sur notre dos qu’ils s’enrichissent, en nous volant !»

Sous l’émotion, elle ne se contrôlait plus, « cheveux dressés et yeux écarquillés » (发指眦裂, fàzhǐzìliè). Ahuris, les autres auteurs du commando se turent et bientôt rentrèrent chez eux. Une fois séparés, dégrisés, ils redoutaient la descente de police– car le commerçant avait dû porter plainte.

A leur grande surprise, aucun flic ne frappa pourtant à leurs portes ni le lendemain,  ni les jours suivants. Sur les raisons de cette incompréhensible carence, tous se perdaient en conjectures. Mais le résultat fut qu’ils reprirent confiance. Tous les jours, ces membres de la « Société des anciens du clan Liu » se revoyaient au parc pour leur exercice physique, et tous se félicitaient de leur discipline et de leur esprit de corps.

Une semaine plus tard, ils s’attaquèrent un soir à un bourgeois de leur quartier, en train de rentrer sa Mercedes dans son garage. Ils l’encadrèrent et le soulagèrent du contenu de son portefeuille, soit un peu plus de 800 yuans. A la mode de Robin des bois, ils se les partagèrent équitablement, sauf cent yuans déposés dans un fonds de catastrophe pour les jours noirs.

Les mois, les années passèrent de la sorte, sans encombre, malgré leurs casses réguliers. Ils frappaient en bande de quatre ou cinq, en T-shirts la plupart du temps (la météo de leur province étant plutôt clémente) afin d’impressionner leurs victimes par leurs épaules râblées. Ils menaçaient tel restaurant de faire fuir ses clients s’il ne les régalait à l’œil et ne leur remettait leur petite enveloppe « de soutien au troisième âge ». En les voyant arriver désormais, le patron pâlissait, mais se pliait toujours à leur chantage, et le petit groupe une fois repu, remerciait à haute voix, en repartant.

Au fil des années, ils s’enhardirent. Un soir de décembre 2008, dix minutes après le début de la séance, ils s’attaquèrent au cinéma de la ville.  On y projetait ‘Titanic’, un des rares films étrangers autorisés par la censure. Aussi la salle était pleine, en dépit du tarif élevé des droits d’entrée. Dans la nuit glaciale, l’avenue était déserte. Occupée à compter sa recette, la caissière ne les avait pas vus se rapprocher, encagoulés et masqués. D’un biceps violent, Diyi le chef de bande ouvrit sa porte, arrachant le loquet. Saisissant par la taille l’employée qui hurlait, il l’extrayait du guichet tandis que Qinshou, son cadet, la muselait, et que Lu’An amassait les billets dans son cabas de toile.

Ni le directeur dans sa cabine de projectionniste, ni les 456 spectateurs dans la salle ne s’étaient rendu compte de rien. Le lendemain, le maire, le secrétaire du Parti et le directeur de la banque acceptaient de rendre au cinéma sa recette kidnappée tandis que le commissariat lançait ses meilleurs limiers sur la piste chaude des agresseurs. Il était hors de question de priver le peuple des plaisirs du 7èmeart, ni d’admettre publiquement que la sécurité municipale défaillait si honteusement.  La « Société des anciens du clan Liu » venait de gagner sans coup férir 25 000 yuans, assez pour tenir le coup un semestre à tout le moins.

Cette affaire marqua pour le gang un tournant dans sa pratique : dès lors, ils entrèrent dans une routine de chantage à plus grande échelle, mettant Yingtan en coupe réglée. A partir de 2012, les restaurants devaient payer l’impôt mensuel de protection, 1 000 à 3 000 yuans selon le chiffre d’affaire. Les lignes privées de minibus étaient aussi taxées – le bus refusant de payer trouvait sur sa route un barrage de vieux et de vieilles l’empêchant de passer jusqu’à remise de l’enveloppe exigée. 2015 fut témoin de racket sur les noces célébrées dans les hôtels, priées de rétrocéder une part des enveloppes rouges … Quoique vieillissant, ces êtres grisonnants parvenaient mystérieusement à conserver leur force physique et s’en servaient, rossant quiconque osait leur résister. La ville entière tremblait à leur approche.

Diyi et sa femme Lu’an, Qinshou son cadet et tous les membres du « 白头帮 » (báitóu bāng, gang aux cheveux blancs) prospéraient, ayant décuplé leur revenu au point de pouvoir s’offrir des voitures et envoyer leurs petits enfants à l’université.

Mais que faisait la police, et leur impunité ne cesserait-elle donc jamais ? Plus qu’une semaine de patience, ami lecteur, pour avoir le fin mot de l’histoire !


Rendez-vous : Semaines du 16 mars au 12 avril

En raison de l’épidémie COVID-19, l’ensemble des rassemblements ont été annulés jusqu’à nouvel ordre. Nous vous tiendrons informés de la reprise des salons, conférences et autres rendez-vous.

Voici les principaux événements annulés/reportés :

13-16 mars, Pékin: CPE – China Pet Expo, Salon international spécialisé dans l’alimentation et les produits pour animaux de compagnie, reporté – date à confirmer

17-19 mars, Shanghai: Intermodal Asia, Salon et conférence sur le transport naval et la logistique portuaire, reporté au 14-16 juillet

18-20 mars, Shanghai : SEMICON/FPD, Salon international des semiconducteurs, reporté au 26-29 juin

18-22 mars, Hong Kong : Art Central Hong Kong, Foire d’art contemporain, annulée

24-26 mars, Singapour : Money 20/20 Asia, Sommet asiatique de la finance, reporté au 25-27 août

24-27 mars, Bo’ao (île de Hainan): Boao Forum for Asia, Forum économique de développement en Asie, reporté – date à confirmer

26-28 mars, Pékin : China Maritime Beijing, Salon chinois international des technologies et équipements offshore –reporté, date à confirmer

29 mars au 1er avril, Shanghai : Hotelex & Finefood, Salon professionnel de l’alimentation, des boissons  et des équipements pour l’hôtellerie et la restauration en Chine – reporté au 15-18 juin

30-31 mars, Pékin : Sommet Chine-Europe – report très probable

Fin mars, Pékin : China Development Forum, Forum entre Etats sur les problématiques du développement, reporté – date à confirmer

7-9 avril, Pékin : HORTIFLOREXPO – IPMSalon international des plantes et des fleurs, reporté au 17-19 septembre

7-11 avril, Shanghai : CCMT – China CNC Machine Tool Fair, Salon chinois des machines-outils à commande numérique, reporté – date à confirmer

8-10 avril, Shanghai : PHARMCHINASalon international de l’industrie pharmaceutique, reporté au 25-29 mai

9-11 avril, Shenzhen : CITE – China Information Technology Exhibition, Salon chinois de l’électronique, report très probable

9-12 avril, Shanghai : CMEF – China Medical Equipment Fair, Salon chinois international des équipements médicaux, reporté au 3-6 juin