Diplomatie : Chine-Japon, le dégel par étapes

À Jakarta le 22 avril, la conférence de Bandung réunissait les leaders d’Asie et d’Afrique, sur fond d’échanges transcontinentaux. Le clou attendu, était la rencontre des leaders nippon et chinois, Shinzo Abe et Xi Jinping, à la tête de pays brouillés depuis des lunes. La tension était palpable, vue la rivalité d’influence sur ces continents prometteurs du plus intense effort d’équipements dans les décennies à venir. 

Les n°1 s’étaient déjà revus à Pékin au sommet de l’APEC en novembre, mais d’une manière froide. Or, à Jakarta, ces hommes donnèrent la mesure de leur sens de l’Etat en poussant la réconciliation. Ils le firent à dose homéopathique, selon ce style classique au PCC, nécessaire pour préparer au tournant. Demandée par Tokyo, l’entrevue avait été soigneusement préparée par Abe en communiquant à l’avance son discours à la partie chinoise. Xi avait retourné la politesse en envoyant Cheng Yonghua, son ambassadeur à Tokyo, auprès de Akitaka Saiki, vice-ministre des Affaires étrangères, la veille du sommet. 

Sous ces auspices, le dialogue dura 30 minutes (contre 5 à l’APEC). Abe promit d’ « œuvrer avec la Chine pour la stabilité régionale », et pour « réduire les tensions en mer de Chine de l’Est ». Xi adjura les nations à « réduire la charge des soupçons mutuels » et promit que Chine et Japon « ne seraient pas un danger l’un pour l’autre » à l’avenir. On ne pouvait espérer plus ! 

Pour autant, tout en maniant la fleur de la main gauche, les leaders gardaient l’épée au fourreau, prêts à dégainer. Toute l’assemblée attendait de voir en quels termes Abe présenterait les crimes du Mikado en Chine (1931-45) : après en avoir conféré des jours entiers avec ses ministres et conseillers, il se borna à évoquer ses « profonds remords », sans réitérer les « excuses » ni l’évocation du passé « colonial », comme l’avait fait son prédécesseur Junichiro Koizumi en 2005. Et Xi répliqua en lui demandant de bien « prendre en compte les soucis de ses voisins asiatiques »… 

En tout état de cause, entre ces hommes, ces propos convenus servaient à cacher les véritables sujets : Abe allait-il soutenir Xi Jinping lors de son prochain voyage aux Etats-Unis (en s’abstenant de critiquer), les célébrations chinoises du « 70ème anniversaire de la Seconde guerre mondiale » (en y participant), ou la nouvelle banque internationale chinoise, la AIIB (en y adhérant) ? Avait-on déjà trouvé un terrain d’entente pour enterrer le conflit des îles Diaoyu-Senkaku ? En 30 minutes, ces sujets furent survolés – en secret. A ce qu’on peut noter, tous sont du domaine « réglable, à condition de bonne volonté ». Et celle-ci semble en voie de retour !

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
34 de Votes
Ecrire un commentaire